J'ai beau participer au meilleur webzine metal de l'univers, pour autant cela n'a pas changé un des aspects les plus énervants de mon existence : je suis toujours le dernier au courant. Au travail, en famille, dans mes loisirs, les choses se passent sans moi et visiblement cela n'empêche pas le monde de tourner. S'il m'arrive de vous présenter des albums plusieurs mois après leur sortie, c'est souvent par manque de temps mais aussi parfois parce que je les découvre bien plus tard, et vous n'avez pas idée comme cela m'énerve. Vous l'aurez compris, c'est le cas de "Eternal Silence", septième album de cette formation grecque qui a bercé mes premières années de metalleux et qui fait son grand retour après douze ans d'absence. Le genre d'événement que l'on ne peut pas rater. Enfin sauf moi, et pas de peu puisque on approchait dangereusement les deux ans. Record à battre.
Pour ma défense je pensais le groupe mort et enterré, surtout après les errances des dernières productions. Commencée dans un style doom/death/gothique, leur carrière a basculé vers un metal gothique éthéré de toute beauté (1999) pour finalement sombrer dans un metal alternatif sans grand intérêt (2003). Un album prometteur était prévu pour succéder au fiasco
"Egocentric" mais ce dernier n'a jamais vu le jour. Que reste-t-il alors des Grecs, vingt ans après leur formation ? Le coeur du line-up originel à savoir Chris et Stefanos ainsi que le batteur des débuts Fotis. On n'en attendait pas tant, de quoi rassurer sur l'âme de cette résurrection. Il ne restait plus qu'à découvrir ce qu'une dizaine d'année d'absence allait donner sur le plan musical.
On Thorns I Lay a passé beaucoup de temps à se chercher, parfois pour le meilleur
("Crystal Tears"), parfois pour le pire
("Egocentric"). Qu'ils soient bons ou mauvais, leurs six premiers albums possédaient au moins une chose en commun : un style manquant de maturité. Aujourd'hui autour de la quarantaine, les Grecs ont eu le temps de digérer tout ça et de se faire une idée de la route à tracer. Ainsi, ce nouveau départ sonne comme un condensé du meilleur de leurs différentes périodes. Il emprunte un brin de la violence des débuts, l'énergie du metal alternatif de ses précédentes expérimentations et une bonne dose de metal gothique bien sûr, celui qui a fait sa renommée. Dès l'ouverture "Breathing", le groupe annonce la couleur : les rythmiques lourdes, hachées et le chant guttural de Stefanos se heurtent à la sensibilité du chant d'Anna et aux violons de Labros, un contraste et une puissance qui rappellent bien évidemment des oeuvres comme
"Orama" et plus généralement les sorties metal gothique symphonique de la fin des années 90. Sorte d'hommage au genre de l'époque, "Eternal Silence" reprend finalement l'histoire des grecs là où elle avait été (dé)laissée en 2001 et s'inscrit dans une tradition d'écriture que l'on n'a plus l'habitude d'entendre. A l'exception de quelques touches d'électronique que le groupe utilisait déjà à ses débuts, il propose une musique sans artifice misant sur la sincérité de ses compositions et sur son atmosphère à la fois mélancolique et onirique.
Contrairement aux usines à tubes qu'ont cherché à devenir beaucoup de formations de l'époque (Tristania, Sirenia, Lacuna Coil, In Flames... à non pardon hors sujet), On Thorns I Lay n'a pas succombé aux charmes des sirènes et cette approche, si elle engendre quelques longueurs sur l'ensemble, lui accorde surtout un charme indéniable et une personnalité qui ne trahit pas leur oeuvre. La production froide et sèche fait pour une fois honneur au travail réalisé, conférant l'énergie et la sensibilité nécessaire à ces 9 pièces pour en extraire toutes les émotions. Pour moi, c'est surtout sur sa durée que "Eternal Silence" pèche car une petite moitié des titres sont en réalité des transitions instrumentales, réduisant le nombre de véritables morceaux à 5 pour un total de moins de 30 minutes. On parvient du coup rapidement au bout de l'album avec un gros sentiment d'inachevé. Les fans de la première heure regretteront peut-être aussi l'absence de prise de risque de ce come-back ; il faut bien reconnaître que le combo ne s'est pas aventuré hors des sentiers battus alors qu'il avait toujours eu jusqu'à maintenant cette tendance à nous surprendre, en bien ou en mal.
En tous cas, je ne boude pas mon plaisir de retrouver un On Thorns I Lay que je n'espérais plus, d'autant plus sur d'aussi bons rails. Tout n'est certes pas parfait, aussi bien côté interprétation (notamment le chant féminin qui manque de fraîcheur) que côté écriture, mais les Grecs parviennent tout de même à convaincre par leur volonté de renouer avec ce style qu'ils n'auraient du avoir de cesse d'explorer. Maintenant y a plus qu'à les gars, et pas dans 12 ans s'il vous plaît.
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