Il est temps de faire un mea culpa. Les chroniqueurs font souvent dans la facilité et je dois avouer que parfois je tombe dedans également. Nous avons, il me semble, la tache de chercher, de fouiller, et donc de trouver des nouveautés, des petits artistes qui n’ont pas nécessairement les moyens de sortir de la masse de groupes qui veulent se faire remarquer. Et pourtant, nous avons tendance à nous contenter soit des groupes que nous attendions et donc des albums que nous avons achetés, soit des promos qui nous ont été envoyés. Mais même dans ce deuxième cas, nous gardons la liberté de nous occuper ou non d’untel ou d’untel, parfois même sans avoir tout épluché. Question de temps ? Question de motivation ? Question d’intérêt ? Eh bien, c’est selon. Je le disais, je suis aussi concerné, et parfois j’ai envie de dire que c’est parce que je ne peux pas aller écouter tous les Bandcamp qui foisonnent. Du coup, je me pose des limites, et me contente généralement des groupes qui ont au moins sorti du matériel « physique ». Du coup, oui, je fais mal mon travail de chercheur de talent.
Cette introduction ne sert pas à grand-chose, si ce n’est pouvoir présenter
SNJÓR, nouveau venu dans notre scène, groupe français malgré son patronyme qui signifie « Neige ». Choix de nom trompeur, et peut-être plus vraiment d’actualité puisque c’est non seulement dans la langue de Molière mais avec un thème bien français, que le Stéphanois revient. Le titre d’album :
Les fleurs maladives. Une référence à... Une référence à... Allez, un effort, c’est facile hein ! Baudelaire bien entendu. Tu avais de toutes façons déjà compris en regardant la pochette hein ! Le doute n’était pas permis, c’est au grand homme qu’est rendu un hommage. La première piste est d’ailleurs une introduction au monde du poète, avec la lecture complète de « Au lecteur ». Juste quelques accords à la guitare accompagnent une voix qui déclame.
« La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.
Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.
Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste
Qui berce longuement notre esprit enchanté,
Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.
C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent !
Aux objets répugnants nous trouvons des appas ;
Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.
Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisé d'une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.
Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.
Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,
N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C'est que notre âme, hélas ! n'est pas assez hardie.
Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices,
Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !
Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde ;
C'est l'Ennui ! - l'œil chargé d'un pleur involontaire,
Il rêve d'échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
- Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère ! »
Sauf qu’à la place de « lecteur » à la fin, c’est « auditeur » qui est lu, petit arrangement pour nous, et c’est bien le nom qui a été choisi pour ce titre : « A l’auditeur »...
Les paroles sont également issues de textes de Baudelaire sur l’ensemble des titres. « L’ennemi », « Une charogne », « Spleen LXXVI », « Elévation », « Le soleil », « Un cabaret folâtre ». Bien entendu, ce n’est pas la première fois qu’un groupe de black s’intéresse à notre bonhomme, et pour beaucoup c’est « Spleen » de
PESTE NOIRE qui revient en tête, pour d’autres « Spleen Black Metal » de
NOCTURNAL DEPRESSION. Mais même les étrangers s’y sont frottés, comme
DOOMINHATED et son « Flowers of Evil » de 2004. Le monde du poète maudit colle aussi à notre univers sombre et désabusé...
Alors, musicalement, que nous offre
SNJÓR ? Beaucoup d’ambiances déchirées. Les guitares grésillent, prennent bien les oreilles, et deviennent plus aigües par moment pour des soli efficaces. Ils tournent parfois un peu trop en boucle, mais rien de méchant. Même si les morceaux sont courts, avec 3 minutes en moyenne, eils ne sont pas linéaires. Le rythme change, passant de grosses martelations à des passages plus lents et lourds. C’est étrange mais c’est comme un regard. J’ai l’impression d’être observé avec insistance par un regard accusateur et sévère, mais celui-ci devient parfois fatigué et vide, plus inquiétant du coup. C’est assez fort sur « Le soleil » et « L’ennemi ». Sur ce dernier il y a même une voix claire qui fait le break. Un chant et une éclaircie à mille lieues du reste du morceau. Bonne idée, mais le timbre n’est pas juste, et même si c’est volontaire, les oreilles ont tendance à refuser de le laisser entrer...
Mais en général les vocaux sont agressifs, avec une trainée rauque comme si elle venait du death metal. Il fallait oser utiliser ce timbre pour du Baudelaire, et ça passe sans encombre, sans doute parce que le chanteur n’essaie pas de phraser comme on lit de la poésie. Il a vraiment réussi à transformer le texte en chant pour titre BM. Ah, et gros point positif pour le début de « Spleen LXXVI » et une voix qui nous (dé)gueule très rapidement « J’ai plus de souvenirs que si j’avais 1000 ans !!!!!! ».
Cette demo est vraiment honnête, même si bien entendu il y a des aspects encore perfectibles, un côté amateur qui persiste encore, mais Oh ! c’est une démo hein ! Sinon, j’accroche moins à « Une charogne », un titre moins excité, plus doom, et... vu que je suis pas fan de ce style, je ne m’y retrouve pas.
Je trouve en tous cas que cette formation prend des risques. Elle se fout de faire du beau, mais tente de reproduire sa vision des écrits de son maître. C’est très respectable, et surtout bien unique. Si vous êtes intéressé, il reste quelques copies.
https://snjor.bandcamp.com/merch
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