On ne va pas se mentir mais après vingt-neuf ans de carrière et treize albums, l’annonce d’un successeur au sympathique
A Skeletal Domain n’a pas suscité chez moi une excitation débordante. Certes, il est toujours agréable de s’enfiler un nouvel album de Canniboul mais on est quand même bien loin de l’impatience que peuvent génèrer d’autres sorties plus attendues. Ce n’est pas que le Death Metal des Américains manque d’arguments, bien au contraire, mais plutôt que d’un album à l’autre la formule demeure identique, laissant ainsi bien peu de place au suspens et aux prises de risques. Comme un vieux couple marié qui connait les bonnes et mauvaises habitudes de son conjoint, on sait pertinemment où l’on met les pieds ici.
Intitulé
Red Before Black, ce nouvel album est une fois de plus illustré par l’infatigable Vincent Locke qui, rappelons-le, collabore avec la formation depuis ses débuts (1990 et la sortie de
Eaten Back To Life). Une illustration incroyablement mauvaise qui ne relève pas le niveau des derniers travaux pensés pour ne pas être censurés. Dommage qu’un groupe de la trempe des Américains ne cherchent pas à faire davantage d’efforts à ce niveau-là même si, on s’en doute, cela n’aura aucun impact sur le nombre de disques écoulés à l’arrivée.
Si l’idée de savoir ce que l’on va trouver sur ce
Red Before Black soulève bien peu d’interrogations, celle de la qualité des compositions reste quant-à-elle au cœur de toutes les discussions. Et si le groupe a pu en "décevoir" certains ces dernières années avec des albums toujours très efficaces mais peut-être pas aussi marquants qu’escompté, il n’en reste pas moins que Cannibal Corpse demeure une valeur sûre du Death Metal et que malgré les années qui passent et qui ne nous rajeunissent pas, il a su rester fidèle à ses valeurs et à un modèle qu’il a lui-même bâti. Une application et une régularité qui, quoi que l’on en dise, forcent le respect.
Attisé par une certaine curiosité, je n’ai pas pu me résoudre à ne pas écouter les quelques extraits publiés ces dernières semaines avant la sortie officielle de l’album. Et le moins que l’on puisse dire c’est que j’y ai trouvé un Cannibal Corpse plus remonté que jamais. Si les Américains n’ont jamais été du genre à se trainer la teub sur des mid-tempos mollassons,
Red Before Black s’avère être un de leurs disques les plus Thrash. Un choix qui accessoirement ne fera pas l’unanimité puisque les compositions des Américains vont inévitablement gagner en simplicité là où le groupe avait pour habitude de proposer des morceaux rythmiquement plus riches et complexes. N’allez pas croire pour autant qu’Alex Webster et Pat O'Brien, les principaux compositeurs de Cannibal Corpse, se reposent sur leur lauriers pour autant, c’est juste que les deux hommes ont opté ici pour une approche sensiblement plus primitive et immédiate que par le passé. A ce titre, "Only One Will Die" et "Red Before Black" constituent à eux deux une entrée en matière particulièrement efficace et éloquente qui illustre parfaitement toute la teneur de mon propos. Direct et sans aucun compromis, Cannibal Corpse entre ainsi dans le vif du sujet en taillant dans le gras à grands coups de hachoir, laissant ainsi les riffs et autres soli fuser à toute berzingue. Et ces deux morceaux sont loin d’être des cas isolés. De "Code Of The Slashers" (au moins sur sa partie centrale) à "Remaimed" jusqu’aux accélérations fulgurantes de "Firestorm Vengeance" en passant par "Heads Shoveled Off " ou "Destroyed Without A Trace", les Américains possèdent encore de beaux restes et n’ont clairement de leçon à recevoir de personne en matière de brutalité et de vitesse d’exécution.
Pour autant,
Red Before Black ne manque certainement ni de relief ni de groove et comme à l’accoutumé, les Américains y vont de leurs morceaux moins bas du front où les coups de hachoirs se transforment en véritable coups de massue. Entre les nombreux breaks/ralentissements assassins taillés pour briser des nuques par paquet de cent ("Only One Will Die" à 1:37, "Shedding My Human Skin" à 0:13, "Firestorm Vengeance" à 0:43, "Heads Shoveled Off" à 1:57, "Corpus Delicti" à 0:23, "Scavenger Consuming Death" à 0:45 et 2:57, "In The Midst Of Ruin" à 0:48, etc) et les quelques séquences plombées comme sur la première et la dernière minute de "Code Of The Slashers", les premières secondes de "Shedding My Human Skin", une bonne moitié de "Remaimed" et ainsi de suite... Là encore bien peu de surprise mais peu importe car le groupe conserve ce sens du rythme et de la cadence qui donne une fois encore à ce quatorzième album toute cette énergie et cette intensité.
Car on l’oublie peut-être un peu par habitude, mais putain, les musiciens de Cannibal Corpse sont loin d’être des bras cassés. De retour sous la houlette d’Erik Rutan,
Red Before Black jouie d’une production puissante et limpide bien loin de paraître artificielle. Le travail de l’ex-Morbid Angel met ainsi une fois de plus en lumière toute la maîtrise et la dextérité de chacun des cinq musiciens à commencer par un Corpsegrinder toujours aussi impressionnant dans sa capacité à débiter à une vitesse folle ses paroles cradingues et dégoulinantes. Viennent derrière la paire O’Brien / Barret qui tricote à qui mieux-mieux en laissant filer de temps à autre quelques solos toujours très bien sentis ainsi qu’un Paul Mazurkiewicz qui jamais ne semble à bout de souffle. En ce qui concerne Alex Webster, celui-ci ne démérite une seule seconde mais j’aurai aimé qu’on puisse l’entendre autrement que sur ces quelques moments où lui seul joue.
Voilà, je pense que l’on a fait le tour de la question. Ce
Red Before Black est un album de Cannibal Corpse tout ce qu’il y a de plus classique que ce soit dans en terme de composition, d’exécution ou d’atmosphère de Z Movies horrifiques. Ayant pour ma part apprécié les précédents albums des Américains, je ne parlerais pas de retour gagnant pour qualifier ce nouvel album mais une chose est sure, l’influence Thrash du groupe se fait ici nettement plus sentir qu’auparavant. Mené le couteau entre les dents,
Red Before Black ne devrait pas surprendre grand monde. Pour autant, la qualité des riffs et l’impact de chaque composition devraient pouvoir remporter l’approbation de la plupart des amateurs de Cannibal Corpse. C’est donc assurément ce que l’on appelle un bon cru.
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