Summoning ou l’art de l’« aguichage ». Une simple photo de profil ou de couverture changée sur leur page Facebook (relayée par Napalm Records) et ce sont des milliers de personnes en émois (je m’y inclus évidemment). Les spéculations pleuvent forcément : « un nouvel album ?! ». De facto nous nous sommes rendus à l’évidence sur la productivité du duo autrichien après cinq puis sept longues années interminables entre ses derniers opus. Non, simplement surexcités de découvrir le successeur de l’excellent
Old Mornings Dawn (sur le podium de leur discographie) après un magistral
Oath Bound. Et comme présagée, la nouvelle tombe cet été, les disciples de Tolkien annoncent leur huitième album
With Doom We Come. On découvrira ainsi l’artwork, pas la plus belle œuvre du groupe nous le concéderons mais un léger côté « rétro » années 90 appréciable. Néanmoins gros sourcil levé devant les photos promos de Silenius et Protector. Les musiciens arborant des vilains masques que même Gwar n’aurait pas osés porter (farces et attrapes « low-cost »)… Passons. Direction l’île de Númenor.
La note vous a fait couler une larme, autant débuter par la conclusion. Encore sous le charme d’
Old Mornings Dawn (mes impressions sur ma chronique dithyrambique n’ont pas changé) il sera très compliqué pour moi de pondre ce texte car
With Doom We Come n’a rien de mauvais, il est même plutôt bon dans l’ensemble mais la comparaison avec ses prédécesseurs sera sévère. Ecoutes après écoutes en boucle (quotidiennes depuis un mois) et peut-être un déclic ? En laissant décanter alors ? Rien n’y fait, la boule au ventre, c’est un Summoning en pilotage automatique qui usera de fonds de tiroirs pour combler les trous… Des imperfections et des rallonges certes mais toujours entourées d’un passage enivrant dont seul le groupe viennois possède la recette. Ardents adeptes du duo je ne vous pose pas la question, vous n’avez évidemment pas échappé au premier extrait (« With Doom I Come ») dévoilé. Bien que fort qu’honorable, après les frissonnants « Land Of The Dead » et « Earthshine » ce morceau de conclusion paraîtra relativement terne de la part du duo… Sachez qu’il s’agit de l’une des meilleures compositions de ce
With Doom We Come.
Aucun chamboulement toutefois dans la musique vingt ans d’âge des Autrichiens, elle reste ainsi dans la continuité de
Old Mornings Dawn. Le titre de la galette semble assez explicite, une atmosphère plus « sobre » où les aspects « épique » s’effacent au profit d’une ambiance froide et mélancolique. Summoning remet en avant ses guitares saturées à l’extrême (« Burzumiène ») dans son mixage et ses riffs répétitifs que l’on avait (re)découvert sur le majestueux « The White Tower ». Il sera malheureusement difficile de retrouver l’aura de ce bijou ici même si un « Night Fell Behind » tend à s’en approcher. Les minutes défilent et un sentiment de « déjà-entendu » domine, comme si Summoning se contentait de reprendre des chutes de studio et de les affiner. Tout semble austère et monolithique, sans réel frisson puis le drame arrive soudain... Une torpeur commence à s’installer dès « Carcharoth ». 1 heure et 5 minutes ardues à tenir sans décrocher dans ce format de 10 minutes par composition (un suppo, un « Mirklands » et au dodo).
Mais le roi Summoning ne fléchit pas complètement. Les chœurs, cuivres synthétisés et mélodies lumineuses, forces principales, ne sont pas gommés et se mêlent naturellement à cet esprit « doomy », constat fait dès l’ouverture imposante « Tar-Calion » (tirant malheureusement sur la longueur). On retrouve sourire aux lèvres la puissance d’antan sur des morceaux comme « Silvertine » (titre majeur) ou « Herumor ». En portant une oreille plus attentive aux écoutes on se rend compte que Summoning n’a clairement pas bâclé son sujet. Les arrangements, le travail de programmation des percussions demeurent toujours impressionnants et surtout cette ambiance ! Après « L’Histoire de la Terre du Milieu », les Autrichiens se baseront sur le livre posthume de Tolkien « Le Silmarillion » et plus particulièrement sur l’île de Númenor. Des images défilent dans nos têtes et l’on se projette rapidement dans cet univers : entrée dans la salle du trône du roi Tar-Calion sous l’influence de Sauron (composé uniquement de « spoken word »), survol du pic montagneux de Silvertine, l’on suit le seigneur maléfique Herumor scrutant l’horizon ou le loup-garou Carcharoth… Définitivement Summoning reste le maître en la matière. Un monde imaginaire porté par les vers du duo et principalement Silenius. Ce dernier semble avoir été transcendé par son retour au sein d’Abigor et d’Amestigon, un racle gorge puissant tout droit sorti d’un orque conteur. Un contraste prononcé avec le chant « essoufflé » de son acolyte Protector, moins convaincant et prenant qu’à l’accoutumé.
L’année 2018 commence mal, Summoning délivre certainement l’album le plus faible de sa discographie à ce jour (au côté de
Lugburz selon moi).
With Doom We Come est un (très) long voyage monotone mais ponctué de moments de gloire. Les premières écoutes seront acerbes, comme une sorte de compilation de chutes de studio pour un album bonus de
Old Mornings Dawn. Douche froide… Mais en laissant un peu reposer la chose, le travail d’ambiance et de composition remontent. Même à bas régime, les Autrichiens arrivent à nous faire voyager dans le monde de Tolkien et cela rien qu’avec des riffs et des nappes simplistes parfois à la limite du kitsch. Une leçon aux nombreux suiveurs. Summoning trébuche mais ne fait pas tomber sa couronne.
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