Azziard - Metempsychose
Chronique
Azziard Metempsychose
Malgré plus de quinze ans d’ancienneté le combo d’Île-de-France n’est que trop peu cité parmi les groupes importants du genre en France, la faute sans doute à ses deux premiers albums (les très bons « 1916 » et « Vésanie ») restés relativement confidentiels et peu distribués, ainsi qu’à un mouvement incessant de personnel qui finit par être handicapant. Ce point est encore une fois flagrant car depuis la sortie de son précédent opus il y’a encore eu des grandes manœuvres car seuls subsistent le chanteur A.S.A. (et dernier membre d’origine) et le guitariste Nesh, qui se sont entourés d’une nouvelle équipe avec qui ils ont déjà joués par le passé dans THE NEGATION. En effet le batteur Anderswo et le bassiste Sarnath (arrivé pendant l’enregistrement) ont fait aussi partie de l’aventure il y’a quelques temps, du coup tout le monde se connaît et il n’est pas très difficile de trouver une alchimie dans ces conditions, comme il est également plus simple d’aller dans la nouvelle direction artistique voulue par son binôme de compositeurs. Car si le principe des textes et chant en français est bel et bien conservé, en revanche l’histoire de la première guerre mondiale qui était l’axe d’écriture des deux longs formats est désormais terminée, et se retrouve remplacée par quelquechose de plus actuel mais toujours aussi recherché et qui mets en valeur encore une fois les écrits réalisés par le médecin et psychiatre Suisse Carl Jung (1875-1961), et notamment son fameux livre rouge. Ici le thème général continue d’explorer les méandres de l’âme humaine et ces instincts primitifs tel que l’a expliqué le fondateur de la psychologie analytique, avec comme thème central un personnage dont la folie est égalée par le seul monde dans lequel vit l’homme et ses congénères, le tout sur fond de Metal noir plus moderne et aussi plus sombre et dépressif qu’auparavant. Visiblement toujours aussi dégouté par les méfaits créés par l’être humain sur sa planète, le frontman en a profité pour poser des textes encore plus travaillés et nihilistes (à la fois en français et en anglais, une nouveauté), sur une musique d’une noirceur absolue, et qui ne manquera pas d’éveiller les consciences ou du moins faire réfléchir sur les conséquences de nos actions au quotidien.
Autant dire qu’on est en présence une nouvelle fois avec son chanteur d’un projet ambitieux au niveau des paroles comme du thème global, qui se prolongera dans l’avenir vu qu’il s’agit ici du premier volet d’une future trilogie, et que musicalement l’ensemble de ses acolytes s’est mis au diapason afin d’obtenir la meilleure sortie du combo à ce jour. Avec des morceaux qui tournent tous aux alentours des six minutes, celui-ci confirme son goût pour créer des compos particulièrement longues, et celles-ci n’ont jamais été aussi imposantes et suffocantes qu’aujourd’hui, car cela saute aux oreilles dès la fin de l’introduction intitulée « Premier Jour » (qui ouvre la première partie). Celle-ci reviendra sur la dispute finale avec entre Sigmund Freud et Carl Jung, elle raconte la déchéance psychologique de ce dernier et de son isolement de plus en plus prononcé, comme cela s’entend sur le bouillonnant et extrême « L’enfer ». A la fois très violent et d’une obscurité totale il met les points sur les i d’entrée de jeu, et montre une descente inexorable vers les tréfonds de l’âme humaine et de ses tourments, sur de blasts déchaînés, de voix possédée et de ralentissements très lourd, le tout avec une cohésion imparable. Bien que très classique sur le fond comme la forme c’est un AZZIARD plus moderne qui voit le jour dès le début de cette excellente compo, où l’on retrouve aussi les influences évidentes de l’autre groupe commun où a évolué presque tout le line-up, le tout avec une production froide et clinique aux petits oignons.
Cette première moitié sera d’ailleurs d’une manière générale du même niveau, tout en gardant son conservatisme, mais en proposant énormément de variété de rythmes et d’ambiances nerveuses et désespérées. Si « Ascension » montre la facette la plus brutale et violente produite par la bande, vu que les blasts ne s’arrêtent que très rarement et que la double trouve un terrain d’expression propice, au contraire « L’anachorète, Dies » et « Le Meurtre du Héro » qui misent eux sur le mid-tempo voire même plus lent. Le premier de ces deux titres à la fois martial, remuant et entraînant laisse les blasts plus sur la touche, et propose une musique plus aéré et moins hermétique, tout en conservant sa haine et son obscurité, à l’instar de la seconde plutôt au ralenti (et où quelques explosions de brutalité se font entendre ici et là, ainsi que la voix de Psycho d’ANTILIFE, invité pour l’occasion), ce qui créé quelquechose de plus brumeux et froid, et toujours avec ces nombreuses qualités. Alors qu’on arrive au milieu de l’écoute une pause s’impose, et un petit interlude bienvenu permet ainsi de souffler avant d’entamer la seconde moitié de l’écoute, qui va se distinguer par plus d’ambition, tout en gardant sa ligne directrice. Si « Archétype » (où le très présent Julien Truchan de BENIGHTED vient poser sa voix) reste encore relativement dans la lignée entendue jusqu’à maintenant, « Unus Mundus » est nettement plus glacial de par ses riffs et son côté martial pesant, tout en proposant une grosse alternance entre les deux types de vitesse proposée. Là-encore ça fait mal, et même s’il était déjà connu (il figurait sur le Split avec NIRNAETH sorti l’an dernier) c’est toujours aussi agréable. Avec « Psyché » on passe au niveau supérieur grâce à trois parties qui s'agglomèrent et se fondent parfaitement les unes dans les autres, vu que ça commence comme un défouloir avec des bpm élevés, avant que la double n’arrive et n’écrase tout sur son passage, et qu’elle finisse par rester là toujours en ralentissant l’allure. Particulièrement travaillé et addictif ça n’est pourtant pas encore le bouquet final qui intervient avec « Le Sacrifice » (où là-aussi Psycho vient poser son chant) et débute par une longue introduction froide et coupante où le Doom semble vouloir pointer le bout de son nez, avant une alternance en continu où tous les rythmes vont trouver leur place, et surtout une conclusion presque religieuse. Car des chœurs monacaux raisonnent pour laisser croire qu’on est plein deuil et recueillement, et cela rend vraiment bien puisqu’ils sont sobres et discrets, sans prendre tout l’espace, et surtout ne s’éternisent pas pendant une plombe.
Une fois arrivé au bout de l’expérience sensorielle on en ressort épuisé mais ravi, car si elle peut sembler impénétrable la musique des franciliens prend aux tripes et ne laisse que peu l’occasion de souffler. Haletant et prenant ce nouveau visage musical et conceptuel montre un quintet au top de sa forme, car entre le jeu impressionnant proposé par le frappeur et les mots particulièrement fouillés du frontman (qui confirme une fois de plus sa qualité indéniable de parolier, tout en n’étant pas reconnu à sa juste valeur) on peut que s’incliner et tirer un grand coup de chapeau à cette galette qui demandera du temps et de la patience pour être totalement apprivoisée, tout comme aux gars qui continuent leur chemin hors des sentiers battus et devraient enfin (espérons-le) obtenir une reconnaissance plus que méritée
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