On pourra dire ce que l’on veut au sujet de Matt Harvey, notamment concernant sa propension à recycler des choses qui ne lui appartiennent pas vraiment, il n’en reste pas moins un musicien doté d’un sens du mimétisme et de l’appropriation particulièrement bluffant ainsi qu’un gars sympathique et empreint d’une vraie modestie. S’il y en a bien évidemment que ça gêne, cela n’a jamais été mon cas. Très client de ce que le californien a pu faire avec Gruesome, je n’ai également jamais caché mon intérêt pour Exhumed dont j’ai toujours apprécié l’hommage fait aux Anglais de Carcass.
Quatre ans après le très bon
Necrocracy, le groupe revient avec un nouvel album intitulé
Death Revenge. Paru sur Relapse Records, celui-ci voit le retour de Ross Sewage dans la formation après dix-sept ans d’absence. C’est aussi le premier album d’Exhumed basé sur un véritable concept. Ce sixième album (sans compter celui de reprise et la version 2015 de
Gore Metal) s’intéresse ainsi aux cas de William Burke et William Hare, deux meurtriers ayant sévit en Ecosse au début du 19ème siècle.
En 1827, l’université médicale d’Edimbourg, entité alors mondialement reconnue pour la qualité des cours qui y sont dispensés, doit faire face à une pénurie de cadavres dédiés à l'étude et à l'enseignement de l'anatomie. L’abrogation de ce qui est communément appelé depuis le "Bloody Code" a en effet très largement limité le nombre de corps disponibles pour la science et en parallèle augmenté considérablement le nombre de crimes liés à ce qui est très vite apparu pour certain comme un business juteux (celui du pillages de tombes). C’est dans ce contexte que William Burke et William Hare vont sur une période d’environ un an assassiner au moins seize personnes tout cela dans le but de revendre les corps de leurs victimes au professeur Robert Knox (qui ne s’est vraisemblablement jamais douté de la provenance de ces derniers). Afin de mettre cette histoire en musique, Exhumed a choisi de tirer parti de ses trois chanteurs (qui apportent déjà en temps normal une diversité vocale bienvenue et tout à fait raccord avec le style pratiqué) afin d’incarner tout au long de ces quarante-quatre minutes différents personnages à travers un concept légèrement revisité pour les besoins de l’album.
Afin d’immerger encore davantage l’auditeur dans cette sordide histoire qui à l’époque avait fait grand bruit, le groupe a souhaité donner une dimension cinématographique à son œuvre. D’abord en demandant a Orion Landau de réaliser un artwork inspiré du cinéma d’horreur des années 70 et 80. L’artiste attitré des productions Relapse a même poussé le vice jusqu’à faire apparaître sur celui-ci ce qui ressemble aux pliures d’un poster papier. Matt Harvey et Matthew Widener (du groupe Cretin) se sont également chargés de réaliser une introduction et un interlude (ainsi qu’une conclusion disponible uniquement sur la version numérique de l’album) faisant là encore résonances avec le 7ème art et l’époque victorienne à laquelle se déroule l’intrigue (cordes et piano uniquement).
Passé comme un disque relativement quelconque lors de sa première écoute (ayant ainsi entraîné de ma part un sérieux manque de motivation pour y revenir),
Death Revenge s’est finalement imposé par la suite comme un digne successeur des très bons
All Guts, No Glory et
Necrocracy. Car, en dehors de ce concept tout à fait nouveau pour Exhumed, du retour de Ross Sewage dont on se délectera du growl dégoulinant et de la présence d’un long titre instrumental tout à fait réussit (l’excellent « The Anatomy Act Of 1932 »), bien peu de choses permettent de différencier ces trois albums à la formule quasi-identique. Toujours très influencé par le Carcass de l’époque
Necroticism... /
Heartwork, Exhumed reprend à son compte l’essentiel de ce qui caractérisait le groupe anglais aux débuts des années 90. A l’aide d’une production soignée alliant puissance de feu et précision chirurgicale, les Américains rempilent pour ce qu’ils savent faire de mieux. Évidemment, tout ça n’a rien de bien nouveau ni même de très original mais très franchement, je vois mal comment il est possible de résister à un album de cet acabit quand on est sensible à ce genre de Death/(Gore)Grind mâtiné de passages Thrash. Le savoir-faire de chaque musicien est absolument indiscutable et rend chaque instant particulièrement plaisant et agréable. Entre ces mid-tempos savoureux (les débuts de "Defenders Of The Grave", "Dead End", "Lifeless" à 1:47, la première moitié de "Night Work", le break de "The Harrowing" à 2:00 et de "A Funeral Party" à 1:01, "The Anatomy Act Of 1832" à 5:17), ces cavalcades thrashisantes au groove redoutable ("Lifeless" à 0:26, "Dead End" à 1:04, le début d’"Unspeakable"), ces accélérations menées tête dans le guidon (et pour le coup ils ne font pas semblant) ("Defenders Of The Grave" à 1:19, "Dead End" à 0:38, "Night Work" à 1:50, "Unspeakable" à 0:27, "The Harrowing", "A Funeral Party"...), ces riffs incisifs et ultra efficaces ou ces solos hyper mélodiques tous les deux dotés d’un délicieux feeling carcassien ("Defenders Of The Grave" à 2:32, "Lifeless" à 2:34, "Dead End" à 2:51, "Unspeakable" à 2:12, "The Harrowing" à 2:36, "The Anatomy Act Of 1832" à 4:54, "Incarnadined Hands" à 1:58...), tout est une fois de plus savamment orchestré, ne souffrant d’aucune critique particulière.
Pour un album sur lequel je ne fondais pas beaucoup d’espoir après une première écoute bien peu concluante,
Death Revenge se révèle finalement bien meilleur que ce à quoi je m’attendais. Car outre l’idée intéressante d’axer tout l’album sur une histoire relativement peu connue et tout à fait adaptée à l’univers d’Exhumed, le groupe fait preuve d’un vrai talent que ce soit en matière de composition ou bien dans l’exécution de ses morceaux. Bien sûr, on n’oublie pas que Matt Harvey doit ici tout à Carcass mais il serait injuste de ne pas voir chez le monsieur cette capacité à écrire d’excellents morceaux toujours diablement efficaces. Avec
Death Revenge, les Américains poursuivent ainsi leur route sans grands bouleversements tout en s’autorisant quelques nouveautés qui méritent d’être soulignées. Et pour le coup, c’est plutôt bien joué.
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