En trente ans de carrière, Exhumed n’a pas été ce que l’on peut appeler un groupe porté sur la nouveauté et l’expérimentation. Restée sensiblement la même tout au long de ces trois décennies, la formule copiée/collée par Matt Harvey et ses acolytes de passage n’a finalement réservé que bien peu de surprises aux auditeurs ayant un jour posé leurs oreilles sur l’une des nombreuses sorties que compte la discographie des Américains. S’il y a donc quelqu’un qui s’attendait à ne pas être étonné par un nouvel album d’Exhumed, c’est bien moi. Pourtant, je mentirai si je disais que je n’ai pas été agréablement bousculé par ce neuvième album.
Intitulé
Horror, celui-ci renoue d’une manière pour le moins surprenante avec le Exhumed d’il y a vingt ans, celui des excellents
Gore Metal et
Slaughtercult. C’est ainsi qu’après quatre albums passé à peaufiner une recette un poil plus élaborée et proprette à grand renfort de mélodies (grosso modo depuis la sortie de
Anatomy Is Destiny en 2003), le groupe californien fait aujourd’hui un bond étonnant dans le passé avec un disque particulièrement sauvage et intense, dépouillé de tout artifice et doté d’un esprit de concision qui en dit long sur ses intentions belliqueuses. D’ailleurs, les pistes laissées par Exhumed suggérant ce retour aux fondamentaux ne s’arrêtent pas là puisque l’artwork est aussi particulièrement parlant. Emballé façon VHS de vidéo club (mention spéciale pour la version ultra limitée), on retrouve sur la pochette Dr. Philthy, sorte de mascotte dérangée qui habituellement arpente les planches en compagnie des Californiens armé de sa tronçonneuse ensanglantée qu’il tient ici fièrement, recouverte de sang et de barbaque humaine, en bon souvenir de quelques artworks devenus depuis emblématiques (ceux de
Gore Metal et
Slaughtercult).
Torché en moins d’une demi heure malgré une tracklist généreuse de quinze titres,
Horror est un shot d’adrénaline à s’injecter sans retenue. Un disque régressif et savoureux, dénué de toute subtilité mais alors particulièrement jouissif. Produit pour l’occasion par Alejandro Corredor, compagnon d’arme de Matt Harvey au sein de Pounder (un de ses nombreux projets dédié cette fois au Heavy Metal) et mixé par Joel Grind (Toxic Holocaust),
Horror a pour lui une production incisive et nerveuse qui colle à merveille au Goregrind teinté de Death Metal que nous sert ici Exhumed. Loin d’un
Death Revenge conceptuel évoquant les pérégrinations meurtrières de William Burke et William Hare, les Californiens vont revenir ici à des choses plus simples mais aussi beaucoup plus directes. Avec dix titres sous la barre des deux minutes (dont un de sept secondes et un autre de trente-quatre secondes), ce nouvel album s’inscrit comme la suite directe de
Gore Metal et
Slaughtercult. On retrouve en effet ce même Goregrind expéditif hérité des patrons anglais de Carcass pour une relecture qui manque évidemment d’originalité mais compense cette pseudo "lacune" par une efficacité absolument redoutable. Exhumed s’est ainsi défait de ses longues séquences instrumentales menées le plus souvent à coup de violon et de piano victoriens, de ces nombreux passages mid-tempo mais également de ces solos plus mélodiques pourtant de grande qualité afin d’opter pour une approche épurée qui ne manque pas de faire effet.
Mené ainsi pied au plancher,
Horror est une agression constante ne faisant absolument aucune demi-mesure. Exhumed exécute ainsi chaque riff, chaque note de batterie, chaque ligne de basse avec une rapidité et une intensité qui frise l’hystérie. Certains titres ou séquences sont peut-être un poil moins soutenus que d’autres mais l’impression générale qui domine est bien celle d’un album particulièrement punitif qui en appelle bien plus à nos instincts les plus vils et les plus primitifs qu’à notre capacité à penser et réfléchir. Si l’idée d’en prendre plein la gueule sans temps mort ne vous effraie pas particulièrement et que vous n’êtes pas du genre à balancer des âneries du genre
"Oui mais voilà, Carcass le faisait déjà il y a plus de trente alors vois-tu, du coup ce que fait ce Exhumed ne m’intéresse pas", alors je ne vois aucune raison valable pour ne pas prendre son pied ici. Entre les riffs tranchants que Matt Harvey tricotent à la vitesse de la lumière, les quelques solos plus expéditifs et chaotiques mais toujours aussi bien fichus, cette batterie volontaire portée par l’ancien Deeds Of Flesh à coups notamment de blast-beats, de double-pédale et de séquence un poil plus « dansantes » et bien entendu cette doublette vocale (growl profond vs voix écorchée et rugueuse) typique de ce genre qu’est le Goregrind, il y a là matière à prendre énormément de plaisir à l’écoute de ce neuvième album terriblement efficace à défaut d’autre chose.
Si
Horror n’est dans le fond pas une surprise, il reste néanmoins un album étonnant puisque comme on l’a vu il renoue avec ce qu’était le groupe il y a une vingtaine d’années, avant que celui-ci entame une mue vers une musique un poil plus élaborée et moins sauvage. Si chacun choisira son camp (si tant qu’il le faille), je trouve à ce neuvième album une saveur toute particulière qui me fait vraiment beaucoup l’apprécier. Et cette intensité, cette concision et cette sauvagerie retrouvées n’y sont sûrement pas étrangers. Oui, les compositions sont peut-être moins ambitieuses, moins travaillées et moins nuancées mais vu ce que l’on prend en pleine tête pendant près d’une demie heure, cela n’a finalement pas grande importance. Emmerdement minimal, efficacité maximale, Exhumed a bel et bien tout compris. Bleeeaaaarggggh !
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