Quand un album transmet un sentiment particulièrement délicieux, on peut avoir tendance à vouloir l'enfermer dans celui-ci, à le voir partout, comme une intention lancée d'un bloc. Et tant pis si cela est, après un examen minutieux, plus un transfert qu'autre chose ! Même fugace, même issu d'un cerveau de chroniqueur aimant construire des ponts entre les œuvres qu'il écoute, il finit par prendre tout l'espace, parfois au détriment de ce que le groupe en question a voulu créer de personnel.
Bref, tout cela pour vous dire que ma découverte de
Muerte, nouveau longue-durée de Will Haven (qu'on ne présente plus, rassurez moi ?), m'a fait directement penser à
Evoken. Oui, la formation de funeral doom / death metal qui se fait la voix de notre prochain décès, flottant au-dessus de nos têtes avant de mettre en marche sa guillotine. Ce qui peut paraître étrange quand il s'agit de parler de la bande de Sacramento et son hardcore transgenre, monomaniaque en tout point, simple et cependant fondateur – inutile de rappeler une nouvelle fois sa généalogie, de ses ancêtres à ses descendants. Pourtant, c'est cette même fatalité que j'ai ressenti sur ce disque, et pas seulement dans son titre qui appelle la mort de ses vœux. Ces claviers atmosphériques, ces riffs qui écrasent comme un couperet, cette voix assassine... Malgré un tempo globalement relevé, comment voir ici autre chose que des stèles marquant notre fin, dans une chaleur de frigo où même la lumière semble nous vouloir du mal ?
Mais non. Cela serait cloisonné un disque, certes claustrophobe, dans un monde qui n'est pas le sien.
Muerte parle bien de mort, et paraît en parler à chaque instant, mais il ne se limite pas pour autant à un univers fait avant lui. Et tant mieux ! C'est qu'une fois décidé d'être honnête envers cette musique dont je croyais m'être fatigué avec l'EP
Open the Mind to Discomfort (qu'il va falloir que je tente de nouveau, histoire de poursuivre mon examen de conscience), une foule de sensations traverse son écoute. À commencer par celle de ne voir rien d'autre en Will Haven que lui-même, lui qui avait déjà fait de la faucheuse son amie de jeu, lui qui était revenu par la petite porte avec
The Hierophant et avait étonné son monde avec
Voir Dire. Lui qui arrive ici encore plus sûr de lui et de ses actes, appuyant cette alliance entre son style unique et un certain raffinement, comme un bourreau élégant. Sûr, il y a toujours de quoi avoir envie de bouger les bras sur ces quarante-sept minutes, à commencer par ces riffs jouissifs marquant « Ladwig No. 949 » ou encore « Kinney ». Mais c'est cette nouvelle avancée dans la création d'une ambiance à-part, en suspension malgré l'exercice sportif que l'on peut voir dans ces guitares augmentées d'une production béton, qui marque sur le temps long.
Une ambiance qui nous met d'emblée entre quatre planches de bois, nous asphyxie, mais ne s'arrête pas là, allant jusqu'à transmettre des images délavées, du sang prenant des teintes rosâtres, un cadavre à la peau dorée par le temps, la vitalité subsistant derrière l'horreur de se voir dépérir. Simplement, encore et toujours, par des petites touches qui ne s'annoncent pas en grande pompe malgré l'abattement constant d'une rythmique dont on ne sait toujours pas si elle tient plus de l'industriel, hardcore, noise ou neo, errant dans un esprit cohérent en lui-même et énigmatique pour les autres. Impossible de passer sous silence cette voix, Grady Avenell étant encore (mais étrangement, davantage ici) cette personnification où se synthétise ce défilement d'émotions, le passeur du seuil donnant à croire qu'il vit cette terreur en même temps qu'il nous massacre, écorché écorcheur, dans un déroulé qui passe de la mise en bière – ouch, « Hewed with the Brand » et « Winds of Change » – à l'évaporation à partir d'un « The Son » fatidique, la suite faisant divaguer avec une justesse surnaturelle pour cette musique a priori essentiellement musclée.
Une justesse qui malheureusement s'abandonne durant deux titres, les intrusifs « El Sol » et « No Escape », bien que bons en eux-mêmes (on ne va pas critiquer exagérément une participation de Mike Scheidt, tout de même), cassant cette plongée dont « Now In the Ashes » est bien le point culminant. Mais avec quelques tours de passe-passe dans la tracklist, il est possible de vivre une expérience de choix, où le hardcore se fait croque-mort sans les additifs à base de black metal courants actuellement. Un charcutage qui ne me dérange pas, en premier lieu car telle œuvre, bien qu'imparfaite, est assez rare pour qu'on balaye de la main ses quelques aventures moins concluantes. Mais surtout car Will Haven ne s'ennuie pas de commodités pour nous massacrer et nous faire délirer. Alors, vous pensez...
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