[ A propos de cette chronique ] Grande gloire trop souvent oubliée du black metal français des origines, Seigneur Voland est ce que l’on peut appeler un groupe culte. Plus culte que culte même, et ce aussi bien dans son pays d’origine qu’à l’étranger. Le groupe faisait partie du fameux Concilium de Toulon, qui réunissait une petite poignée de musiciens éparpillés dans des groupes comme Blessed in Sin, Kristallnacht et donc Seigneur Voland. Si aucune de ces formations ne démérite, c’est bien Seigneur Voland qui, à mon sens, prend la tête de ce cortège impie.
Consumatum Est est la compilation ultime du groupe, réunissant presque tous les titres composés par la formation en un seul disque. Mine de rien, on est face à une petite douzaine de titres, pas plus si l’on compte la reprise de Darkthrone et la double apparition de « Et Autres Germes de Pouriture » et de « Sur les Ruines et les Cendres de Sion ». Une cohorte d’hymnes réduite, mais qui a su marquer le black metal avec force.
Seigneur Voland, c’est la gloire. C’est la majesté, c’est le déchirement superbe, c’est le regret, c’est l’amertume, mais c’est surtout la haine. Toutes les histoires sordides qui gravitent autours du groupe n’éclipseront jamais le génie de L.F pour composer des mélodies qui respirent autant l’aristocratie méprisante que la hargne et la rage la plus noire. Seigneur Voland hurle, vitupère, lance assaut sur assaut, mais toujours avec noblesse et seigneurie. On ne fonce jamais tête baissée avec la bave aux lèvres, mais plutôt à dos de son palefroi impie, armé de sa lance de fureur.
Pourtant, on ne peut pas dire que la structure des chansons soit particulièrement recherchée. On alterne entre deux ou trois riffs par piste, qui ne dépassent d’ailleurs jamais les quatre minutes. On ne peut guère davantage parler de variété rythmique, avec une batterie qui blast presque en continue. Là-dessus, la voix complétement écorchée de Xaphan vient se déchirer dans les oreilles de l’auditeur qui aura bien du mal à comprendre ce qui lui arrive face à quelque chose d’aussi superbe et d’aussi haineux. Avant même d’avoir jeté un œil aux paroles, une détestation, une ségrégation douloureuse émane de Seigneur Voland. Cette musique sent l’élitisme à plein nez, rien qu’au son de ses mélodies. Il y a les rares élus, et il y a la vermine. Et le groupe l’exprime de manière simplement grandiose. On peut être opposé à toutes les idées du groupe (on vous le souhaite), mais on ne peut pas nier cette force évocatrice inénarrable. Et le plus beau, c’est que ça ne n’arrête jamais. J’ai bien du mal à trouver une piste en-dessous des autres dans cette maestria implacable …
Grandeur et noblesse obligent, Seigneur Voland a un ton résolument épique. Il se dégage de lui un élan combatif qui a bien dût inspirer des groupes comme Wyrms. Et puisqu’on parle d’inspiration, on ne va pas couper à cette polémique toujours assez vivace dans laquelle certains vieux de la vieille de la scène black française accusent les finlandais d’avoir volé les mélodies, ou tout du moins le style de riff de Seigneur Voland. On a aussi beaucoup évoqué les copinages entres membres des deux scènes, notamment avec Shartraug et Werewolf … On peut même lire sur certains forums que Sargeist aurait carrément repompé en intégralité les constructions et les riffs de certaines chansons de Seigneur Voland et de Kristallnacht. Si on me demandait mon opinion, je dirais qu’il y a sûrement eu inspiration et influence, mais peut-être pas jusqu’au plagiat. Et de toutes façons, les finlandais ont bien prouvé qu’ils étaient capable de sortir des albums monstrueux sans aller plagier personne, alors bon, pinailler sur deux riffs qui se ressemblent … Si on comptait tous les pignoufs qui reprennent les riffs de Darkthrone, on serait pas sorti du sable.
En revanche, pinailler sur la teneur des paroles de Seigneur Voland, on a un peu le droit. On ne va pas tourner autours du pot, les types étaient clairement pas vraiment bien disposés envers les sémites de tout poil et ne reniaient probablement pas certaines idées importées de l’Allemagne d’il y a quelques décennies. Et puisque le sujet de la politique dans le (black) metal est particulièrement d’actualité en ce moment, je rejoins le camp de ceux qui pensent que le black metal ne doit pas s’embarrasser de respecter qui que ce soit. Il est là pour faire du mal, détruire, élever, faire s’éloigner de la matière, secouer, martyriser et apporter ce que le monde ne pourra jamais offrir. Un peu comme Jésus en fait, qui disait « je suis venu apporter le glaive sur la terre ». C’est sa nature d’être contre-nature, de ne pas être bienveillant. Soyons honnêtes deux minutes, si ces gars-là n’avaient pas eu des idées aussi tordues, extrêmes et malsaines, Seigneur Voland n’aurait pas ressemblé à ça. Il n’aurait sans doute même pas existé, en fait. Le black metal prône l’individualisme, et c’est bien à l’individu de décider d’écouter ou non cette musique, en sachant à quoi il s’expose. Si on décide d’écouter une musique hostile, il faut simplement être cohérent et ne pas venir chouiner dès qu’on se fait bousculer. Après tout, à moins d’être une larve, chaque personne écoutant de la musique est pourvue d’une volonté propre, et ne va pas se mettre à taper des saluts nazis sitôt qu’il a entendu deux chansons d’un groupe NS. De manière élargie, en essayant de balayer large sur ce débat qui devient fatigant, j’ai envie de dire qu’on ne peut faire aucune généralité. Que chacun s’arrange avec sa conscience, mais que personne n’oublie que le black metal, factuellement, a depuis longtemps dépassé le stade de « simple musique » que l’on écoute pour se détendre. Et puis bon, si même Jésus a mieux pigé le black metal que beaucoup, va falloir penser à se remettre en question et à se demander pourquoi on écoute cette musique, au juste. En tout cas, ça n’est pas pour être caressé dans le sens du poil. Je ne dis pas du tout qu’il faille être NS pour faire du bon black metal, loin de là, mais je dis que si certains ont choisi ce mode d’expression pour parler de leurs idées, ça n’est peut-être pas pour rien. Il y a quelque chose là-dedans qui dépasse le stade de simple musique récréative. Et c’est pour ce même quelque chose qu’on aime cet art-là. Partant de là, on ne va pas s’étonner de trouver des choses révoltantes et immondes dans un art qui justement refuse le monde. Et oui, ça fait un peu discours d’illuminé, mais c’est bien aux illuminés et aux possédés que s’adresse le black metal, me semble-t-il.
Bon, fin de l’ergotage chiant, retour à la musique. Je ne vais pas m’amuser à décrire les pistes en détail, elles sont toutes excellentes. On va juste souligner les moments de grâce extrêmes, à savoir les mélodies poignantes de « Et Autres Germes de Pouriture », la délétère et vitriolée « Sur les Ruines et les Cendres de Sion », les riffs superbes de « Dernier Bastion Blanc » et « Ma Nécropole » … Des joyaux de black metal haineux et inspiré.
Bon, et bien on a bien fait le tours de la question je pense. Seigneur Voland, c’est un obligatoire pour quiconque aime le black metal, en particulier le black français. Aucun groupe n’a jamais su écrire des riffs comme ceux-là après eux, et personne ne le fera jamais. Cette compilation absolument essentielle se trouve assez facilement et pour pas bien cher … Et entre nous, ce serait péché que de négliger quelque chose d’aussi grand.
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