Sunn O))) - Life Metal
Chronique
Sunn O))) Life Metal
Du bruit ? De la musique concrète ? Un OMNI (objet musical non identifié) ? Une blague ? Du génie ? Sunn O))) est tout cela à la fois. Dans l’intégration de chacun de ces éléments qui lui confèrent une portée quasi unique dans la scène metal, une place à part, de celle qui divise autant qu’elle porte la gloire.
Je suis le groupe depuis ses débuts et, pour ma part, adhère à leur démarche depuis la même époque. Difficile d’accès, le groupe l’est assurément. Autant d’ailleurs sur disque qu’en concert où l’hermétisme des représentations le dispute à leur caractère ultra monolithique. De fait, Sunn O))) est un morceau de granit. Son drone doom se répand en longueur comme une nappe de lave, recouvrant tout l’espace sur son passage, ne laissant aucune vie en suspens. Peu nombreux sont les groupes à pouvoir exciper de compos, d’un son si menaçants. White 1 et ses My Wall et The Gates of Balard ultra glauques. White 2 et son Bass Alien possédé. Black One et ses Sin Nanna et It Took the Night to Believe souterrains et telluriques. La liste est longue. Elle pourrait encore s’allonger.
Il n’en reste pas moins que depuis quelques années, Sunn O))) a choisi de régresser dans son radicalisme. Le groupe semble opter, surtout depuis Monoliths & Dimensions, pour des structures plus ramassées, plus « ouvertes », plus accessibles. Les morceaux de 9/10 minutes prennent la place des pièces de 25/30 minutes et, du coup, offrent davantage de prises à l’auditeur, même si l’immersion demeure.
Life Metal est à la croisée des chemins. Composé de 4 morceaux oscillant entre 12 et 25 minutes, le groupe y explore l’ensemble de son catalogue, sans surprise et toujours avec qualité. On notera cependant le lien avec « l’ouverture » dont je parlais juste avant, en termes musicaux naturellement mais également en terme logistique. Ainsi, le groupe a-t-il fait le choix d’enregistrer de manière analogique, de bout en bout, dans le studio de Steve Albini, davantage réputé pour son travail pour des groupes indé (Fugazi, Pixies...) que pour son apport au drone/doom. De même, et pour la première fois depuis longtemps, le hongrois Attila Csihar n’est pas de la partie, au profit d’Hildur Guðnadótti, dont la voix porte le premier titre Between Sleipnir's Breaths. Enfin, la pochette même tranche avec la noirceur conceptuelle habituelle du groupe. Œuvre de Samantha Keely Smith, l’artwork symboliste, baigné de tonalités orangées, vogue entre volutes célestes et esquisses divines. C’est là la force du groupe, que de retranscrire, comme je le soulignais, par cet artwork l’évolution récente de sa musique vers davantage de lumière, de structures solaires.
Between Sleipnir's Breaths débute ainsi comme un album de Bathory, sur fond de hennissements de chevaux célestes avant que l’avalanche de vibrations ne déferle, supportée par un son profond, très ample, très confortable. La modification dans la méthode d’enregistrement se ressent immédiatement. Les murs de son qui entrent en résonnance se mêlent habilement à la voix fragile d’Hildur Guðnadótti, colorant ce premier morceau de mélodies profondes, presque aériennes, telle une chevauchée au travers des nuages lourds, percés par la lumière du Soleil. Le choc des tonalités, la mouvance naturelle de la structure et, encore une fois, la grande profondeur du son accouchent là d’un premier titre flamboyant. De nouveau, on se surprend à penser que Sunn O))) sait s’y prendre en terme de collaboration fructueuse (déjà avec Wrest et Xasthur, sur Black One ou avec Julian Cope sur White 1).
Troubled Air ne change pas de méthode. Mais il prend le chemin des souterrains. Bien plus occulte dans son esprit, ce titre pousse les guitares dans leurs derniers retranchements. La force du groupe est encore de mélanger ce mur de son avec un peu d’orgue grandiloquent. Il en résulte encore de la mélodie, du mouvement audible et aérien, de la respiration au milieu de la chape de lave. Ultra puissant, ce second titre s’enchaîne parfaitement avec le premier dans la construction de la tracklist.
Si Aurora est plus classique, Novae constitue la pièce maîtresse de Life Metal. Atteignant quasiment la demi-heure, ce dernier titre installe une menace ultra prenante, totalement immersive, qui jongle entre des boucles drones très mémorisables et l’orgue funèbre, discret mais présent, tout en convoquant dans la structure, en toile de fond, l’haldorophone (un dérivé du banjo) de Guðnadóttir qui semble hanter le morceau. Mais surtout, en guise de quasi pont central, c’est le violoncelle de l’instrumentiste islandaise qui résonne, délivrant des notes drones comme par mimétisme avec les guitares !
Ce Sunn O))) est, pour ma part, une belle réussite, comme le fut Monoliths and Dimensions en son temps. Du changement de méthode d’enregistrement aux idées pertinentes et collaborations intelligentes, ce Life Metal est enthousiasmant, lumineux et tellurique, menaçant et aérien à la fois.
| Raziel 20 Juillet 2019 - 1845 lectures |
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