Sabaton - The Great War
Chronique
Sabaton The Great War
Derrière un groupe qui peut sembler bien simpliste se cache en réalité une mini-étude de cas sur la façon dont nous autres, amateurs de metal, jugeons les groupes que nous connaissons et que nous écoutons parfois. En effet, depuis sa formation en 1999 (vingt ans déjà!), Sabaton n'a eu de cesse de déchirer ceux qui s'intéressent suffisament à leur cas. Soupe fade sans intérêt novateur d'un côté, l'étiquette "power metal" faisant déjà office de premier obstacle, groupe génial et charismatique pour les autres. Pourtant, un groupe si bon, ou si mauvais, devrait faire l'unanimité des opinions? Ou du moins, une ligne directrice d'idées devrait s'en dégager? Rien, nothing, nada. Autour de Sabaton, c'est le flou. Pourtant, qu'on le veuille ou non, cette formation suédoise a su se distinguer de ses comparses en proposant un heavy/power metal à claviers très catchy, qui rappelle parfois les faits d'armes de groupes plus "pop" (et plus anciens...), le tout en nous montrant une passion indéfectible pour la guerre. Concept novateur pour les uns, summum du mauvais goût pour les autres, là aussi, ce choix artistique a déjà fait couler beaucoup d'encre par le passé. "Mais, ce qui compte, c'est qu'ils soient original dans leurs paroles!" c'est vrai qu'un groupe de metal a pour but premier d'être prof d'Histoire. "La guerre, c'est froid, c'est sombre. C'est l'apanage du black metal le plus sale, c'est ce genre qui lui correspond le mieux". Oui, tout le monde se souvient que les poilus fredonnaient "Fruhlingserwachen" d'Endstille au fond de leurs tranchées.
Vous voyez, à deux écoles, deux pensées, et deux réponses critiques correspondantes (elles-mêmes criticables!). Alors, comment s'en sortir? La réponse est toute simple, on s'en sort pas. On fait avec et on se contente d'écouter l'avis de chacun. Pour ma part, Sabaton ne part pas gagnant (pour ne pas dire qu'il a été le groupe que j'ai le plus détesté pendant un temps), me trouvant plutôt dans la catégorie de ceux qui prennent un malin plaisir, peut-être un peu immature certes, à le critiquer (les fans de metal sont très critiques vis-à-vis de leur genre, vous ne trouvez pas?). Mais si parler de guerre ou jouer un metal plutôt bon marché, facile d'accès, ne me gêne pas, c'est bien leur répétitivité que j'ai toujours critiquée chez eux. C'est simple: à mon goût, ce groupe n'a jamais proposé quelque chose à la hauteur de la réputation qui leur traîne aux pattes, n'hésitant pas à se reposer sur leur succès (comme on a pu le voir avec l'horrible "The Last Stand") au détriment de nouvelles fournées prometteuses, qui ont tout à faire encore, et qui s'échinent à sortir de l'ombre mais que les logos "Sabaton" ou "Powerwolf" éclipseront toujours plus ou moins. Musicalement, c'est les montagnes russes: je peux tantôt apprécier, voire adorer (comme sur "Heroes" par exemple) ou détester ("The Last Stand" déjà mentionné). Et les montagnes russes, vous connaissez le principe: après être retombé... on remonte.
Donc aujourd'hui, ce sera une chronique plutôt positive. Je n'attendais pas grand chose de cet album, les récents faits commerciaux du groupe (un dernier album fade au possible, une édition à 150 pruneaux avec un CHAR D'ASSAUT en gadget indispensable et un récent clip "Bismark" immonde et uniquement motivé par une sponsorisation de World of Warships...) ayant dissuadé mon esprit d'une quelconque réussite. Et pourtant...
Pourtant, on y trouve du bon, dans ce "The Great War". Non pas que le groupe rénove sa formule mais il semble ici l'adapter, la polir, au ton de l'événement. Avec un concept autour de la Grande Guerre, plus question de s'amuser, plus question de jouer un heavy joyeux et cheesy. Le premier des avertissements, c'est la pochette, avec ce soldat (britannique, à en croire sa tenue), se masquant les yeux pour se cacher de toutes les horreurs qui le hanteront pour le restant de ses jours. Quant à l'album, on y retrouve tout ce qui a fait l'identité de ce groupe: un chant particulièrement puissant et appuyé, une rythmique très Manowar-esque avec sa batterie lourde à en faire lever le poing, et des refrains mémorables, allant du passable ("82nd All the Way") à l'excellent ("Fields of Verdun", "The End of the War to Ends All Wars"). Ce power metal là, ce n'est pas celui de Gamma Ray ou, plus récemment, de Majestica, à nous bombarder de riffs épiques allant à 400 à l'heure. C'est celui des vieux groupes de heavy épique américain à la rythmique très binaire fonctionnant à grand renfort de power chords ou de choeurs synthétiques.
Et malgré une formule recyclée jusqu'à l'os et qui s'essouffle souvent bien vite, le groupe a su ici la transformer pour y mêler de nouvelles influences jusqu'à là jamais entendues, pour produire quelque chose d'un peu plus profond et qui prend un peu plus de forme - et c'est ça, le plus gros atout de ce disque. Par exemple, l'album possède sa propre outro, et quelle outro! Il aurait pu se conclure sur l'épique et tonitruant "The End of the War to Ends all Wars" mais non, il faut toujours viser plus grand, comme le soutient Joakim Brodén dans un texte de promo pour l'album, en ajoutant encore quelque chose après cette belle conclusion. Ce quelque chose, c'est l'outro "In Flanders Fields", chorale féminine adaptant le poème de John McCrae publié en 1915, détail ultime qui montre que le groupe a souhaité donner davantage de relief à son disque.
Les influences semblent donc se multiplier, et surtout, semblent être utilisées à bon escient. On pensera par exemple à "Fields of Verdun", reprise pas vraiment assumée de "Electric Eye" de Judas Priest et dont la tonalité globale, plus légère, s'apparente beaucoup plus au heavy traditionnel britannique. Au contraire, on pourra aussi citer des morceaux bien plus sombres et moins "power" dans sa définition stricto sensu comme avec la tonalité limite thrash de "The End of the War..." mais aussi "A Ghost in the Trenches", "Great War" ou le punchy "Devil Dogs". Le groupe citera également une fois ses inspirations speed-power germaniques avec "Seven Pilliars of Wisdom" et son côté speed. Certaines mélodies semblent même se dégager et adopter une teneur unique, à en croire le solo de "A Ghost in the Trenches" qui me rappelle la patte artistique des japonais frappés de Galneryus. Malheureusement, certains autres titres seront bien moins intéressants, à en croire l'opening "The Future of Warfare" et "The Attack of the Dead Men" dont rien à part leur refrain respectif semble se dégager.
Moi qui comptait vicieusement incendier ce disque avant même de l'avoir écouté, me voilà quelque peu déconcerté et, je dois le dire, assez honteux. En effet, ce "The Great War", propose un contenu nettement plus intéressant que son prédécesseur. Sans forcément se montrer très novateur ou renversant, il aura au moins le mérite de proposer un contenu honnête qui saura (enfin!) satisfaire des gens autres que sa simple fanbase.
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