Parfois, un bon disque, ça tient à peu de choses. Quelques samples, quelques riffs, des éléments frôlant l’intangible mais qui nous agrippent, font qu’on apprécie le temps passer en leur compagnie, voire nous font fantasmer bien après leur fin.
C’est ce qui se passe avec
Muladona, nouvel album des Suisses de Rorcal. J’avais pourtant plus ou moins tiré un trait sur la formation, à partir d’un
Creon bien trop poli pour donner envie d’en faire des dessins. Mais voilà que la formation m’intrigue de nouveau, m’emmène avec elle, au point de me faire réenvisager ce que j’ai pu penser à son sujet (de peu flatteur, après relecture de ma chronique de 2016) !
Et cela tient bien à peu de choses. Formellement,
Muladona possède la patte « Rorcal » de bout en bout, offrant trente-huit minutes d’un black metal terrassant, doom dans son interprétation, sans pour autant sacrifier la sauvagerie que peut contenir le genre. Intense, ce nouvel album renoue avec le feeling particulier de
Világvége : tremolos, cris arrachés et toms matraqués se fondent les uns aux autres dans une course aux bpms qui laisse plus d’une fois abasourdi et embrouillé, faisant au final un effet semblable à celui que l’on a lors de l’écoute d’un disque de drone. L’accumulation devient des nappes dans lesquelles couler et se noyer, à la manière de « Carnations were not the smell of death. They were the smell of desire » et ses notes assénées et entêtantes.
Une technique que Rorcal a déjà plusieurs fois utilisée, mais qui trouve une nouvelle fraicheur sur
Muladona par un concept particulier. En effet, prenant pour base l’œuvre éponyme de l’écrivain Eric Stener Carlson, il accorde sa musique à cette histoire dont certains passages sont racontés par l’auteur lui-même. Sans avoir lu la source de ces textes, ces derniers donnent à imaginer un roman sordide, fait de meurtres et de campagne américaine, de forêts lugubres, de granges glauques, d’habitants inquiétants. Peu de choses, encore et toujours, qui permettent de pénétrer dans ce longue-durée, de mettre en route la machine à cauchemars, créant des images mentales de ce massacre que content ces voix et ces mélodies.
Peu de choses, certes... mais suffisantes pour donner envie de revenir régulièrement vers
Muladona, album où Rorcal semble posséder de nouveau cette aura bien à lui, modeste et extraterrestre à la fois, le projet s’y montrant avide sans fioritures, rêvant à des coulées de sang et des nuits cérébrales, construisant sur le temps long les émotions qu’il souhaite transmettre par des compositions abrasives prenant tout leur sens écoutées d’un seul jet. Un exercice de style réussi en somme, en grande partie grâce à cette simplicité avec laquelle les Suisses le pratique, bien que l’absence de moments marquants en eux-mêmes fasse qu’on ressort de l’essai convaincu mais aussi un brin insatisfait.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : pêcher par excès d’humilité dans une scène où tant d’autres tombent dans le déluge stérile avec grandiloquence (comme on en a eu
un exemple récent), finalement, est autant un défaut qu’une nouvelle raison de mettre ces grimés-ci à part du troupeau. Un bon disque comme celui-ci, s’inscrivant dans une telle mouvance... Qui pensait que Rorcal en était toujours capable ? Qui osait croire pouvoir encore ressentir ce petit frisson que le « style » donnait à ses débuts ? Pas moi, et, même si c’est peu de choses, ça me suffit amplement pour apprécier
Muladona.
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