Rorcal - Heliogabalus
Chronique
Rorcal Heliogabalus
Tu t'es sans doute déjà imaginé en train de sauter d'un avion sans parachute. La peur, la descente en pic où t'as l'impression de faire du surplace tout en te prenant des bourrasques en forme de coup de poing dans la gueule et finalement, la crêpe à l'arrivée… Garde ça en tête, dilate l'espace, étends-le sur environ soixante-dix minutes et tu auras un bon aperçu du dernier album de Rorcal, Heliogabalus.
L'envol est difficile. Forcement, un morceau-album de doom aux relents drone et post-hardcore haletant pendant plus d'une heure (découpée en soixante six pistes), c'est pas le truc que tu t'enquilles avec les cornflakes le matin. En plus, le contenu est à la hauteur du contenant : une répétition lancinante de thèmes, allant de la lourdeur qui envoie le béton, la bétonnière et le maçon qui tient le tout à des plages atmosphériques imbriquant tremolos postisés et sons hivernaux, un peu comme si le spleen de Longing For Dawn rencontré Altar Of Plagues. Les peaux de la batterie soutiennent le tout et des effets dronisant s'occupent de donner de la cohérence à l'ensemble. Le chanteur pourrait être champion d'apnée tant il pousse ses beuglantes dans leurs derniers retranchements. Impressionnant de souffrance le suisse, du genre qui te fait sentir les changements de syllabes comme les guitares leurs changements d'accords. Ouch.
Autant dire qu'une fois le saut franchi, tu prends ton pied. Pari ambitieux de jouer l'intensité sur une durée aussi longue, mais Rorcal possède des arguments de poids, à commencer par une production nickel, signée Wood Studio (Impure Wilhelmina entre autres). Loin d'être une simple succession de riffs visant le mammouthesque pour le mammouthesque, l'émotion est le but, une impression de désœuvrement où tu hésites entre le lâcher de rampe et la position fœtale tant ça allie éjection et introspection. Ce goût pour la décharge sortant du vide n'est pas sans rappeler le deuxième disque de Wings Of Lead Over Dormant Seas des excellents Dirge. Pas rien comme référence mais à propos ici, ce morceau semblant relever d'une démarche pensée de bout en bout et non du clinquant fait pour impressionner bêtement le chaland, avec un batteur au jeu hypnotisant et varié, sans prétention mais avec feeling, que ce soit dans les moments doom ou quand il passe en mode mitraille.
Le problème, c'est l'atterrissage. Heliogabalus finit par s'essouffler à mi-chemin, les riffs devenant moins prenants et plus attendus, là où il empilait monceaux de tristesse et coup de boutoirs avec brio. Loin d'être désagréable mais un cran en dessous du début, ce qui fait que l'attention se relâche et il faut attendre la dernière dizaine de minutes pour se réveiller avec une fin écrasante où le groupe lance la lessiveuse. Peut-être ont-ils vu trop grand et qu'un allègement en durée, en enlevant quelques moments faiblards au passage, n'aurait pas été de trop ? Pour tout dire, t'as Admiral Angry qui a sorti un EP (A Fire To Burn Down The World) cette année par exemple, le délire est relativement différent, plus de noir pour absence de gris, mais y a du parpaing à foison et ça sait s'arrêter avant la perte de l'auditeur.
Il n'empêche que Heliogabalus rempli bien son contrat, suffisamment pour t'offrir la ration de sueur froide entrecoupée de morphine que l'on est en droit d'attendre de ce genre d'exercice périlleux. Nul doute qu'avec une conclusion mieux amenée ça aurait eu une autre gueule mais bon, je me demande pourquoi je critique, moi-même je suis incapable d'en pondre une potable pour cette simple chronique.
| lkea 27 Octobre 2010 - 2298 lectures |
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