Il est toujours délicat de s’attaquer à la chronique d’un album d’un groupe culte comme peut l’être Esoteric. Les Britons sont en effet, avec Thergothon et Skepticism, les pères fondateurs du funeral doom, à ceci près toutefois qu’Esoteric a sensiblement évolué et que, dès le départ, sa patte, la singularité du son développé comme celle des ambiances psychédéliques proposées l’ont assez largement départi de ses confrères.
La carrière du combo de Birmingham est en tout point remarquable. Si les débuts sont obscurs, emprunts d’une inaccessibilité aristocratique et d’une épaisseur certaine qui ne sont pas pour me déplaire (en gros, Epistemological Despondency, The Pernicious Enigma et Metamorphogenesis), la suite est plus directe
(Subconscious Dissolution into the Continuum), moins torturée et alambiquée
(The Maniacal Vale), voire nettement plus lumineuse
(Paragon of Dissonance). A Pyrrhic Existence marque le retour à des ambiances sombres et fortement marquées par des atours psychédéliques occupant assez largement l’espace sonore.
L’auditeur va devoir d’emblée retenir sa respiration car la plongée dans ce double album de 1h37 pour 6 titres s’annonce abyssale. Elle est exquise.
Descent ouvre ainsi les hostilités avec une intro nocturne, mi-éthérée, mi-souterraine, très caractéristique du combo anglais. Le son est, comme à l’habitude, fortement réverbéré, clair et lourd à la fois. La voix unique de Greg Chandler pose ses effets sur des mélodies sublimes, faisant jouer à plein le contraste entre ses atours abyssaux et les aspects totalement éthérés de la musique. Le relief ainsi dessiné est magnifique, les riffs tournoyant autour de cette voix sépulcrale sans que le titre ne perdre une once de dynamique. La réverb’ est totale, comme si le morceau était joué au fond des eaux profondes, donnant le sentiment que les riffs se répandent comme une ondulation.
Le schéma d’Esoteric est connu. Il se répète depuis ses débuts : de l’intro opaque aux structures prog’, semi-ambiant jusqu’au final éthéré. Il est ici démultiplié à l’envie pour notre plus grand bonheur. Les montées en puissance (Rotting in Dereliction et son accélération subite dès 7’) le disputent aux ponts atmosphériques (le pont vers les 8’ sur Consuming Lies, mélange d’ambiances spatiales et bluesy, remarquable ; le départ majestueux de Culmination), les structures prog’ pénètrent les ambiances psychés, la voix tellurique redessine les riffs aériens (le pont sur Descent dès 13’ ; Rotting in Dereliction). Les titres s’enchaînent ; l’immersion est totale.
L’onirisme est fortement souligné sur cet album. Descent et Rotting in Dereliction l’illustrent parfaitement, avec leurs développements quasi Lovecraftiens, mais Antim Yatra en est l’apothéose, qui s’étale littéralement dans une atmosphère de contemplation merveilleuse. Cet instrumental sublime s’impose par sa majesté et permet un basculement vers la seconde partie de l’album.
Consuming Lies et Culmination modifient la perspective. Plus lumineux que le début de l’album, ils relancent la dynamique sur des ambiances plus lumineuses, plus proche de The Maniacal Vale. Les riffs lentement égrenés, sobrement détachés participent là encore de cette atmosphère méditative qui constitue le fil rouge de cet album. Les riffs sont profonds, amples, le son est enveloppant, presque cotonneux. La structure se répand comme un miel épais, doucement, inexorablement et finit par tapisser tout l’espace sonore, remplissant chaque interstice. L’impression auditive est surprenante. Sauf quelques riffs plus tranchants, plus saccadés, accompagnés d’une voix plus agressive (vers 5’ sur Consuming Lies ou au bout de 14’ sur Culmination), la progression n’est jamais heurtée.
Sick and Tired clôture l’album de la même façon, le départ délié du morceau, léger, annonce une fin d’album en douceur. Comme s’il était temps de revenir vers la surface. Ce final, disons-le d’emblée, est magnifique. Bourrée d’effets, la structure est proprement surchargée d’informations, alternant sans cesse entre des mélodies ultra aériennes, enchanteresses et une voix d’outre-tombe qui créé un contraste hallucinant, le tout porté par un son clair et enveloppant qui met l’ensemble en valeur comme jamais. Les changements sont multiples, le seul fil rouge demeurant ces mélodies sublimes, totalement immersives.
A Pyrrhic Existence est un chef d’œuvre. Disons-le clairement. C’est, pour ma part, le meilleur album d’Esoteric depuis très longtemps. Il réussit la gageure de réunir, véritablement, sans aspects marketing, tout le meilleur du groupe, des ambiances crépusculaires aux atmosphères lumineuses, des structures prog’ aux mélodies envoutantes. Seule cette pochette, indigne, le met (très légèrement) à la faute. Pour le reste, l’hésitation n’est pas permise. Sans aucun doute l’album funeral doom de l’année.
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