Experiment Fear - Assuming The Godform
Chronique
Experiment Fear Assuming The Godform
Félicitations à vous chers lecteurs puisqu’à ce stade vous avez clairement fait le plus dur. Et oui, en dépit de cet artwork abominable vous vous êtes quand même décidés à cliquer sur cette chronique et cela de votre plein gré. Vous pouvez donc poursuivre la lecture de cette dernière avec le sentiment d’avoir accompli un geste, certes anodin, mais qui au final devrait avec un peu de chance vous donner entière satisfaction.
Formé en 1989 dans le Wisconsin, Experiment Fear n’est probablement connu que des fouineurs de l’Internet et autres anciens déjà suffisamment curieux à l’époque pour avoir croisé le chemin des Américains, que ce soit dans les pages d’un obscur fanzine ou bien sur la face B d’une tape repiquée chez le cousin éloigné de votre meilleur pote. Peu connu donc, le groupe a pourtant vu passer dans ses rangs un certain Jeff Loomis. Un passage de courte durée (le guitariste rejoindra en effet Nevermore dès 1992) et apriori non répertoriée puisqu’on ne sait rien du line-up des deux premières sorties du groupe. Deux cassettes datant respectivement de 1991 et 1993 qui permettront à Expriment Fear de décrocher un deal avec le label allemand Massacre Records pour la sortie de leur premier album intitulé Assuming The Godform. Et si le groupe semble aujourd’hui toujours actif, il n’a cependant rien sorti depuis cette troisième démo parue il y a déjà vingt ans.
Sorti en 1995 à une époque où le Death Metal était déjà en perte de vitesse depuis quelques années, et cela alors qu’il n’avait pas encore pris de plein fouet cette déferlante Black Metal qui allait finir de lui faire bouffer la poussière, on comprend aisément pourquoi le nom d’Experiment Fear est toujours resté particulièrement confidentiel. La sortie de ce premier album pourtant prometteur sur un label déjà bien installé n’y changera rien. Puisant l’essentiel de son inspiration du côté de la scène floridienne (Deicide, Monstrosity, Eulogy, Brutality, Disincarnate…) avec toutefois une pointe de NYDM dedans (certains passages me font effectivement pas mal penser à Suffocation), le groupe originaire de la petite ville d’Appleton n’a jamais rien composé qui n’ait pas déjà été proposé auparavant par un groupe à la réputation plus solide. Les quelques enquiquineurs en quête d’originalité ou d’un tant soit peu de personnalité peuvent donc aller voir ailleurs si j’y suis car ça ne sera clairement pas le sujet de cette chronique.
Si à l’inverse vous êtes plutôt clients de compositions bien ficelées, dynamiques mais variées et surtout particulièrement efficaces alors je ne vois pas trop comment vous pourriez ne pas tomber sous le charme de cet unique album d’Experiment Fear. Première bonne nouvelle, la production signée Brian Griffin (Broken Hope, Oppressor, HatePlow, Internal Bleeding, Malevolent Creation...) a plutôt bien vieillit. Certains choix, notamment concernant cette batterie qui manque peut-être un peu d’attaque restent aujourd’hui discutables mais aux moins le son dans son ensemble respire une certaine authenticité typique de cette époque.
Mais au-delà de cette production, c’est surtout la qualité plus qu’honorable de ces treize compositions qu’il faut ici retenir. Comme souligné plus haut, celles-ci font preuve de dynamisme et de variété. Un mélange d’accélérations particulièrement bien senties (du tchouka-tchouka rapides, du semi-blasts, de la double pédale punitive...) et de séquences mid-tempo au groove assez redoutable ("Assuming The Godform" à 1:04, "Shallow Disbelief" à 0:41 ou 1:13, l’entame de "Cryopsy Incomplete"...) servies toutes les deux par un jeu doté d’un feeling technique plutôt évident. Certes, le groupe n’a pas la prétention d’aller se frotter à des formations telles qu’Atheist, Cynic ou Nocturnus, mais on sent bien à l’écoute de ce Assuming The Godform qu’Experiment Fear en a sous la pédale. Moins brutal et technique qu’un Suffocation, on retrouve ici un peu de cette capacité à changer de rythme, à tricoter du riff avec talent avant de partir tête baissée dans une attaque des plus frontales et efficaces ou bien à rompre les cervicales à coup de passages au groove typiquement new-yorkais.
Côté riffs, outre cette faculté à gratter des patterns plus ou moins alambiqués et changeants, on appréciera également la capacité du duo Phil DesLauriers/Scott Ebbens à insuffler une pointe de mélodie à ce premier album. Soit sous la forme d’interludes instrumentaux (l’introduction "Thy Will Is Strong", "...Thy Flesh Is Weak", "In Extremis" ou "The Passing" en guise cette fois de conclusion), soit de manière plus systématique sous la forme de solos et de leads dotés d’un feeling typique de cette époque ("Assuming The Godform" à partir de 1:27, "Shallow Disbelief" à 2:16, "Comatose" à 1:36, "Existence Denied" à 1:09, "Jester Of The Anxious" à 3:01 et ainsi de suite jusqu’à la fin de l’album).
Enfin, dans un registre relativement classique, Phil DesLauriers assure un chant growlé tout à fait à propos. Un mélange entre Glen Benton, Scott Reigel et le Barney Greenway d’Harmony Corruption. À noter qu’il est ici rejoint à deux reprises ("Jester Of The Anxious" et "Compelled") par le regretté Joe Ptacek du groupe Broken Hope. Deux featuring plutôt discrets tant les deux hommes partagent plus ou moins la même tessiture (bien que le chant de Joe soit tout de même plus profond que celui de Phil).
Album clairement sous-côté, Assuming The Godform figure aujourd’hui sur la liste des disques qui auraient mérités/mériteraient davantage d’attention (une liste longue comme le bras et bien évidemment pas forcément très objective). Difficile pourtant d’en vouloir à quelqu’un tant le milieu des années 90 n’a pas été une période facile pour le Death Metal. Entre une presse spécialisée ayant jeté son dévolu sur d’autres genres à commencer par le Black Metal, des disquaires pas forcément toujours très bien achalandés et l’impossibilité d’aller fouiller Internet en quête de ces obscures pépites à peine sorties que déjà oubliées, il est facile de voir pourquoi ce premier album est rapidement passé sous le nez de bien des amateurs du genre. Si les quelques groupes évoqués plus haut vous parlent, je ne peux donc que vous recommander chaudement la découverte de cet unique album particulièrement bien ficelé. Brutal (mais pas trop), dynamique, varié et emprunt d’un certain feeling technique et mélodique Assuming The Godform, sans arriver au niveau des albums phares du genre, n’a donc absolument pas à rougir de ses compositions et de son contenu. En espérant maintenant que ceux qui ont cliqué sur cette chronique malgré cet artwork peu engageant ne regrettent pas leur geste.
| AxGxB 4 Mai 2020 - 1198 lectures |
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