On a souvent un regard méprisant envers les blockbusters, ces films que l’on voit comme des œuvres mercantiles, faites pour plaire aux masses sans apporter quoi que ce soit d’autre. Pourtant, il m’est arrivé plus d’une fois d’être agréablement surpris par l’un d’eux, trouvant dans son déballage une maîtrise à toute épreuve, dans sa facilité d’approche une merveille de dynamisme, dans sa simplicité une manière de synthétiser des émotions et réflexions complexes. Les blockbusters, ces films moqués car populaires, peuvent s’avérer étonnamment particuliers, passant l’épreuve du temps au-delà de tout phénomène de mode.
C’est aux blockbusters que j’ai pensés en écoutant
7-Year Epilogue, ultime disque de The Phantom Carriage. Sept titres pour sept ans d’absence, jusqu’à un dernier morceau se nommant fatidiquement « One Last Time » : autant dire que les Poitevins ont sorti le grand jeu pour ce dernier tour de piste, l’allure générale de l’ensemble donnant dans le grand spectacle avant même de l’écouter. Une manière de terminer en grande pompe une discographie des plus surprenantes, que ce soit avec l’éclectique
New Thing ou l’abrasif
Falls.
Un dernier disque dont
7-Year Epilogue peut se voir comme le successeur direct, le temps n’ayant pas eu d’influence sur The Phantom Carriage. Dès « Free At Least » et ses riffs dissonants, on retrouve le style particulier des Français, fortement marqués par les cassures et cavalcades de Deathspell Omega. Le connaisseur ne sera majoritairement pas dépaysé par ces trente-sept minutes, où l’incursion d’un chant clair épique et émotionnel est la seule véritable surprise. Mais quel étonnement il créé lors des premières rencontres ! Thieu n’y va pas de main morte, suivant la décision d’enfoncer le clou une bonne fois pour toutes par des vocalises faites le torse bombé et les yeux embués.
Clairement, l’habitude doit se prendre devant ce déballage constant d’émotions diverses, alternant rage évacuée et tristesse brûlante sans nous laisser transiter d’une à l’autre. Un parti-pris qui me questionne encore, tant le maelström avec lequel joue The Phantom Carriage manque parfois, non pas de cohérence – le groupe reste celui par lequel toute l’hypersensibilité que peut receler ce genre de black metal chaotique sort avec le plus d’évidence –, mais d’une ligne conductrice, d’une ambiance qui se tient et avec laquelle on peut cheminer au gré des paysages baroques et urbains que paraissent vouloir dessiner cette bande d’humains trop humains, transformant leurs peines en héroïsme.
Et c’est peut-être dans ce dernier mot que se trouve le fil rouge de ce longue-durée. The Phantom Carriage joue sa musique comme un héros se lançant dans l’arène lors d’un vibrant péplum, sans fard ou instant de réflexion, la volonté de magnifier chaque geste comme seul objectif. Impossible de mettre en porte-à-faux
7-Year Epilogue sur ce plan, chaque riff, chaque instrument, donnant le meilleur de soi-même à chaque instant. La chevauchée hardcore, proche des débuts de Cave In, de « Old Tales, New Thoughts » ; les lignes vocales de « Every Second Holds A Life » ; la production puissante, abrasive, avec ce qu’il faut de trituré signée Amaury Sauvé... Chaque chose semble avoir été tellement réfléchie par des gens talentueux qu’il est difficile d’attaquer l’œuvre sur sa forme, malgré quelques moments convenus (les arpèges dissonants, un cas d’école).
Ainsi, il en est définitivement ici comme avec un blockbuster : devant tant de précision dans l’action, de cohérence et d’envie, on pourra voir en lui un petit classique en devenir, victime d’un circuit de l’avis expéditif le cataloguant rapidement comme un énième exemple de coreux fleur bleue se mettant au black metal. On pourra aussi – comme c’est mon cas – l’écouter comme un chef d’œuvre d’efficacité, où l’aspect travaillé, accumulant les tirs à la tête, joue autant en sa faveur qu’en sa défaveur, l’amour de l’ouvrage créé avec ce qu’il faut de passion – indéniable – n’arrivant pourtant pas tout à fait à toucher autant qu’espéré. On pourra, enfin, tourner le dos à cette musique, écœuré par tant de bons sentiments étalés avec exubérance. Des opinions qui sont finalement annexes, tant l’appétit habitant
7-Year Epilogue montre qu’il est avant tout une création des Poitevins faite pour eux-mêmes plus que pour les autres, comme une nécessité à finir leur histoire dans un feu d’artifice. Qu’ils parviennent au passage à nous prendre avec eux dans leur mariage acrobatique et furieux est, quelque part, un succès aussi accidentel qu’heureux !
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