Henrik Palm - Poverty Metal
Chronique
Henrik Palm Poverty Metal
C’est la claque de la rentrée, la rencontre du 3ème type qu’on n’a pas vu venir. Parce que Richard Dreyfuss, 73 balais, n’est plus d’humeur à éveiller les consciences et que « Poverty Metal », avec son artwork déglingo à peine moins repoussant que celui de « Many Days » paru en 2017, joue d’emblée la carte du décalage. Décalage dans le sens où rien ne prépare vraiment l’auditeur à ce qui se trame derrière ce dessin de collégien haut de gamme immortalisé sur une trousse, un bureau ou en marge d’un devoir d’histoire/géographie.
A la marge d’une scène metal où il traîne ses guêtres depuis plusieurs années (GHOST l’espace de 2 ans, IN SOLITUDE qui rappellera des souvenirs à Keyser), HENRIK PALM cultive son amour du genre à sa manière, empruntant certains codes rythmiques pour contourner les clichés qui s’y rattachent. Prenez « Bully » par exemple, dont la structure évoque fortement le MANOWAR de « Each Dawn I Die » ; solidement charpenté, le morceau fait la part aux émotions dès l’arrivée du refrain, tout en dévoilant un décorum doom qui servira de fil rouge aux 8 compositions de « Poverty Metal ». Metal eighties toujours avec « Destroyer », reprise maladive du hit de TWISTED SISTER qui sonne comme une impro façon Olaf sur les marches d’escaliers de l’arrière boutique de « Clerks ». Jay et Silent Bob, deux personnages lunaires avec qui Gustaf Henrik Palm partage, du haut de ses 31 ans, un mal être adolescent faisant tout le charme de cette deuxième offrande.
Baignant dans le caniveau pop des années 80, « Poverty Metal » aurait pu être la bande son d’un « Breakfast Club » plus écorché vif, ou encore d’une série comme « Thirteen Reasons Why » (première saison, le reste n’existe pas) si ses personnages écoutaient du WITCHCRAFT. Très cinématographique donc, à l’instar du final « Last Christmas » plus western tu rejoues le crépusculaire « Unforgiven » devant ta glace sur fond de CHRIS ISAAK. Il y a du FRANZ FERDINAND aussi dans la forme sur « Concrete Antichrist », qui rivalise avec l’excellente « Nihilist » dans le registre pop rock attrape cœur. D’une grande variété, l’ensemble de ce programme (trop) court véhicule une grande fragilité doublé d’une maîtrise insolente des divers instruments qui le composent. Au four et au moulin, Henrik Palm rivalise d’ingéniosité dans l’agencement de sonorités vintage, témoignant du goût prononcé de l’artiste pour tout ce qui sort de l’ordinaire. Partout ailleurs, des claviers aussi cheap couleraient aisément le navire mais jamais ici, l’homme à tout faire menant parfaitement sa barque entre séquences au piano, clavier ou encore mellotron.
J’en passerais presque sous silence l’une des qualités principales de l’œuvre tant ça coule de source lors de l’écoute : le chant, d’une sensibilité telle qu’elle conduit illico à se sentir proche d’un artiste dont on guettera fébrilement les prochaines sorties. De l’admirable progression dramatique de « Sugar » à son double inversé « Given Demon », tout concoure donc à faire de « Poverty Metal » un grand album joyeusement foutraque, délicieusement mélancolique et furieusement juste.
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