Thou / Emma Ruth Rundle - The Helm of Sorrow
Chronique
Thou / Emma Ruth Rundle The Helm of Sorrow (EP)
Des musiciens aussi prolifiques que ceux de Thou ne pouvaient avoir composé uniquement que sept titres en compagnie d’Emma Ruth Rundle lors de l’enregistrement de l’album May Our Chambers Be Full. Ces quatre titres qui constituent cet EP intitulé The Helm of Sorrow proviennent donc des mêmes sessions d’enregistrement que l’album sorti à l’automne dernier. Et il ne faut pas voir ces quatre titres comme étant des chutes de studios mais bien comme étant un complément d’un peu plus de vingt et une minutes.
Complément, parce que l’on retrouve sur ces trois compositions originales, le titre Hollywood étant une reprise de The Cranberries, des choses qui se singularisent quelque peu des sept titres apparaissant sur l’album. D’ailleurs, l’on pourrait presque dire que c’est ici que le pendant de Thou de cette collaboration avec Emma Ruth Rundle prend plutôt les devants. Il y a quelque chose de plus sauvage et de moins tempéré sur Orphan Limbs, Crone Dance et Recurrence, où la colère éclate le plus souvent. Pour autant, l’on retrouve cette faculté à faire monter l’intensité assez longuement, après avoir pris le temps de faire appel aux sonorités intimistes de la folk de la musicienne, comme c’est le cas sur Orphan Limbs. D’ailleurs, chose étrange, et comme si l’on avait cette volonté de se mettre en retrait, le chant principal y est tenu par Emily McWilliams que tout auditeur de Thou connait bien puisqu’elle est souvent venue poser ses lignes de chant sur différentes réalisations du sextet. Lorsque je parle de quelque chose de plus rentre dedans, je pense notamment à ces riffs bien plus offensifs, que ce soit sur des tempi lents que sur des accélérations, et l’on y retrouve bien plus le côté nocif du sludge de Thou, celui que l’on a
sur Magus. En cela, le titre Crone Dance en est une belle démonstration, avec pour le coup, des riffs bien gras et bien tranchants, surtout dans sa seconde partie bien plus lente et plus conventionnelle par rapport à ce que les Louisianais ont l’habitude de nous offrir. L’on retrouvera toutefois quelque chose de plus commun avec May Our Chambers Be Full sur Recurrence, avec cette patte un peu plus grunge dans le sludge de Thou, pour quelque chose de plus entraînant, avec toutefois un final en blasts, car, et c’est bien ce qui différencie ces trois titres, c’est que la violence éclate vraiment ici.
Ce que l’on constate surtout sur ces trois premiers titres, c’est que les musiciens y ont fait l’inverse de ce qu’il y a sur l’album, c’est à dire une plus grande mise en avant du chant écorché de Bryan Funck et, concomitamment, la voix d’Emma Ruth Rundle plus en retrait. Pour autant, l’on y ressent bien cette même forme de colère et d’exaspération qui vient émerger de ces trois compositions originales, mais bien plus exposées et mises en avant par rapport à ce côté désabusé exprimé sur l’album. En cela, la mise en retrait du chant si distinctif d’Emma Ruth Rundle n’est pas insignifiant. Tout comme il n’est pas anodin que ces titres n’aient pas été conservés pour être inclus sur l’album, car dénotant pas mal vu les choix mis en avant. Pour autant, cela fonctionne toujours aussi bien, même s’il y a un côté sans doute moins touchant, moins grunge dans l’esprit pour ainsi dire, sur ces titres, mais où l’ambiance bien plus explosive apporte son flot d’émotions. Le choix pour la reprise de The Cranberries est un peu surprenant lorsque l’on connait les idées de la leader de la formation irlandaise assez à l’opposées de ce que prônent les musiciens de Thou, notamment. Cependant, ils sont assez familiers de cet exercice de style et finalement cela passe très bien à la moulinette sludge, ou en tout cas joué plus bas et bien plus gras, et, là où le chant de Dolores O’Riordan m’a toujours incommodé, cela passe bien mieux avec celui d’Emma Ruth Rundle, avec les renforts de KC Stafford et de Bryan Funck.
Aussi, The Helm of Sorrow devrait plaire à celles et ceux qui ont apprécié May Our Chambers Be Full, dans la mesure où il propose une autre facette de cette excellente collaboration entre Emma Ruth Rundle, dont on ne saluera jamais suffisamment son talent - oui, je suis devenu fan de son projet solo mais aussi de Marriages - et Thou dont on ne cesse de louer la qualité de sa musique depuis une bonne dizaine d’années. Ce qui avait quelque chose d’alléchant sur le papier a bien confirmé tout le bien que l’on pouvait en penser et, pour une fois, le soufflet n’est pas tombé aussi rapidement suite à l’effet d’annonce. Espérons qu’il y aura une autre collaboration entre ces deux entités dans un avenir point trop lointain. À noter que cet EP sorti sous format vinyle apparait sur la version Die Hard de May Our Chambers Be Full avec un titre supplémentaire en guise d’introduction, intitulé Elysian Fields, qui reprend la mélodie du refrain du titre Killing Floor, et qui est très beau.
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