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A.A. Williams + Brutus + Cult of Luna

Live report

A.A. Williams + Brutus + Cult of Luna Le 30 Novembre 2019 à Paris, France (Le Trianon)
Une éternité que je n’avais pas mis les pieds au Trianon. En réalité, depuis l’un des plus mémorables concerts de toute ma vie, lorsque j’y avais vu PRIMUS en juin 2015. En ce samedi 30 novembre 2019, j’avais toutefois une petite pensée pour la bande du génialissime Les Claypool qui ouvrait le jour même pour le dernier concert de SLAYER au Forum de Los Angeles. Trêve de digression, point de bassiste virtuose et déjanté, ni de Thrash ultime au programme de ce soir, mais une véritable expérience qui s’est avérée fascinante.

A.A. WILLIAMS avait l’insigne honneur d’ouvrir la soirée sur la scène du magnifique Trianon, l’un des derniers théâtres à l’italienne de la capitale. A des années-lumière de mon univers musical, j’ai malgré tout été séduite par ce qu’avait à me proposer la belle artiste et ses deux musiciens. J’ai eu l’impression de passer une venteuse soirée d’hiver à recueillir les confidences d’une amie sur les joies, mais surtout les tourments d’un cœur en peine (Control), alors que la pluie ruisselle sur les vitres d’une cabane en bord de mer. A.A. WILLIAMS, guitare à la main, qu’elle abandonne parfois pour les touches d’un clavier raconte, d’une voix suave et juste, la tristesse qui se veut parfois douce, parfois virevoltante grâce à quelques savoureuses envolées électriques. L’instrumentation, simple et délicate, servie par des musiciens discrets, n’est finalement que l’écrin d’une voix chaude et réconfortante, malgré tout le spleen qu’elle exprime. L’étonnant sentiment d’apaisement est persistant (Cold) et franchement pas désagréable. La musique intimiste, pudique et mélancolique de A.A. WILLIAMS nous rappelle qu’il y a du bon à être tourmenté quelques fois.



BRUTUS n’a pas chômé ces deux dernières années, avec la sortie de deux albums entre 2017 (Burst) et 2019 (Nest) et pas mal de passages sur les planches assez remarqués. Comme je m’y attendais, tous les regards étaient braqués sur Stefanie Mannaerts, sa ravissante batteuse-chanteuse. Je passerai sous silence les propos salaces qui ont fusé autour de moi à son arrivée (non mais, sérieusement les gars…), mais en même temps, sa présence, avec cette inaccoutumée double casquette, est certainement l’élément qui suscite le plus l’intérêt, à tout le moins la curiosité du public chez le trio belge, qui ne se prive pas pour la mettre en avant. En effet, la batterie trône fièrement sur le devant de la scène et positionnée de profil pour permettre aux fans d’admirer la front-woman. On en oublierait presque ses deux acolytes, travaillant consciencieusement mais efficacement dans l’ombre. Bande d’ingrats que nous sommes, Stefanie Mannaerts capte tellement l’attention qu’on ne se rappelle de la présence de Stijn à la guitare et de Peter à la basse (nommons-les quand même !) que lorsqu’ils s’approchent d’elle, grignotant légitiment une petite part de lumière. Encore une fois, je ne navigue pas dans mes eaux de prédilection, mais je me suis volontiers laissée porter par la vague hypée BRUTUS. Leur post-Hardcore est vraiment bien foutu et suffisamment catchy pour m’avoir attrapée dans leurs filets ; parfois un peu (trop) tendre voire teenagers, certainement un peu redondant (en raison notamment d’une rythmique assez répétitive), mais en définitive, super rafraîchissant. Les lignes de chant sont vraiment intéressantes et les capacités vocales de Stefanie indéniables avec un très joli grain de voix et de surprenantes modulations. Cependant, je lui souhaite une petite marge de progression s’agissant de concilier ses deux fonctions, on la sent un peu en difficulté lorsque son chant s’accompagne d’une frappe plus soutenue comme sur Drive. Je dis ça, mais c’est vraiment pour faire ma chieuse, parce qu’en vérité, j’ai vraiment passé un chouette moment devant eux !


Setlist :
. War
. Cemetery
. Horde II
. Drive
. Space
. Justice De Julia II
. Techno
. Baby Seal
. Sugar Dragon





On m’avait pourtant prévenue… Mais étais-je vraiment préparée à ce genre de tarte dans la gueule ou de coup de poing dans le ventre ? J’ai bien conscience que mes scribouillis ne pourront jamais rendre compte de ce que peut représenter une prestation live de CULT OF LUNA. Ce sera donc le report de tous les superlatifs. La scénographie était sobre mais grandiose : sur un fond drapé du plus bel effet, les silhouettes des Suédois se devinaient en ombres chinoises dans un brouillard de fumée permanent. Le show-light était sublime avec ce qu’il faut de stroboscope et des projecteurs éclairant depuis le fond de la scène, les techniciens évitant soigneusement de les braquer sur les musiciens, renforçant l’anonymat de leurs visages, les couleurs et les mouvements toujours raccord avec le propos musical. Le son était magistral : une osmose parfaite entre tous les instruments (trois guitares, une basse, un clavier et deux batteries tout de même), une puissance et une densité rarement atteintes avec autant de clarté. L’investissement des musiciens était sans faille, leur exécution irréprochable : l’impressionnant engagement physique de son batteur principal, l’attitude exaltée des guitaristes, la voix de Johannes Persson, pied planté sur les retours, crachant une colère sombre et froide. L’atmosphère était incroyable, empreinte de gravité, presque religieuse, enveloppante, presque absorbante. Dans un registre similaire, approchant un égal déferlement d’émotions où la musique s’insinue jusqu’au tréfonds de l’âme, là où un AMENRA me fichera par terre, au fond du fond du trou, CULT OF LUNA va, bien au contraire, m’extirper la tête de l’eau, me faire redresser fièrement le menton et me donner la force de faire face aux saloperies que nous réserve la vie (Rise and ride my friend. Together we’ll bring on the end – extrait de The Silent Man). Putain, oui ! Ils m’ont fait un bien fou ! CULT OF LUNA est un groupe écœurant - pour leurs homologues s’entend - de talent et de maîtrise, mais d’une exigence folle à leur propre égard, alors comment leur reprocher de sembler si présomptueux ? Honnêtement, ils ont toutes les raisons de l’être. On pourrait sans doute regretter l’absence de titres extraits de leurs plus anciennes productions, mais, encore une fois, comment leur en vouloir ? D’une part, parce qu’il s’agit d’une tournée de promotion suite à la sortie de l’excellentissime A Dawn to Fear, d’autre part, parce qu’il n’y a rien à jeter dans leur brillante discographie, et qu’il faut bien faire des choix (quand même, rien qu’en restant sur leur dernier opus, un petit Lay your Head to Rest, ça n’aurait pas été de refus). Au terme d’une intense introspection collective d’une heure et demie, les Suédois ont récolté ce qu’ils ont semé : non pas un succès, mais un triomphe !

Setlist :
. The Silent Man
. Finland
. Nightwalkers
. I: The Weapon
. And With Her Came the Birds
. Lights on the Hill
. In Awe Of
. Passing Through
. The Fall






Même s’il convient de saluer les performances de A.A. WILLIAMS et de BRUTUS, on ne va pas se cacher derrière son petit doigt, les Suédois étaient sans conteste les rois thaumaturges de la scène du Trianon, en tout cas les miens, et ont une nouvelle fois comblé leurs fans de la première heure et ont conquis les autres, avec un set magistral et solennel. En un mot : ils ont été PAR-FAITS !

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