Si l’intérêt suscité par Stormkeep est lié d’une part à son line-up particulièrement alléchant (eh oui, je vous rappelle quand même que l’on y retrouve entre autre des membres de Blood Incantation et Wayfarer) et de l’autre à la sortie il y a maintenant un petit peu d’un an d’un excellent EP des plus convaincants et prometteurs (
Galdrum), nul doute que tous les auditeurs passés jusque-là entre les mailles du filet seront irrésistiblement attirés par ce somptueux artwork signé Les Edwards.
Peintre anglais né à la fin des années 40, l’homme qui aujourd’hui a usé l’essentiel de ses pinceaux dans les milieux de la fantasy, de la science-fiction et de l’horreur afin d’illustrer les œuvres d’auteurs tels que Robert E. Howard, Franck Herbert, Sir Terence David John Pratchett, Anne Inez McCaffrey et Jack Vance, n’est pas non plus tout à fait étranger à l’univers de la musique. De Metallica (le single
Jump In The Fire) à Paradox (
Heresy) en passant par Celtic Frost (l’intérieur du livret d‘
Into The Pandemonium, Krokus (
Alive And Screamin’) et même The Prodigy (l’intérieur du livret de
Music For The Jilted Generation), il a en effet signé quelques travaux pour le moins immersifs et emblématiques. Commissionné par les Américains, il livre ici une œuvre hors du temps et paradoxalement délicieusement obsolète qui invite à la découverte et surtout au voyage et à l’imaginaire...
Pour ce premier album intitulé
Tales Of Othertime, Stormkeep a souhaité pousser son concept un petit peu plus loin qu’à l’accoutumé. On appréciera ainsi tout le soin apporté au packaging d’une version digipack particulièrement immersive que je me réjouis d’ailleurs d’avoir acheté avant qu’elle ne soit complètement sold out (1000 exemplaires écoulés en moins de trois semaines). Outre le fourreau découpé, gravé et numéroté qui laisse entrevoir une partie du travail de monsieur Edwards, on a le plaisir de retrouver à l’intérieur un très chouette livret avec les paroles et quelques photos imprimées sur un papier de qualité ainsi qu’une grande carte détaillée d’Elda, monde fantastique et médiéval sortie de l’imagination des membres de Stormkeep et qui va servir de terrain de jeu à tous ses personnages et à leurs aventures. Et ce n’est pas tout puisqu’en guise de bonus, Stormkeep nous gâte également d’un deuxième CD intitulé
Lost Relics sur lequel on va pouvoir trouver six compositions instrumentales inédites permettant de poursuivre l’immersion dans ce monde de dragons, de sorciers, de combats à l’épée, de magie et autres châteaux imprenables...
Album de saison s’il en est,
Tales Of Othertime est la suite tout à fait logique, bien que plus aboutie, de l’excellent
Galdrum. Sans surprise, ce premier essai longue durée conserve donc en ligne de mire ces pierres angulaires qui à leur manière et avec leurs spécificités ont façonné en leur temps ce sous-genre qu’est le Black Metal symphonique et médiéval. Un style quelque peu tombé en désuétude au milieu des années 2000 mais qui depuis maintenant quelques temps connaît un véritable regain d’intérêt. Si chacun tracera ses propres parallèles, difficile de ne pas penser à Emperor, Dimmu Borgir, Dissection, Abigor, Obtained Enslavement, Limbonic Art et tous ces groupes de la grande époque à l’écoute de ces six compositions dont deux superbes instrumentaux ("The Citadel" et "An Ode To Dragons"). Si Stormkeep n’a donc strictement rien inventé (à l’exception de cet univers servant de base centrale à ses contes et autres aventures), il faut bien avouer que cela n’a aucune espèce d’importance puisque ce n’est pas du tout ce qu’il faut retenir de
Tales Of Othertime et de son Black Metal élégant, racé et aristocratique.
En effet, ce qui frappe surtout à la découverte de ce premier album ce sont tous les progrès réalisés par Stormkeep depuis la sortie de
Galdrum qui pourtant à l’époque avançaient déjà de sérieux argument. De cette production soignée aux ambitions largement revues à la hausse (plus propre et plus ronde, elle offre en effet davantage de puissance ainsi qu’un aspect conquérant pour le moins évident) à ces compositions un poil plus harmonieuses et aventureuses (richesses des idées, transitions soignées, apport mélodique encore un petit peu plus marqué), il ne fait effectivement aucun doute que les Américains ont cherché à élever leurs intentions dans le but de frapper un grand coup. Si le traitement réservé au packaging laissait déjà admiratif d’un certain travail et d’une réelle volonté d’élaborer de bout en bout un projet qui n’appartiendrait qu’à eux, c’est bien à l’écoute de ces compositions que tout cela prend un sens.
Toujours aussi généreux, Stormkeep s’exprime une fois de plus à travers de longues compositions où les idées et les séquences s’enchainent avec une homogénéité telle que tous ces titres affichés à plus de huit minutes semblent finalement n’en durer que quatre ou cinq tout au plus. De cette générosité découle également une véritable richesse qui donne lieu à des compositions particulièrement variées et captivantes. Car même si l’album est empreint d’une dynamique qui pourrait donner le sentiment d’un disque mené pied au plancher de bout en bout, Stormkeep n’est cependant pas du genre à ne jamais relever la tête. Aussi, outre toutes ces accélérations et autres passages menés tel un cavalier en pleine charge ("The Seer" à 0:56, 4:41 et 7:36 et "The Serpent’s Stone" à 0:30, 2:41 et 4:34 marqués tous les deux par ces fulgurances dignes d’un Emperor de la grande époque, "A Journey Through Storms" à 1:19 et 9:53, "Eternal Majesty Manifest" à 0:15 et 4:01...), l’auditeur est invité également à se délecter de nombreux moments plus nobles, élégants et mélodiques qui vont apporter énormément de relief et de profondeur au Black Metal épique, médiévale et symphonique de Stormkeep. Des instants plus ou moins fugaces où les ardeurs de chaque musicien laissent place à des séquences d’une grandeur et d’une éloquence aristocratiques qui émerveillent autant qu’elles forcent le respect. Ceux-ci passent par un très grand travail mélodique que Stormkeep a pris soin de peaufiner et qui est certainement ici l’un de ses plus grands atouts. De ces nombreuses nappes de synthétiseurs qui vont venir habiller chaque compositions plus ou moins discrètement (l’introduction de "The Seer" puis par bribes à 0:56 ou lors de ce break à partir de 4:24, "The Citadel", les premières mesures de "A Journey Through Storms" qui n’est pas sans rappeler un certain Dimmu Borgir, "The Serpent’s Stone" et sa mélodie d’introduction presque guillerette et sautillante, "Eternal Majesty Manifest", etc) à ces sonorités médiévales (clavecin, harpe...) qui entretiennent une atmosphère délicate d’un autre temps ("The Citadel", le break de "A Journey Through Storms" à 4:22, "An Ode To Dragon") à ces voix mélodiques tantôt prophétiques tantôt menaçantes ("The Seer" à 6:54, "A Journey Through Storms" à partir de 9:24 sous forme de nappes, celles plus inquiétantes en entame de "The Serpent’s Stone" puis plus loin à 2:32 et surtout à 3:51, "Eternal Majesty Manifest" à 6:04), ces quelques solos racés ("The Seer" à 5:46 et 7:52, "A Journey Through Storms" à 3:00, 6:32 et 7:24, la dernière partie de "The Serpent’s Stone") en passant par tout un tas d’arrangements plus ou moins discrets (la guitare acoustique sur l’introduction de "The Seer") et autres samples judicieusement disposés afin d’apporter de la matière et du contexte à l’ensemble ("The Citadel" et ses bruits de charrette, de chevaux et d’oiseaux, les combats à l’épée faisant rage au début de "Eternal Majesty Manifest"), les éléments ne manquent pas pour se laisser embarquer, tel un livre que l’on dévore, dans l’univers imaginaire de Stormkeep.
Avant de conclure cette chronique, évoquons tout de même les cinq compositions instrumentales de
Lost Relics pour lesquelles ne j’ai malheureusement pas beaucoup d’informations à vous partager. Si cet intitulé laisse entendre qu’il s’agit de compositions oubliées dans les profondeurs d’un terrible donjon humide et obscur, il y a fort à parier qu’il s’agit surtout de titres composés en parallèle de ceux figurants sur
Tales Of Othertime. Conduits à coup de nappes de synthétiseurs, de clavecins, d’instruments à cordes et à vent (synthétiques) et autres samples, ces titres vont offrir à l’auditeur la possibilité de rester immergé dans les terres lointaines d’Elda. Un voyage d’une vingtaine de minutes aux atmosphères plus ou moins variées puisque si globalement ces quelques titres possèdent une aura empreinte de Fantasy, de magie et de toutes ces images imaginaires qui gravitent autour (dragons, châteaux, sorciers, chevaliers, paysages fantastiques et improbables...), on note néanmoins quelques changements de tons d’un titre à l’autre. Si "Through Decayed Corridors" possède quelque chose d’inquiétant, "Obsidian Wyvern Gates" offre quant à lui des sonorités plus fières et conquérantes alors que sur "Drýcræft II" l’atmosphère se fait plus diffuse, etc. Aussi assez peu clients d’albums composés uniquement de ce genre de titres, je dois bien reconnaître qu’une fois de plus le travail effectué par Stormkeep permet de plonger corps et âmes dans cet univers fantastique et ainsi prolonger la voyage entamé avec l’excellent
Tales Of Othertime. Court EP varié et toujours aussi immersif,
Lost Relics fait naturellement office de parfait petit compagnon à ce premier album et offre ainsi la possibilité de faire durer le plaisir le temps de compositions où chacun pourra laisser vagabonder son imagination au gré de ses propres références.
Un an après l’excellent
Galdrum qui pourtant ne souffrait d’aucun véritable défaut, Stormkeep vient mettre un sacré coup de pression à tous ceux qui ont redonné au genre ses lettres de noblesses ces dernières années avec des albums pourtant particulièrement solides (on pense à Vargrav, Ringarë, Warmoon Lord, Faustian Pact, Gardsghastr et j’en passe…). Une chose est sûre, malgré le poids de certaines références absolument évidentes tout au long de ce premier album (Emperor et Dimmu Borgir en tête), les Américains ont su trouver avec
Tales Of Othertime le moyen d’exprimer pleinement leur personnalité et leur univers. Sans surprise, celui-ci se glisse parmi les plus belles réalisations de l’années. Un disque d’une très grande maturité, aussi varié qu’homogène, dynamique et plein de reliefs, aux sonorités à la fois radicales, grandioses et immersives dans lesquelles en dépit des écoutes successives (plutôt bon signe) il est toujours aussi agréable de se perdre et de voyager. Oui, en effet, bravo messieurs, vous n’avez pas volé vos lauriers...
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