Non,
Demonic Wealth n’était pas qu’un coup de chance. Certes aidé par des circonstances peu simples sur le papier (des conditions d’enregistrement marquées par l’éloignement et le manque de matériel) ayant permis de créer une œuvre à-part où l’ombre de Lurker of Chalice surplombait le style particulier des Ricains, Krallice semble bien avoir renoué durablement avec l’inspiration qui lui manquait depuis
Ygg Huur, stoppant l’enchaînement de sorties se reposant sur un savoir-faire technique sans regarder au-delà.
On avait pourtant quelques indices sur les possibilités d’un renouvellement de leur black metal à la fois technique et atmosphérique sur certains de leurs disques, autrefois vus comme mineurs et aujourd’hui se percevant comme une tangente devenue ligne principale : l’EP
Hyperion où Krallice se laissait aller à des riffs plus mélodiques sans abandonner les ambiances, une filiation avec certaines créations de Blut Aus Nord s’affichant davantage (un sentiment qui explose sur
Crystalline Exhaustion tant on pense ici aux Memoria Vetusta, voire au side-project de Vindsval The Eye), ainsi que le lo-fi
Go Be Forgotten et ses claviers entêtants.
Un renouvellement assumé et exploré avec une envie évoquant l’énergie qui guidait la bande de Colin Marston à ses débuts.
Crystalline Exhaustion paraît réfléchi de bout en bout, ne tombe jamais dans ce sentiment d’album trop vite pensé et composé qui a pu handicaper Krallice, cet entité extrêmement douée mais par moments trop pressée, oubliant que deux ou trois bonnes idées ne suffisent pas à faire un bon album. Même si l’on retrouve ici ce talent pour créer des riffs mémorables (ne serait-ce que sur « Frost » à trois minutes vingt-cinq ou encore le début de « Dismal Entity »), c’est bien l’impression d’entrer dans un univers particulier qui marque ce black metal de moins en moins post et de plus en plus variation de l’ancien, froid, mordant et labyrinthique, contemporain tout en vénérant la magie de jadis (ces claviers, cheaps et enivrants).
Ainsi, les cinq premiers morceaux de
Crystalline Exhaustion sont d’un grand équilibre, entre instants incisifs (les guitares au bord de la folie de « Heathen Swill ») et contemplation épique proche d’une exploration de terres de science-fiction, sauvages et aliens. Si Mick Barr continue de s’occuper de la majorité des voix, ses cris stridents personnifiant une fois encore les habitants de ces planètes, le retour de Nicholas McMaster au micro sur « Telos » et « Archlights » ne gâche en rien l’écoute, ses grognements gutturaux narrant également les mêmes expéditions au sein de mondes étranges, calcaires, faits de minéraux xénomorphes. La production, vaporeuse sans éteindre l’abrasivité et la virulence de certains instruments – Lev Weinstein est toujours aussi épatant à la batterie – appuie encore un peu plus cette sensation de retrouver un Krallice plus cohérent et moins bordélique qu’auparavant.
Les plus attentifs auront remarqué que je n’ai pas parlé jusque-là du final qui donne son nom à l’album, à la fois première qualité de
Crystalline Exhaustion et révélateur de défauts qui marquent encore ce groupe incroyable bien que toujours un brin frustrant qu’est Krallice. En effet, le petit quart d’heure qui compose ce titre est si beau, si réussi dans son parti-pris atmosphérique qu’il fait regretter d’être le seul moment où les Ricains font définitivement des claviers de Colin Marston l’élément principal de cette nouvelle version de leur son. Aussi apaisant qu’intense, ce morceau est à la hauteur de son nom, pur, cristallin, vitreux et lumineux avec, en fond, une hostilité qui fait rêver à une terre à la fois merveilleuse et inhospitalière. Pour quelqu’un qui craignait que
Demonic Wealth ne soit qu’un majestueux intrus, il montre que Krallice possède bien une nouvelle identité délicieuse, même en renouant avec des méthodes d’enregistrement et de production plus classiques. De quoi voir en les compositions le précédant des croquis préparatoires et ce, malgré leurs qualités intrinsèques.
Crystalline Exhaustion est donc une confirmation d’un retour en grâce de Krallice, cette formation sur laquelle j’avais tiré un trait pour finalement retomber sous son charme. Marqué par quelques baisses, la première étant due à un très-haut abaissant le reste, il reste une œuvre indispensable pour qui aime un black metal personnel et travaillé, l’imagination trouvant dans la stimulation une source où s’alimenter. Espérons que cela dure !
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