On peut dire que Krallice a su s'imposer en quatre ans. Ce qui n'était au départ qu'un projet de trois personnes utilisant leur savoir-faire acquis dans d'autres formations (Behold… The Arctopus, Dysrhytmia ou Orthrelm entre autres) au service du black metal est devenu un pilier à part entière de ce que l'on nomme de plus en plus comme le renouveau du genre. Que l'on soit amateur ou détracteur, ses sorties ne laissent pas indifférent par leur avant-gardisme difficilement catégorisable (Post ? Progressif ? Technique ? Hype ? Génial ?). Alors,
Diotima est-il une nouvelle référence à asseoir au côté de
Dimensional Bleedthrough et
Krallice ou la fin d'une success story ?
N'attend pas d'un chroniqueur pour qui « staccato » désigne une recette de soupe froide à l'italienne qu'il parte dans des considérations poussées sur la composition de cet album. Krallice est un groupe technique, on le sait, tant mieux pour eux et pour nous, le talent des Ricains étant porté vers l'émotion et non le déballage stérile. Néanmoins, il n'est pas inutile de s'arrêter sur le processus ayant engendré
Diotima : issu en majorité des mêmes sessions d'écriture que
Krallice et
Dimensional Bleedthrough, ce qui fait le corps de l'objet a été retravaillé plus tard, après le second essai et l'arrivée du bassiste/hurleur Nicholas McMaster. C'est la première véritable implication de ce dernier en tant que membre à part entière, les parties de basse de
Dimensional Bleedthrough ayant été presque entièrement tenue par Mick Barr et Colin Marston. Le dernier jet chroniqué ici était vu par l'entité comme l'occasion d'intégrer définitivement le nouvel arrivant en laissant une large place aux arrangements, dont une basse filant ses notes de concert avec les guitares.
Raison pour laquelle
Diotima parait à la fois proche et éloigné de ses grand-frères. Krallice reste foisonnant, adepte des cassures, break, contre break, contre contre break à la mélodicité fourmillante et progressive mais tout est plus harmonieux, limpide, voire… apaisant. Il coule de source, ne demande pas d'écoutes répétées pour s'apprécier et subjugue directement par une fluidité au sein des morceaux et de l'œuvre totale. Même la production semble moins crue, notamment dans ce son de basse rond, grave, presque accueillant. Les enchainements ont été spécialement considérés, on le sent sur « The Clearing » et ses mélodies grimpantes aux variations subtiles contrebalançant la vigueur des blasts et tremolos. Le groupe a su prendre en compte les critiques formulées à l'encontre des précédents essais jugés trop difficile d'accès et tenté de rendre le tout directement accrocheur sans renier sa vision originale du black metal.
Un pari que l'on ne peut que considérer comme gagnant car si les guitares lacent, délacent, entrelacent continuellement sur des durées gargantuesques (on atteint ou dépasse souvent la dizaine de minute),
Diotima nous emmène dans un voyage le long de l'eau dont la pochette couleur bleu marine est la parfaite illustration. C'est une recherche de l'équilibre auquel assiste l'auditeur, les remous servant une paix tangible. En cela, l'importance des différents chants est à prendre en compte : la voix typée death de Nicholas McMaster a pris le pas sur les cris décharnés de Mick Barr, appuyant de sa force gutturale des instruments préférant l'organique au strident. Ne va pas croire cependant que Krallice a cédé aux sirènes de la facilité. Ce que recherchent les adorateurs du combo est toujours présent mais là où
Krallice était une folie noire,
Dimensional Bleedthrough une intensité aride,
Diotima est une contemplation sereine. Les guitares sont toujours hallucinantes : malgré mon dédain pour tout ce qui est techniquement impressionnant, je reste bouche bée devant le musicianship de titres comme « The Clearing », « Litany Of Regrets », la deuxième moitié du morceau éponyme (ce tapping de FOLIE), la basse de « Telluric Rings » ou « Dust And Light » dont la conclusion renoue un instant avec la transcendance d'un « Energy Chasms ». Bien qu'utilisée au service de l'hypnose, la batterie n'a rien perdu de son martèlement « parpaing », à l'image de « Litany Of Regrets » et ces relents punk/noise captivant sans écorcher l'oreille.
La transcendance… la seule chose qui manque un peu trop à l'appel pour que
Diotima fasse carton plein. Krallice a opéré ici une somme de choix artistique auquel je n'adhère pas totalement. Ainsi, si la voix death s'avère moins fatigante que les braillements black, elle est aussi moins prenante et utilisée à tort et à travers (s'occupant seule du chant sur « Inhume », « Litany Of Regrets », « Diotima » et « Telluric Rings »). J'aurais préféré un accouplement des deux, tant elles se marient bien lors des passages d'un riff tourbillonnant à un ralentissement de tempo par exemple (« The Clearing »). On remarquera également quelques périodes de latence mettant dans une position d'attente (l'éponyme, ne décollant vraiment qu'à partir des cinq minutes, le creux au milieu de « Telluric Rings »), regrettable alors que l'un des attraits des Ricains est cette capacité à tenir en éveil malgré des chamboulements incessants. Mais c'est surtout cette direction vers le raisonnable qui me laisse légèrement de côté. Je le dis sans détour, j'aime la prétention de
Dimensional Bleedthrough, son heure vingt over the top de branlette émue d'elle-même, sa difficulté d'écoute où la seule pensée qui me traverse l'esprit est un « putain de merde » acculé de riffing tirant la corde de la lancinance imbitable haut, toujours plus haut et puis plus haut encore. Un émerveillement de gosse que je ne retrouve que partiellement sur cet opus.
Avis contrasté d'un fan bavard (désolé pour le pavé) qui attendait beaucoup de l'après
Dimensional Bleedthrough.
Diotima reste un bon album (de transition ?) d'artistes de toute façon au dessus de la mêlée et assoit davantage Krallice sur son trône de maître de l'US Black Metal (encore que, Liturgy…). Nul doute que cette relative indulgence envers l'auditeur lui apportera enfin la reconnaissance qu'il mérite et même les critiques d'autrefois devraient tenter l'expérience. Un grand groupe, clairement.
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