Avant d'aborder la déception qu'est
Prelapsarian (spoiler alert !), il est nécessaire de parler de ce que j'aime dans Krallice. C'est que je suis le groupe de Colin Marston depuis quelques années maintenant, guettant la moindre de ses sorties. Et, malgré des réalisations à chaque fois différentes, la bande ne m'a jamais déçu, trouvant toujours dans ses essais ce que j'apprécie chez elle : une technicité ébouriffante au service d'une ambiance, où la performance se dépasse elle-même pour transmettre « autre chose ». Que ce soit avec le mystique
Ygg Huur, le spatial
Years Past Matter, le maritime
Diotima ou encore le désertique
Dimensional Bleedthrough, les rencontres avec les Ricains ont toujours été l'occasion de se retourner la cervelle pour l'emmener ailleurs, dans des mondes qu'eux seuls étaient capables de peindre avec autant de précision et d'originalité.
Mais sur
Prelapsarian, je ne trouve pas le fil rouge qui fait que je prends plaisir à me faire malmener. Pour la première fois, Krallice me donne le sentiment de stagner, d'abattre ses cartes sans réfléchir au-delà de ses capacités. Un tempérament de flambeur, qu'il utilise pour le meilleur mais surtout le pire. Pourtant, les choses commencent de belle manière avec « Transformation Chronicles ». Un titre tout en sursauts et montées durant lequel les créateurs de
Hyperion donnent à voir un résumé des nombreux virages qu'a emprunté leur discographie. Ces « chroniques de transformation » portent admirablement bien leur nom, contenant des mélodies épiques, des structures renversantes et des riffs décalés portés par la voix râpeuse de Mick Barr. Les sentiments sont au rendez-vous, le fanatique s'amusant au départ à deviner à quel album rattacher telle ou telle partie, avant de se prendre au jeu de ces notes allant toujours plus haut.
Seulement, après ce début enthousiasmant, Krallice semble se perdre. Tout en restant cette entité peu commune (aucune perte en personnalité lors de ces courtes trente-cinq minutes, les Ricains étant toujours ce monstre indéfinissable, entre black metal et post/math/noisecore), il fait se poser trop de questions pour rendre appréciables ses nombreux détours. Où veut-il en venir avec
Prelapsarian ? Pourquoi faire du sous-
Oozing Wound avec « Hate Power » ? Pourquoi embrayer sur « Conflagration », titre massif qui, inséré dans une tracklist anarchique, ne donne rien à ressentir ? Pourquoi s'arrêter à la forme, utiliser des astuces aux ficelles trop grosses (comme le moment de calme à la toute fin de « Transformation Chronicles », surprenant mais cassant le rythme) ? Pourquoi gâcher ces quelques leads appelant à se développer sur « Lotus Throne », en préférant une nouvelle fois jouer sur des dissonances trop familières ? Même la production paraît s'arrêter à mi-chemin, gagnant en naturel ce qu'elle perd en puissance. On a connu Krallice abrasif, enfiévré : il ne donne ici que l'impression d'entendre un jam entre personnes douées, à la manière de ces nombreux projets parallèles qu'ont ses membres, s'écoutant une ou deux fois pour s'amuser de leurs expérimentations, avant de les ranger définitivement sur les étagères.
Là où chaque œuvre de Krallice annonçait des heures de bonheur à plonger dans des compositions riches, profondes mais surtout émotionnelles,
Prelapsarian tombe dans ce que les détracteurs de la formation aiment pointer du doigt la concernant : un déballage constant où l'on se demande s'il s'agit bien de musique. Encore une fois, les Ricains possèdent des atouts que cet album laisse toujours transpirer, à commencer par une basse délicieuse, ronde et mélodique, ainsi que des voix convaincantes à être aussi enragées. Mais prises dans un ensemble qui semble avancer à vue, elles ne sont que des éléments auxquels se rattacher pour ne pas appuyer sur le bouton « stop » de façon expéditive. Peut-être que ceux appréciant les sauts improbables ou les jeux d'instruments donnant à croire qu'ils sont issus d'équations trouveront ici une nouvelle fois leur compte. Malheureusement pour moi, je ne suis ni amateur de cirque, ni mathématicien. En bon littéraire, j'attends d'un disque qu'il me raconte quelque chose. Un objectif que Krallice a visiblement oublié.
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