« La musicologie est à la musique ce que la gynécologie est à l’amour » comme dit l’autre. Alors réjouissez-vous que Von Yaourt n’ait pas pu se rendre disponible pour écrire la chronique du dernier essai de Krallice ! Il est vrai que notre intolérance au lactose à nous a beaucoup à faire depuis sa comparution devant la Justice pour son implication dans une entreprise de service à la personne férue d’Histoire, celle-ci ayant rencontré quelques problèmes suite à des entrainements acrobatiques usant de références à une période sombre du couple franco-allemand.
Exactement : Von Yaourt est suspecté d’être un prostitué nazi (je ne suis pas étonné, personnellement). Mais je ne vous parle pas de lui aujourd’hui au sujet de sa carrière professionnelle. Von connait aussi bien ses gammes que sa gammée et c’est avec le regard de l’expert doté d’une sensibilité toute germanique qu’il m’a confié trouver
Years Past Matter « incohérent ». C’est aujourd’hui à regret que je m’oppose à l’avis de notre cher rédacteur toujours porteur de bons mots trouvés en googlant « Youtube + Desproges + Gojira » et sentimentalité pissant froidement ses « guitares puissantes mais fluides aussi ». Mon Von, mon Yaourt, mon Von Yaourt, le dernier Krallice, incohérent ? Peut-être t’es-tu laissé fourvoyer par ton imaginaire proche d’un élève en lycée agricole ainsi que le contre-pied pris à Dysrhythmia (side project de Colin Marston) sortant cette même année un
Test Of Submission moins alambiqué que ses ainés, toujours est-il que les Ricains renouent avec la multiplication des péripéties qui faisait l’intérêt de leur album-titre et
Dimensional Bleedthrough. Pour quelqu’un regrettant la (relative) accessibilité de
Diotima, ces pains-ci sont bénis et l’incompréhension des premières écoutes, traditionnelle chez la formation, se retrouve avec plaisir ! En effet, bien que le quatrième album des (post) blackeux repose toujours sur une conceptualisation débridée (peu de titres seront cités, la tracklist fait comprendre pourquoi !), il s’agit bien d’un retour à une musique déclic autant portée sur le challenge pour l’auditeur et l’artiste (il suffit de voir la durée de l’ensemble dépassant l’heure dont un dernier morceau n’accordant aucun répit avec seize minutes au total !) qu’une ambiance formée par accumulation, le tout pouvant aussi bien s’aborder pour ses riffs que ses atmosphères.
Et niveau mélodies, il y a que de quoi faire ici ! On peut légitimement accuser Krallice de n’évoluer au fil de ses créations que par touches, celles-ci sont suffisantes pour départager chaque essai : tout en reprenant les bases de
Diotima (large place accordée au chant guttural de Nicholas McMaster ; passages catchy se nichant au sein de compositions éclatées),
Years Past Matter adopte une approche plus urgente dans ses progressions préférant élever chaque partie à leur summum puis rebondir que répondre aux envies de structure des ayatollahs de la technique comme pop pour pseudo-élite. Une gigantesque free party aux règles dictées par des musiciens assumant pleinement leur objectif de proposer la musique la plus excessive qui soit entre rugosité punk de l’exécution (à peine un an sépare ce disque de son prédécesseur, autant dire qu’ils ne se sont pas éternisés et que ça s’entend !) et générosité dans les sons (où la frontière que côtoyait Krallice avec le post-rock et le shoegaze est désormais franchie, cf. un quatrième morceau au début aérien) dont les thèmes qu’ils constituent forment un mash-up extrémiste donnant l’impression d’écouter plusieurs albums en un. De quoi nous mettre avec ou sans sac, avec ou sans amende, les moments laissant les bras perpendiculaires au sol et les yeux en billes étant légion.
Years Past Matter est simplement l’œuvre la plus impressionnante de Krallice, preuve est faite par un deuxième titre aux élévations abruptes répétées ou encore une dernière course parfaite où les extases rencontrées convergent en une dans ce qui est le plus bel aboutissement de ce que vise la formation depuis ses débuts : le chaos comme nouvelle harmonie – but qu’elle partage avec Liturgy et dont elle ressort vainqueur malgré les qualités d’
Aesthethica.
Clairement, Krallice n’est plus ici : il est ailleurs, dans un rêve d’espace qu’il joue pour lui, sans la retenue qui pouvait se regretter chez Blut Aus Nord et son
Memoria Vetusta II, un rêve où l’on voit les atomes se mêler et s’entremêler dans la paix suspendue des évolutions, l’insatiable vitesse de création porter l’éternité du processus et la force manier de fulgurances tranquilles les masses en apesanteur (le troisième morceau et son mid-tempo victorieux ou les longues trêves parsemées où la batterie se met en sourdine par exemple). Logique alors que ce que la pochette contient de laideur soit vite remplacé par l’impression d’avoir la version NASA d’Isis et son Google Earth de
Panopticon, cet album qui fait pardonner ses moindres défauts formels par le sentiment de perfection qu’il transmet (défauts que possède également
Years Past Matter : je continue de penser que la plus grande place accordée à Nicholas McMaster se fait au détriment des cris de Mick Barr plus adaptés aux guitares par leur côté râpeux). En quittant définitivement la terre, les Ricains ont atteint un milieu en accord avec leurs aspirations hautes visant le dépassement de soi dans la composition et l’émotion.
Chris Bruni, créateur du label Profound Lore, doit se mordre les doigts de ne pas avoir pu réunir les fonds nécessaires à la commercialisation de
Years Past Matter (première autoproduction de Krallice) : il est le « meilleur album d’un des meilleurs groupes en activité ». Voilà pour la phrase à mettre en sticker sur les digipacks afin d’inviter vivement à écouter ce disque (
Allez-y ! Cliquez !). J’ajoute que critiquer ce dernier revient à être d’accord avec Von Yaourt. Et ça, croyez-moi, vous ne le voulez pas.
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