Aujourd’hui, alors que Krallice est allé encore plus loin dans son déballage technique au point de (me) laisser sur le carreau, qu’il a effectué des sorties de route incompréhensibles ou délicieuses –
Demonic Wealth, ce qu’a créé de mieux la bande depuis un moment –, que reste-t-il de
Dimensional Bleedthrough ? Un souffle.
Voilà la chose qui, après des années à l’avoir laissé au placard, craignant de le voir devenir daté dans son extravagance, choque quand il se réécoute. Oui, Krallice aura été jusqu’au bout de son black metal technique et ambiancé avec
Years Past Matter, aura déconstruit son style par la suite, aura apporté des allitérations et des répétitions, comme lorsque l’on se trouve au bout d’une voie sans issue obligeant à tourner en rond ou prendre des bifurcations. Ce deuxième longue-durée conserve néanmoins pour lui un dynamisme unique, porteur d’une atmosphère continuant de faire de lui une splendeur à part entière.
Une atmosphère que l’on pourra qualifier d’aride – ce son sec et strident labourant les oreilles de ses grains de sable –, de mystique – ascèse, danse-transe, cercles et cycles mélodiques –, mais qui finit par évoquer le mouvement-même malgré des motifs toujours aussi prenants. Le morceau-titre et ses élévations continues, l’âpreté de l’expéditive « The Mountain », l’entêtement de « Aridity », le final assourdissant de pureté de « Intraum »…
Dimensional Bleedthrough conserve cela, toujours avec la force qu’il avait lors de sa découverte, la magie de ces instants pris à l’arrachée, fous d’entrelacements, une harmonie qui se cherche puis explose quand elle se trouve continuant d’être un plaisir particulier chez les Ricains.
Mais il y a ce souffle qui obsède, laboure, emporte, fait se positionner en contre. Alizé léger durant la plage instrumentale, bourrasques de nombreuses fois, mélodies prenant des formes de spirales, points-virgules, clefs de sol et mises au sol, le tout donnant l’impression de lutter ou de se laisser emporter par l’énergie fluctuante de ces riffs allant toujours, toujours allant, cette batterie régulière, ces voix qui prennent corps – du vent qui se condense, dirait Alain Damasio –, telle une marche en avant donnant à vivre, presque physiquement, une érosion de soi dans le Grand Tout.
L’esprit se trouve étrangement libéré par tout cela, ne cherchant plus à tout comprendre et retenir de cette musique qui peut laisser croire qu’elle doit être scrupuleusement considérée pour s’apprécier. Il y a dans cet exercice de création aérienne qui devient flux comme un sentiment d’abandon à laisser virevolter les notes et son esprit, constamment accroché aux compositions de Krallice. Oubli des mots – ces sons qui se solidifient –, oubli des phrases – ces bâtiments de la respiration –, oubli de la pensée – cette prison intérieure de nos mouvements d’âme.
Bien sûr, cela ne se passera pas toujours comme on le souhaite. Bien sûr, cela demande d’être dans certaines dispositions pour accepter telle fuite sans sens, telle avancée qui délaisse sur sa route ce que l’on voudrait contempler plus longuement. Les conditions requises,
Dimensional Bleedthrough laissera émerveillé. Encore faut-il accepter qu’il ne désigne rien, exceptée la vitalité première, celle qui fait et défait, rendant ce disque toujours aussi précieux. Encore faut-il accepter qu’il existe une beauté dans le geste.
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