On pourrait être cynique. Dire que Krallice, après la petite révolution qu’a été
Demonic Wealth, s’est empressé d’épuiser ce filon ambiant nouvellement découvert, de renouer avec les travers qui ont créé une rupture temporaire entre lui et nous, à savoir cette impression d’écouter parfois plus un créateur de contenus qu’un groupe, veillant toujours à avoir du neuf à proposer en quasi-file active. Bienvenue sur Krallice Prime, abonnez-vous et recevez nos meilleures séries produites à la chaîne tous les six mois.
On pourrait le comprendre,
Psychagogue venant peu de temps après le prenant bien qu’inabouti
Crystalline Exhaustion et possédant, d’une certaine manière, les même défauts. Nouvelle saison produite rapidement, quelques moments forts, quelques teasing de la suite (la fin émotionnelle de « Reprisal of Destiny », aussi enivrante que frustrante), toujours ce savoir-faire inattaquable mais quoi ? Je paye pour du streaming avec Krallice maintenant ? Kralliceflix, Krallice + ? The Book of Psychagogue, spin off de The Demonic Wealth incompréhensible pour qui n’a pas suivi les évènements de Crystalline Exhaustion and the Multiverse of Madness ?
Et pourtant, ce n’est pas avec ce nouvel album que l’on prendra encore – même si l’on y pense – cette position écœurée. Certes, la bande gagnerait clairement à prendre de la hauteur, revoir sa copie, quitte à abandonner certaines idées aussi bonnes qu’étranges – tel ce premier morceau un brin en dehors de l’atmosphère vaporeuse développée par la suite – mais… Hé bien, nous voilà de nouveau enchanté par cette magie retrouvée depuis quelques albums. Fi du mépris, de cet air intelligent de rock critic à qui on ne la fait pas :
Psychagogue emmène avec lui, a l’humilité de ne pas s’éterniser et la générosité d’aller à fond à chaque morceau, non pas en commercial sachant contenter avec peu – on n’est pas chez Stranger Things, même si des choses étranges se passent avec ces claviers glauques et stellaires guidant « Arrokoth Trireme » – mais comme un enfant fier de son nouveau jouet, racontant milles histoires à soi et aux autres, trop emporté pour s’inquiéter d’ennuyer.
Franchement, c’est plutôt beau à entendre, particulièrement durant « Deliberate Fog » et son enveloppant givre en filiation directe avec l’émerveillement transmis par le morceau-titre de
Crystalline Exhaustion. Alors, c’est sûr, il y a toujours cette envie de voir les choses s’emboîter parfaitement, d’entendre Krallice refaire son
Years Past Matter, cette œuvre où, presque accidentellement, tout fonctionne et emmène. On pense même toucher cette perfection du doigt ici, tant le format resserré permet de plonger plus facilement dans ces trente-huit minutes – mais sans la prendre à pleines mains, abasourdi par ce talent que l’on finit par trouver toujours un peu trop éparpillé. Pour autant,
Psychagogue n’est pas un album de plus de la part de ces hyperactifs. Plutôt la continuation d’un geste poétique, beau en lui-même, coupé avant sa fin car les fins, c’est toujours triste, après y a la vie quotidienne et la pile de factures.
Krallice, lui, ne semble pas prêt de terminer de jouer. Et, pour le moment, tant mieux.
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