« Bordel organisé » a toujours été une expression allant bien à Krallice mais là, les New-yorkais ont poussé le niveau d'un cran : en effet, quiconque abordera ce nouvel EP sorti à l'aube de 2016 sans tambours ni trompettes (une démarche anti-commerciale que les Ricains avaient déjà utilisée pour
Ygg Huur) pourra penser qu'il marque un désaveu de la direction prise par l'album de 2015, abrasif, furieux, à la limite de la scène noise rock/hardcore. Mélodieux, fluide,
Hyperion décontenance... jusqu'à ce qu'on apprenne qu'il a été composé et enregistré en 2013, soit peu de temps après le spatial
Years Past Matter. Un vestige des anciennes lubies de la bande à Colin Marston donc, dont les rumeurs disant que ces trois titres étaient à la base prévus pour un split avorté avec Ekstasis (projet de Vindsval, réputé pour être la tête-pensante de Blut Aus Nord) expliquent l'arrivée tardive de ces vingt-quatre minutes pas si nouvelles.
Un contexte qui a son importance, cet EP marqué par l’œuvre de Dan Simmons trouvant sa logique placé à l'époque de sa composition. Se situant clairement dans le giron de ce que Krallice a fait de plus abordable (la tentation est grande de remplacer le libellé fourre-tout « post black » par « black metal progressif et atmosphérique »),
Hyperion se place comme épilogue de
Years Past Matter, tant il s'inscrit dans le même genre d'ambiances rêveuses et galactiques. Dès le morceau-titre, les instruments affichent une pureté mélodique fourmillant de notes toutes plus harmonieuses les unes que les autres. Toujours aussi intense, la troupe dévoile sur ce premier morceau sa maîtrise des riffs se construisant au fur et à mesure, alambiqués dès le départ et pourtant accrocheurs comme une histoire complexe et épique de science-fiction. Une personnification musicale d'un classique de la littérature parfaite en tout point, cette ouverture rejoignant le rang des nombreuses créations du groupe pouvant prétendre au statut de « meilleur morceau ». Une beauté faite de hurlements pris d'une rage d'aventures, une basse ronflante volant au-dessus de planètes inconnues, des guitares qu'on croirait voir dessiner des vaisseaux issus d'une pochette de livre signée Chris Foss... Impossible de ne pas succomber !
Après un tel monument, la suite ne parvient à épater que par à-coups, glorieuse en elle-même, classique à l'échelle de Krallice. Certes, il y a quelques grands moments ici, comme ce passage astral au centre de « The Guilt of Time » ou ces élans presque médiévaux qui s'invitent sur « Assuming Memory », mais après des œuvres aussi gourmandes que
Years Past Matter et
Dimensional Bleedthrough, on peut s'autoriser à être plus critique que de coutume. Et si
Hyperion est constamment prenant, sa petite durée (frustrante, le tout faisant espérer un album complet sur le même thème) donne l'impression de voir un court-métrage au budget pharaonique faisant de l'univers son Atlantide mais s'arrêtant net sans raison autre que son format. Une décision qui peut une nouvelle fois trouver ses raisons dans l'idée que cette trilogie était au départ prévue pour avoir une deuxième partie d'un autre artiste.
Qu'on ne s'y trompe pas : cela fait quelques temps que Krallice paraît avoir rencontré sa muse à lui, se permettant tout sans jamais donner le sentiment de faire n'importe quoi. Il s'agit donc d'aborder une réalisation d'une formation se situant à son sommet, et non une déboulant de nulle part (si c'est le cas pour vous, vous pouvez ajouter un demi-point supplémentaire à la note en haut de cette chronique). Un EP qui ravira les déçus de
Ygg Huur mais aura tout de même un goût amer pour eux, les récentes interviews des Ricains montrant qu'ils ont tiré un trait quasi-définitif sur la face mélodique de leur musique. Raison de plus de profiter de cette sortie !
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