Certains groupes ont le feu aux fesses, même pas le temps de dire « ouf » que les voilà avec déjà quarante nouveaux morceaux sous les bras... À l’inverse, d’autres sont plutôt du genre à prendre tout leur temps quitte à se faire doucement mais sûrement oublier au point qu’il faille aller vérifier sur Metal Archives si la formation en question est oui ou non toujours en activité. C’est justement dans cette dernière catégorie que l’on peut trouver Autophagy, groupe originaire de Portland dont nous n’avions plus vraiment de nouvelles depuis la sortie de sa première démo (
Demo) en juillet 2018.
Alors, quoi de neuf depuis tout ce temps ? Eh bien pas mal de changements à l’horizon puisque les trois quarts du line-up ont été remerciés il y a peu... Exit ainsi Andy Swarthout (chant), Kevin Miller (guitare) et Cole Barrington (batterie) tous les trois remplacés par un Adam Wheeler qui troque ici sa basse pour tenir désormais le poste de guitariste/chanteur, un certain Eric que personne sur Metal Archives ne semble avoir déjà croisé et qui pour l’occasion se charge ici de la basse et enfin Jesse Shreibman qui derrière ses fûts va en coller quelques unes de plus que chez Bell Witch où il office également au même poste... Des va-et-vient qui forcément ne rassurent pas quant à la qualité de ce premier album (ni sur la longévité de la formation) mais qui ne semblent pas avoir inquiété outre mesure le label indonésien Pulverised Records puisque c’est là qu’à récemment trouvé refuge Autophagy.
Premier point plutôt engageant, l’artwork lumineux signé Marcio Menezes aka Marcio Blasphemator (Apokalyptic Raids, Hellripper, Saccage, Sarcator, Whipstriker...) qui sans être d’une grande originalité offre malgré quelques similitudes avec le travail d’un artiste comme Adam Burke une vision quelque peu différente de ce que l’on a l’habitude de voir (et d’apprécier) chez ses confrères ayant pignons sur rue (je pense notamment à Dan Seagrave, Eliran Kantor, Paolo Girardi, Wes Benscoter, Juanjo Castellano Rosado et tant d’autres). À titre personnel, je ne sais pas si c’est cette utilisation de couleurs chaudes, ce trait légèrement abstrait ou bien les deux mais je trouve cette illustration particulièrement réussie et "rassurante"... Quoi qu’il en soit voilà une oeuvre qui ne va en aucun cas servir de cache-misère puisque
Bacteriophage n’est pas une excellente surprise mais la confirmation de tout le bien que l’on pensait déjà d’Autophagy après cette première démo particulièrement convaincante. Ces mouvements de line-up aussi inquiétants soient-ils n’ont donc eu aucune espèce d’incidence sur la qualité de ce premier longue-durée par le biais duquel le groupe affirme que quoi qu’il ait pu lui arriver, il reste l’un des meilleurs rejetons de la scène américaine de ces dernières années.
Si Charlie Koryn a une fois de plus été sollicité par le groupe pour son expertise en matière de production, les Américains ont également embauché pour l’occasion Billy Anderson (Amenra, Brutal Truth, Eyehategod, Melvins, Neurosis, Sleep...) à qui l’ont doit en plus le mixage de
Bacteriophage. Les deux garçons, soucieux de ne pas voir le groupe s’enfoncer trop loin dans l’hommage éhonté, ont fait ici le choix d’une production moins stéréotypée (exit les forts relents de HM-2 / Sunlight Studios) au profit d’une approche peut-être plus consensuelle mais qui cependant ne trahit en rien le propos des Américains. Conservant effectivement puissance et abrasivité tout en se montrant naturelle et parfaitement équilibrée, celle-ci s’attache à respecter une certaine tradition tout en offrant ce qu’il faut de corps et de coffre pour assurer en toutes circonstances face à une concurrence impitoyable.
Alors non, malgré ces nombreux changements de personnels, Autophagy ne s’est pas spécialement réinventé et va se contenter de reprendre les choses là où il les avait laissé quatre ans auparavant allant même jusqu’à inclure au tracklisting un titre de sa première démo ("Beneath The Moss, Between The Roots"). Aussi, passé ce "Infernal Miasma" qui sert ici de courte introduction, on va très vite retrouvé un groupe a priori pressé de se rappeler à nos bons souvenirs. Sans être d’une vélocité folle, le Death Metal des Américains est cependant marqué par une excellente dynamique que l’on doit en grande partie à tout un tas de passages menés à bride abattue lors desquelles aux blasts appuyés ("Abhorrent Abomination" à 1:56, les premiers instants de "Sacrificial Spawn", "Eviscerated Remains" à 1:18, "Return To Charnal Hall" à 1:27...) se succèdent bien souvent quelques séquences trahissantes à base de tchouka-tchouka ("Abhorrent Abomination" à 0:48, "Sacrificial Spawn" à 3:06, "Beneath The Moss, Between The Roots" à 1:26, l’entame de "Return To Charnal Hall"). À ces moments qui constituent ainsi l’essentiel de
Bacteriophage viennent s’opposer d’autres instants plus en retenu lors desquels les Américains font preuve bien souvent (mais pas que puisqu’on trouve ici ou là des passages bien lourdingues) d’un sens du groove particulièrement affûté, en tout cas suffisamment pour amener à leur formule ce petit truc en plus qui fait toute la différence. De "Abhorrent Abomination" à 0:37 à "Sacrificial Spawn" à 0:38 en passant par "Beneath The Moss, Between The Roots" à 1:54 ou "Eviscerated Remains" à 1:43, il devrait vous être difficile de rester de marbre face à ces instants aussi catchy qu’irrésistibles. Naturellement, toutes ces accélérations et ce groove fiévreux ne seraient rien sans un riffing aux petits oignons. Là encore, sans jamais rien révolutionner, Autophagy prouve qu’il possède ce sens de la formulation capable de mettre tout le monde d’accord. Car si effectivement on s’entendra sur le fait qu’il n’y a strictement rien de neuf ni d’original dans ce que nous propose ici Autophagy, on ne pourra pas non plus nier le caractère hautement efficace et addictif de ces quelques compositions savamment orchestrées et interprétées.
Bref, vous l’aurez compris, Autophagy nous revient en cette fin d’année 2022 avec sous le coude un premier album bien dans l’ère du temps, mêlant des influences héritées autant de la scène suédoise que de la scène américaine du début des années 90 (Entombed et Incantation en tête) avec en sus ce groove vicieux et putride que l’on peut retrouver chez pas mal de ses contemporains (Cerebral Rot, Fetid, Phobophilic, Undeath, Vastum et j’en passe...). Pour autant, les Américains se sont débarrassés de certains oripeaux peut-être un peu trop réducteurs. Aussi, en choisissant une production moins marquée (en tout cas pour qui connait ses classiques), le groupe semble vouloir aller de l’avant. Certes,
Bacteriophage n’a pas d’autres prétentions que celle de nous offrir un Death Metal exécuté dans les règles de l’art mais comme il n’y a de toute façon rien d’autre à lui reprocher que son manque d’originalité (si tant est que cela soit un défaut), on préfèrera largement célébrer ensemble la qualité de ses compositions confirmée par ce simple gout de reviens-y...
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