C’est bête mais j’ai toujours trouvé que le français ne convenait pas vraiment aux musiques extrêmes. Bercé depuis l’âge de mes dix ans à la musique de groupes anglophones, l’habitude y est évidemment pour beaucoup même si la langue de Molière n’a absolument rien à envier à celle de Shakespeare d’ailleurs bien moins complexe et variée. Pour autant, je ne sais pas, j’ai souvent le sentiment que cela tend à renforcer le caractère parfois ridicule, excessif et même un brin pompeux de certains titres... De son côté, comme bon nombre de groupes québécois fiers de leurs particularités (qu’ils ont, malgré ce que je pense, tout à fait raison d’entretenir), Sedimentum a toujours fait le choix de titres en français. Dans un environnement aussi saturé et balisé que peut l’être la scène Death Metal, ce parti-pris a rapidement été pour la formation un moyen de se démarquer et au passage de cultiver une part de son identité.
Derrière Les Portes d'Une Arcane Transcendante est donc le titre du nouvel EP des Canadiens. Une sortie articulée autour de trois nouvelles compositions parues une fois de plus sous les couleurs de Dark Descent Records (CD) et Me Saco Un Ojo Records (vinyle). Celui-ci marque également l’arrivée officielle d’Alexis Goulet-Bouchard à la seconde guitare en lieu et place d’Ulysse Nadeau-Paré (Outre-Tombe, ex-Saccage...) ainsi que l’utilisation d’un nouveau logo signé des mains de l’Islandais Þorvaldur Guðni Sævarsson plus connu sous le pseudonyme de Skaðvaldur (Coffin Rot, Cryptwrom, Evoker, Graveater, Ripped To Shreds, Vafurlogi...). Un EP dont l’illustration particulièrement sympathique me rappelle les travaux du regretté Martin Lacroix, notamment cette oeuvre réalisée pour l’unique album de Spasme, groupe canadien au sein duquel il a momentanément officié à la fin des années 90 et au début des années 2000.
Comme cela a été précisé à l’annonce de la sortie de ce nouvel EP,
Derrière Les Portes d'Une Arcane Transcendante est l’occasion pour Sedimentum non pas d’orienter sa musique vers des sonorités plus Doom (celles-ci n’ont en effet jamais manqué d’être présentes sur tous les précédents enregistrements de la formation canadienne) mais tout simplement de leur laisser davantage de place là où celles-ci étaient utilisées jusque-là seulement par bribes. Une approche un brin différente confirmée par des durées sensiblement plus étirées puisque ces trois nouvelles compositions oscillent effectivement entre six et sept minutes chacune. Des passages toujours aussi lourds et rampants mais qui dorénavant occupent davantage d’espace (les premiers instants de "Vilénie", "Le Labyrinthe Sempiternel" de 0:14 à 2:21 puis de 4:34 jusqu’à cette conclusion à 6:30, "Inhumation Céleste (Au Carillon Mordoré)" de 1:57 à 2:46) et d’autres aux ambiances beaucoup plus énigmatiques, lointaines et nébuleuses à l’image de ces trois dernières minutes sur le très bon "Inhumation Céleste (Au Carillon Mordoré)".
Si ce parti-pris pourrait en effrayer voir en refroidir quelques-uns, sachez tout de même que Sedimentum a su conserver un certain équilibre à travers chacune de ces trois nouvelles compositions. Comment ? Eh bien en y amenant de manière habile et naturelle des séquences tantôt plus agressives et brutales ("Vilénie" à 3:41, "Le Labyrinthe Sempiternel" à 0:11, 2:21, 3:12 et 4:09, l’entame plutôt soutenue d’"Inhumation Céleste (Au Carillon Mordoré)" puis plus loin à partir de 6:42 pour une conclusion bien corsée) tantôt plus chaloupées ("Vilénie" à 3:16 et surtout 4:19 et 6:07, "Le Labyrinthe Sempiternel" à 2:47, 3:38 et 4:58, "Inhumation Céleste (Au Carillon Mordoré)" à 0:27, 1:05 et 2:46). Comme toujours, cela permet d’apporter ce qu’il faut de relief et de nuances à une formule qui sans cela se serait très probablement révélée un brin répétitive et limitée. Un travail de tonalité également entretenu par la présence de leads et de solos mélodiques participant naturellement à ces atmosphères faisandées qui font le sel du Death Metal écrasant de Sedimentum. En effet, que ce soient ces leads et notes faméliques et un brin tordus évoquant notamment ceux d’Abhorrence et Cerebral Rot ("Vilénie" à 1:41, "Inhumation Céleste (Au Carillon Mordoré)" à 1:45 et 4:05) ou bien encore ces quelques courts solos ("Vilénie" à 6:32, "Le Labyrinthe Sempiternel" à 4:34, "Inhumation Céleste (Au Carillon Mordoré)" à 3:01), ces derniers participent à entretenir un semblant de variété tout au long de ces vingt-et-une minutes tout comme d’ailleurs ces quelques lignes de chant plus arrachées et moins profondes qui vont venir contraster brièvement avec ce growl abyssal qui nous lèche les tympans le plus clair du temps.
Deux ans après l’excellent
Suppuration Morphogénésiaque, Sedimentum vient donc se rappeler à nos bons souvenirs en prenant soin d’être là où on ne l’attendait pas nécessairement. Certes, il n’y a strictement rien de révolutionnaire dans ce mélange de Death Metal et de Doom funéraire mais les Canadiens ont le mérite de changer un petit peu la donne sans véritablement bouleverser ce qui fait la particularité de leur musique et de leur identité. Peut-être que cela ne plaira pas à certains qui reprocheront aux Canadiens de laisser dorénavant trop de place à ces séquences plombées, pour ma part, je continue d’adhérer avec enthousiasme à la formule des Québécois qui se faisant en profitent pour se renouveler un petit peu.
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