Dipygus - Dipygus

Si j’ai mis plus d’un an pour m’y coller, le retour des Américains de Dipygus n’aura quant à lui pas trainé puisque quelques mois seulement après la sortie de Wet Market, chouette EP visant à nous faire patienter le temps de revenir les bras un petit peu plus chargés, le groupe installé du côté de Santa Cruz en Californie sortait en janvier 2024 son troisième album. Un disque éponyme paru une fois de plus sur le label espagnol Memento Mori.
Fidèle à ses thématiques exotiques sur fond de créatures mystérieuses qui existeraient ou auraient existé mais que personne n’a jamais vraiment vu (ces fameuses cryptides), Dipygus a cette fois-ci fait appel aux service d’Hayden Hall aka Sick Slice (Dead Heat, Old Skin, Suffer No Fouls, The Death Wheelers...) afin de réaliser cette sympathique illustration pleine de sympathiques créatures prêtes à vous accueillir les bras ouverts avant de vous passer à la marmite voir vous manger tout cru... Une illustration colorée habilement rehaussée par ce nouveau logo une fois de plus illisible à moins de savoir évidemment où vous mettez les pieds.

Probablement très satisfait de ses précédentes collaborations avec les personnes qui vont suivre, Dipygus a une fois encore sollicité les expertises de messieurs Matt Harvey, Alejandro Corredor, Greg Wilkinson et Dan Randall afin de prendre en charge respectivement l’enregistrement, l’enregistrement, le mixage et le mastering de ce troisième album. Un choix sûr et efficace qui place ce dernier méfait en date comme le digne successeur du très bon Bushmeat, au moins en matière de production...

Album le plus long mais aussi le plus généreux de la discographie des Américains qui mine de rien commence petit à petit à sérieusement s’étoffer, ce troisième volet nous propose dix nouveaux morceaux parmi lesquels deux interludes instrumentaux ("Bug Sounds II (Megascolides Australis)" et "Rat Lung-Worm") ainsi qu’une conclusion à mi-chemin entre le reportage d’époque et le titre instrumental ("The Ochopee Skunk Ape"). Tous ces titres font monter l’addition à un petit peu plus de quarante minutes ce qui pour ce genre de Death Metal de babouins primitifs constitue tout de même une durée relativement conséquente. Mais n’ayez crainte, vous n’aurez probablement pas l’opportunité de trouver le temps long puisqu’à l’instar de Bushmeat et Wet Market avant lui, ce troisième album se révèle d’une efficacité indiscutable, offrant effectivement à l’amateur de Death Metal tout ce qu’il est en droit d’attendre d’un groupe dont les thèmes de prédilection tournent autour d’abominations de la nature ayant pour passe-temps principal l’anthropophagie.

Comme on pouvait s’y attendre, on va retrouver sur ce dernier album en date tout ce qui fait le charme des précédents enregistrements de la formation. Un savoureux mélange d’accélérations et autre bourre-pifs plus ou moins virulents (Dipygus passant comme ça lui chante de séquences thrashisantes simples et efficaces ("Perverse Termination (Bulb Of Force)" à 3:04, "AquaGenesis" à 2:52, "Monrovia, LR 1990" à 0:46 et 3:02, "Sacral Brain" à 7:28...) à d’autres un petit peu plus soutenues ("AquaGenesis" à 0:39, "Monrovia, LR 1990" à 1:12, "Vipers At The Pony Keg" à 2:20, les premiers instants de "Огромный Кальмар (Ross Sea Trawler)" puis plus loin à compter de 2;21)...) et de passages évidemment moins tendus qui sont alors l’occasion pour les Américains soit de plomber l’ambiance avec des moments effectivement plus lourds et menaçants (les premières secondes de "Perverse Termination (Bulb Of Force)", "Огромный Кальмар (Ross Sea Trawler)" à 0:54, le tout début de "The Dover Demon" puis ensuite à 0:34, "Sacral Brain" et ses sept premières minutes...) soit d’insuffler un peu de ce groove de babouin qui une fois de plus ne devrait avoir aucun mal à vous faire chalouper ("Perverse Termination (Bulb Of Force)" à 0:36, "AquaGenesis" à 2:29, "Monrovia, LR 1990" à 2:33, "The Dover Demon" à 1:43 et plus globalemet le groove de cette basse sonore et expressive à qui le mix a rendu pleinement justice). À cette formule tout ce qu’il y a de plus classique, Dipygus continue d’y apporter sa petite touche personnelle à l’aide par exemple de nappes synthétiques disséminées ici et là (et notamment sur les deux interludes évoqués plus haut mais pas que). Ce synthétiseur aux sonorités naturellement rétro va permettre ainsi de développer des atmosphères horrifiques évoquant la menace de ces effroyables et inquiétantes cryptides. Outre ce clavier délicieusement vintage, l’album est également parsemé de quelques samples qui semblent tout droit sortis d’obscurs documentaires relatant les témoignages invraisemblables de sources plus ou moins pas fiables sur ces créatures qu’ils auraient aperçus... Bref, Dipygus a toujours parfaitement entretenu son univers (il n’y a qu’à voir ces illustrations qui ornent ses différentes sorties ou ces nombreux collages qu’on trouve à l’intérieur des différents livrets) et c’est clairement un petit plus non négligeable au sein d’une scène réputée pour son flagrant manque d’originalité.

S’il est vain d’espérer que tous ces groupes se réinventent à chaque nouvel album, il est néanmoins raisonnable d’attendre que chaque nouvelle livraison soit au moins aussi efficace et redoutable que la précédente. Pour le coup, si Dipygus ne fait preuve d’aucune originalité (même si "Sacral Brain " et ses onze minutes, ces nappes de synthétiseur ou bien certaines constructions plus tarabiscotées ou en tout cas moins scolaires attestent tout de même d’un désir de nouveauté et d’originalité), ce troisième album reste fidèle au niveau de qualité offert par les Américains depuis maintenant plus de dix ans. Comme toujours, pas de révolution à l’horizon mais ce troisième longue-durée s’impose sans aucune difficulté comme un album de Death Metal à la fois sincère et passionné qui a le mérite de nous faire passer un très bon moment tout au long de ces quarante minutes. Ce n’est peut-être pas grand-chose mais à titre personnel cela me convient très bien.

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