Chronique
Drudkh Shadow Play
Tu sais combien j’aime Drudkh. Tu sais aussi combien leurs premiers albums sont autant de pierres angulaires d’un BM nostalgique, porté par des ambiances automnales sublimes, quasi indétrônables. Mais comme tu me lis parfois, tu sais aussi que je peux être déception, que c’est même mon état constant quand je parle de metal depuis près d’une décennie tant les pépites deviennent rares, dans tous les styles, qui me pousse d’ailleurs à aller aborder bien d’autres rivages musicaux depuis plus de 10 ans. Cette lassitude vient souvent du fait qu’il est bien difficile d’être après avoir été et que même le grand Drudkh a connu ce creux. Microcosmos, Handful of Stars, Eternal turn of the wheel ne m’avaient pas ravi. La période 2009-2017 m’avait même, pour ainsi dire, laisser à penser que le groupe s’autoparodiait, s’enlisant dans un lac de merde sans fond. They Often See Dreams About The Spring et All Belong to the Night ont changé la donne. L’espoir renaissait via un retour aux ambiances mystiques, à une reconnexion à l’aura magique des débuts. Shadow Play s’inscrit nettement dans cette veine et c’est heureux.
Du son typique aux ambiances habitées, des structures prog’ à l’emphase majestueuse, tout renvoie à Autumn Aurora et Forgotten Legends. Les premiers accords de Scattering the Ashes te replonge très exactement dans les mêmes atmosphères sépia, s’inscrivant dans le même chemin mystique qu’autrefois emprunté par le combo ukrainien. L’emphase est toujours la règle, les accords étirés également, qui tranchent avec des structures musicales aériennes magnifiques. C’est délicat et hypnotique, poétique et violent à la fois. Entièrement instrumental, bourré de samples de bruits issus de la forêt, proche de l’intro d’Autumn Aurora, ce premier titre sert d’entrée de choix à la première pièce maitresse de l’album, April, et ses plus de 11 minutes. April démarre sur un rythme enlevé, bourré d’emphase, dopé par un son très ample sur lequel cavalent une rythmique martiale et la voix toujours hantée de Thurios. Les claviers sont aussi de la partie, discrets mais omniprésents, portant la structure et figurant sa cavalcade (sur The Eve aussi). La magie opère de suite : le titre est dense, ultra riche, très chargé en informations et pourtant ultra digeste ; tout s’entend, de la basse ronde au martèlement des futs, de la voix brute aux claviers majestueux. C’est un mur qui se dresse, une cascade au fond d’un cirque de verdure dont le son remplit l’espace. Les cassures et les relances s’enchainent à la perfection. L’auditeur est littéralement porté, balloté au gré d’un torrent tumultueux, des étoiles plein les yeux. April est sans doute l’un des plus beaux titres de Drudkh depuis longtemps, non seulement par sa thématique musicale mais aussi et surtout par les choix adoptés par le combo de ralentir le rythme, de laisser – comme dans les premiers albums – les guitares s’étirer, les accords planer longtemps dans l’air et la structure s’alanguir autant que de besoin.
C’est d’ailleurs cette basse ronde qui sert d’enchainement avec la seconde pièce de choix (plus de 10 minutes), The Exile, qui reprend des codes identiques et offre de poursuivre le voyage. Sur un rythme plus frénétique, avec une rythmique plus agressive, la magie opère néanmoins grâce aux claviers qui sous-tendent toute la structure, offrant une touche prog’ et emphatique à des riffs plus nettement violents. Le contraste fait tout ressortir : l’aura mystique du morceau, la violence de la Nature et sa beauté, la crainte qu’elle inspire à l’Homme et le respect qui lui est dû. De nouveau, tout s’équilibre, pour accoucher d’un titre encore magnifique, drapé dans une violence évidente mais qui pousse en même temps à la contemplation (The Eve encore, axé sur un rythme très lent et particulièrement contemplatif, sans jamais perdre en dynamique). La marque de fabrique de Drudkh en somme.
Dans tous ces titres, les solis sont plutôt rares mais pas inexistants. On pourrait croire qu’ils cassent la dynamique. Il n’en est rien. Tout au contraire, même s’ils sont noyés dans la masse, ils enrichissent le morceau d’insertions fantaisistes qui apportent là une respiration (sur Fallen Blossom, où le titre est très violent, très dense, la rythmique ultra rapide, les riffs aériens coupent net avant de relancer la machine), là une direction inédite (la fin de Fallen Blossom, toute en digressions byzantines), là encore une arabesque qui vient ajouter à l’aura surnaturelle portée par l’atmosphère globale (sur The Exile).
L’album se termine par une dernière pièce de choix de plus de 12 minutes, The Thirst. Telle une synthèse, le morceau part sur un rythme effréné mais très ambiancé, la batterie dresse un mur de son alors que les guitares tricotent des accords bien plus complexes, le tout figurant une course au galop dans les grandes steppes de l’Est. Les cassures sont nombreuses, les ponts se succèdent offrant respirations et envolées lyriques majestueuses. De nouveau, c’est un morceau phare que nous offre Drudkh, qui résume toute sa science de la composition, toute sa connaissance de l’Equilibre. Ultra riche, le moreau n’en reste pas moins accessible et immersif.
Tu l’auras compris, j’ai adoré ce nouveau Drudkh. Pour ma part, il se classe tout en haut, avec les premières légendes du combo. Une plongée dans les sources, au cœur de leur savoir-faire le plus profond.
| | Raziel 19 Juillet 2025 - 1464 lectures |
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