Sur un plan purement historique, ce seul et unique album de
MANHOLE ne joue qu’un rôle mineur, même au sein de la scène
néo metal à laquelle il s’affilie plus ou moins. Cependant, au moins deux arguments militent en faveur d’une écoute d’«
All is not Well » : d’abord le grand
Ross Robinson est aux manettes, ensuite la forte personnalité de la chanteuse
Tairrie B, surtout connue par la suite sous le pseudonyme de son groupe
Tura Sutana dont une chanson figurera sur la bande originale du film « 8 millimètres » (tu ne l’as pas vu ?). Elle possède une aura que l’on pourrait comparer à celle de
Lydia Lunch (conseil de lecture : « Paradoxia: A Predator’s Diary »), que ce soit en termes de démarche artistique, intellectuelle, ou tout simplement concernant une forme de militantisme féministe (« My Pussy, My Choice » en ouverture du titre « Put Your Head Out »), grande gueule et décomplexée. Quand tu connais le parcours de ce genre de nanas, il est naturel d’avoir du mal à conserver son sérieux devant les discours de nos Sandrine Rousseau, Marlène Schiappa, Rosa Bursztein… Elles ne sont pas les
BIKINI KILL c’est sûr, mais je vais éviter d’aller sur ce genre de terrain piégeux. Je sais qu’à cause de moi tu as été regardé des sketchs de Rosa, tu m’en veux à mort, c’est normal, je l’accepte.
Je le disais plus haut, le LP ne relève pas totalement du
néo. D’ailleurs, les connaisseurs de ce genre pourraient ne pas accrocher pour un rond aux treize compositions. En effet, si l’on va retrouver ici certains tics inhérents au genre (l’abrasivité des guitares, des notes faméliques enchaînées avec de gros riffs, la basse très en avant, des alternances de couplets susurrés puis de refrains hurlés, etc.), il reste que l’esprit global de l’œuvre relève plus d’une forme de
hardcore à la sauce
DOWNSET que de la cohorte de clones korniens qui émergent alors. Davantage oratrice, poétesse, que chanteuse, plutôt dans la déclamation du
spoken word que dans la ligne mélodique, finalement plus rappeuse que vocaliste traditionnelle, la
frontwoman harangue, invective son auditoire avec le timbre d’une meuf qui a souvent dû gueuler pour se faire entendre, avec la conviction de quelqu’un qui n’a jamais craint de distribuer des mandales. Les anecdotes de la tournée avec
FEAR FACTORY sont d’ailleurs croquignoles… Ne me demandez pas de liens, je ne sais déjà plus où je les ai lues.
Au-delà de la fascination que pourrait susciter
Tairrie B sur la gent masculine ou féminine, il faudra tout de même apprécier le
rapcore pour pleinement savourer «
All is not Well ». Au fil des chansons, le sentiment dominant est que la musique se veut avant tout un exutoire, une façon de diffuser un discours qui ne rentrerait pas dans le cadre souvent trop restreint de l’écriture « rock ». Pour l’accompagner, quelques riffs simplistes, pourtant efficaces mais manquant parfois cruellement de puissance : nous avons connu l’ami
Robinson dans de meilleurs jours lorsqu’il s’agissait de faire sonner des guitares. Et si les insomniaques se souviennent peut-être de « Kiss or Kill », le tube de cet album en quelque sorte, il n’est finalement que peu représentatif du contenu réel. Beaucoup de phrasés, certes loin des ténors du genre mais largement moins pénible qu’un
RAGE AGAINST THE MACHINE dont le côté « slogan publicitaire » répété jusqu’à ce que lavage de cerveau s’en suive m’a toujours gonflé. À choisir, j’opterai toujours pour le premier
SENSER, «
Stacked Up » (1994), une vraie réussite en termes de fusion
rap metal.
Par conséquent, j’écoute
MANHOLE comme j’écoute
DAISY CHAINSAW puis
QUEEN ADREENA ou
BATTLE OF MICE : j’adore ces voix de femmes complètement possédées, cette attitude
trash bonifiant une musique qui, sans cela, ne serait guère enthousiasmante. Parce que les trois acolytes qui accompagnent la vocaliste, ils réalisent un boulot solide hein, là n’est pas la question : section basse – batterie efficace,
Scott Ueda rigoureux dans ses riffs. Néanmoins, le quatuor n’a pas le clinquant de cette vague
néo qui brille souvent comme un bordel mexicain mais qui, à force de miser la réussite sur le
look, a oublié qu’il fallait aussi jouer. Là, ça ne paye pas de mine : des tronches de repris de justice, de garagistes ou de chefs cuisto dans une
cantina de quartier, tu sais que commercialement ça sera compliqué dans une époque où le paraître, avec l’avènement des grosses chaînes, devenait primordial. Il reste la classe de la
leader, la sobriété esthétique de l’ensemble, fort mal mise en lumière par un
Robinson peut-être enrhumé, ainsi qu’une posture de
tough guy qui rend ce disque encore aujourd’hui fort savoureux.
Sans compter que l’air de rien ce LP contient de sacrés brûlots à l’esprit
punk évident : « Empty », « Put Your Head Out », « Clean », « Down », jamais au-dessus des quatre minutes mais avec une grosse charge émotionnelle qui rend finalement «
All is not Well » plus crédible qu’une grande partie de la scène de l’époque. Si tu as des
Pussy Riot dans ton entourage et que tu les trouves aculturées,
MANHOLE est également là pour ça.
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