Quitter Katatonia. Sans doute une décision des plus difficiles à prendre pour Fredrik Norrman, surtout après plus de 15 ans passés auprès du duo Renkse/Nyström et avoir participé à toutes les mutations d'un groupe qui n'a jamais fait comme les autres, du précurseur et désormais culte "Brave Murder Day" au mélancolique "Night Is The New Day". Il faut dire que depuis "Last Fair Deal Gone Down" (2001), la destinée des suédois a quelque peu basculé, les agendas se remplissant aussi vite que les salles et les albums se vendant toujours mieux années après années, devenant la petite poule aux oeufs d'or de Peaceville. Alors pourquoi s'en aller ? Pourquoi abandonner cette chance de pouvoir vivre de la musique ? Pour retrouver un semblant de liberté ? Possible car entre le rythme des tournées et la véritable mainmise des 2 membres fondateurs sur l'avenir artistique de Katatonia, il y a de quoi se sentir à l'étroit... Quoiqu'il en soit, les frères Norrman décidèrent de quitter le groupe en décembre 2009 pour des raisons personnelles sans annoncer ce qu'ils envisageaient pour leur futur. Pour sûr, ça ne changera absolument rien pour le groupe, contrairement aux amateurs de doom/death qui n'y perdront pas au change.
October Tide était un projet que je pensais enterré depuis longtemps, l'interview faite de Jonas Renkse lors du Hellfest 2008 (à lire si vous ne l'avez pas encore fait) enterrant définitivement tout espoir de nouvel album. Evidemment, vu l'ampleur qu'à pris Katatonia aujourd'hui, il serait impensable que Jonas puisse consacrer son temps à autre chose. Par contre, j'étais loin de penser que Fredrik aurait le culot de reprendre ce nom poussiéreux pour se relancer dans le circuit. Je ne vous cache pas la joie et l'impatience qui se sont emparées de moi lorsque j'ai appris la sortie imminente de "A Thin Shell" et l'écoute du premier extrait "Blackness Devours" ne fit que jeter de l'huile sur le feu. En cette sainte année 2010, c'est sous la forme d'un véritable groupe que nous revient October Tide (Fredrik s'étant entouré de 4 compères), avec un style un peu différent.
En effet, si vous attendiez de ce nouvel album qu'il soit dans la droite lignée de l'excellent
"Grey Dawn", vous serez sans doute déçu. Mais comment aurait-il pu en être autrement après plus de 10 ans d'inactivité et un line-up amputé d'une des têtes pensantes du projet d'origine ? Toutefois, "A Thin Shell" n'est pas pour autant une insulte au nom qu'il porte : il pourrait même représenter ce qu'aurait pu devenir October Tide si le projet ne s'était pas arrêté. Oubliez donc le dark metal à-la-Brave-Murder-Day, October Tide vient désormais titiller l'élite du doom/death européen avec un style plus conventionnel, plus efficace, plus accrocheur, appliquant une formule déjà bien rodée. On retrouve ici les éléments caractéristiques du genre : une base rythmique écrasante sur laquelle viennent s'ajouter les guitares mélodiques de Fredrik et le chant caverneux de Tobias, des tempos allant du moyen au très lent ainsi que quelques variations acoustiques de bon aloi. Le côté minimaliste et intimiste de
"Grey Dawn" a laissé place à des atmosphères plus chargées, plus chaotiques et à une musique globalement plus dense. Le groupe a tout de même conservé la rigueur de l'instrumentation basée uniquement sur le classique trio guitare-basse-batterie et certaines dissonances katatoniesques vous rappelleront sans doute les premières heures du fameux combo suédois.
Côté songwritting, le résultat se révèle très prometteur, surtout pour un *premier* album (c'est un peu ça). Si vous avez apprécié le premier extrait disponible "Blackness Devours", vous devriez être séduit par le reste des compositions dont la majorité possède une puissance émotionnelle comme peu de formations du genre savent le faire ("A Custodian Of Science", "Deplorable Request", "The Dividing Line"). Brut, sans fioriture, cet album est un monolithe de noirceur, pas aussi plombant que son aîné mais penchant plutôt vers le malsain. Malheureusement, et là se situe le principal défaut de cet album pour moi, "A Thin Shell" comporte quelques longueurs, des passages un peu répétitifs qui finissent par ennuyer là où ils faisaient mouche sur le précédent album : l'instrumentale "The Nighttime Project" en est le parfait exemple mais je citerai également la longue traversée atmosphérique de "Deplorable Request" vers 2'00" qui manque cruellement de génie. Malgré tout, ces 42 minutes passent comme 10, s'écoutent et se réécoutent sans aucune lassitude, laissant entrevoir un potentiel énorme dans cette surprenante reformation. Accompagnez "A Thin Shell" du dernier Mar de Grises et vous aurez largement de quoi déprimer en cette rentrée 2010.
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