My Dying Bride - The Ghost Of Orion
Chronique
My Dying Bride The Ghost Of Orion
Il est toujours très délicat pour un chroniqueur de s’attaquer à la discographie d’un groupe culte, pionnier qui plus est du style dont il fut et demeure l’un des principaux instigateurs. Aux côtés d’Anathema et de Paradise Lost – qui ont grandement muté depuis lors – My Dying Bride n’a, lui, quasiment jamais dévié de sa route. S’il a pu agrémenter sa musique, ça et là, de quelques expérimentations plus ou moins réussies (à partir de 34,788% en gros et jusqu’à For lies I sire), le combo britannique est resté fidèle à ses racines doom death, à ce style unique qu’il a su inventer et enrichir au gré de ses sorties.
Et de sorties, il y en a beaucoup. 14 albums longue durée, 8 compils, 6 EP, des demos, split, single en pagaille et 2 live. Le tout en près de 30 ans de carrière. J’avoue de suite, comme souvent, être de l’ancienne génération, de celle des vieux cons qui préféraient la musique d’avant, en somme celle qui court de As the Flowers Withers à Like Gods of the Sun. La suite ne m’a pas beaucoup ému, je dois le dire nettement, le fond ayant été touché avec un Evinta bien, bien triste. J’avais décroché depuis longtemps quand The Ghost of Orion est arrivé chez moi. Et je me suis décidé à m’y replonger, comme on retrouve une ancienne connaissance aimée, oubliée depuis des lustres.
Spécial, cet album doit être appréhendé, une fois n’est pas coutume, dans son contexte. Aaron Stainthorpe, le frontman historique, l’a interprété avec le bout de ses forces, usé qu’il fut durant quelques années par la maladie qui frappait alors sa fille. Grâce à Craghan, autre historique, l’album put finalement être composé et enregistré, le tout dans une ambiance de fin de groupe (départs de Calvin Robertshaw à la uitare et de Shaun Taylor Steels à la batterie) et de fin du monde. Dans ce contexte donc, c’est un retour à l’essentiel qui a été opéré, un retour à une époque où le doom death, très gothique, du combo écrivait ses lettres de noblesse. Pour mon plus grand bonheur. Mais pas totalement non plus, hélas.
Your Broken Shore ouvre sur des accords aux violons comme le faisait déjà, beaucoup, Like Gods of The Sun. La voix est lumineuse, aérienne, la batterie juste effleuré, le rythme délicat, l’entrée en matière alterne tous les critères qui ont fait la gloire du groupe, les cassures death, la mélodie, la tristesse palpable… L’accent est mis sur les soli, sur la recherche de cette progression ultra mélodique, couverte par une alternance des vocaux death mêlés aux vocaux clairs… comme à la grande époque. C’est une véritable plongée dans l’abîme qui nous est proposée ici. To Outlive the Gods et The Long Black Land partagent les mêmes atours. La structure est très aérée, très lisible, sans être simpliste. Au contraire, les accents prog’ me paraissent accentués, très saillants (Your Broken Shore également). Le calme, les montées funèbres sont l’option retenue et cela fonctionne à merveille. La mélancolie est tangible ; on pourrait presque la saisir (To Outlive the Gods par exemple, qui reprend quelques accords au violon, instrument qui sied parfaitement au combo ; Tired of Tears et The Long Black Land encore).
My Dying Bride se retrouve dans ce qu’il fait de mieux, sans pour autant se plagier. Si la douleur est sans cesse présente sur cet album, pour les raisons que l’on connait, si la mélancolie et le choix de structures aérées cadrent bien avec l’atmosphère, il faut aussi souligner, néanmoins, que tout n’est peut être pas aussi parfait qu’on l’aurait intimement souhaité. Les écoutes répétées révèlent quelques failles. La première tient dans le sentiment de monotonie qui s’installe assez rapidement. La faute à une rythmique qui ne décolle jamais vraiment. La faute à ces structures un brin prog’ qui ne montent jamais vraiment en puissance. La faute enfin à ces vocaux habités… où la colère, la révolte ne s’expriment que trop peu (Old Earth, Your Broken Shore). La seconde concerne l’approche du combo. En gagnant en simplicité, en aérant ses structures, en offrant davantage de lisibilité, My Dying Bride a perdu en subtilité, en richesse, en un mot, en profondeur. Là où The Angel and the Dark River, par exemple, emportait tout sur son passage, étalant sa froideur et son dénuement à la face de l’auditeur, The Ghost of Orion reste, à mon sens, trop « lumineux », trop accessible. La mélancolie est palpable, je l’ai dit mais les émotions n’accrochent pas. La beauté est bien présente mais l’intensité s’en est allée.
La démonstration est implacable avec The Solace ou The Ghost of Orion, très beaux morceaux, le premier porté par la voix fragile et gracieuse de Lindy Fay-Hella de Wardruna, le second par un piano très dépouillé. Quelques accords dissonants qui tapissent le fond, cette voix gracile qui transperce la structure, un sentiment d’équilibre fragile, de précarité de la vie s’en dégagent mais les émotions restent au placard (Your Woven Shore). Comme si l’exercice de style était venu chasser sur les terres de l’authenticité. The Ghost of Orion apporte une respiration, une accalmie supplémentaire mais participe aussi à faire retomber une intensité déjà faible.
The Long Black Land et The Old Earth tentent de rattraper le temps perdu, qui nous replongent directement dans les années 90 mais là encore, quelques longueurs sont perceptibles, le manque d’intensité apparaissant encore clairement. C’est vraiment dommage parce que les structures sont habitées et qu’elles se développent sans à-coup, baignées dans une recherche mélodique incessante (le pont central au violon, encore, sur The Long Black Land).
En somme, ce nouveau My Dying Bride est agréable. Réellement. Il replonge ses racines dans nos jeunes années, dans ses efforts précurseurs et, pour ça, il doit être loué. Toutefois, il n’est pas encore représentatif, à mes yeux, du vrai My Dying Bride, de celui qui touchait au cœur, de celui qui emportait l’auditeur dans un flot de mélancolie extatique. Peut-être, après tout, qu’il n’est qu’un album de transition, l’album nécessaire pour expulser le poison de l’angoisse… avant de revenir plus fort.
| Raziel 25 Avril 2020 - 2428 lectures |
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