Neuraxis - The Thin Line Between
Chronique
Neuraxis The Thin Line Between
Le milieu des années 2000 fût une époque bénie pour la scène québécoise. Souvenez-vous, c'était il n'y a pas si longtemps : en 2004 sortaient Concealed et Defiant Imagination, respectivement premier et troisième albums de Augury et Quo Vadis. L'année suivante sortait le quatrième opus de Neuraxis, Trilateral Progression, qui comme les deux albums précédemment cités, est un chef d'œuvre de death technique. En un an et trois albums, toute la scène d'une ancienne province française a rayonné d'une aura incontestable et incontestée : pas besoin de chercher plus loin, la meilleure scène death metal du monde était là. Si le Canada n'était auparavant connu que pour Gorguts et Cryptopsy, tous les Martyr, Atheretic, Unexpect et autres Beneath The Massacre ont profité de l'aubaine pour se faire un nom.
Si je trouve que notre ex-chroniqueur Holy a eu un peu la main lourde en mettant 10/10 au néanmoins excellent Truth Beyond, je suis on ne peut plus d'accord sur le 9,5/10 largement mérité qui a été attribué au génial Trilateral Progression. Alors vous imaginez un peu ma joie à l'idée d'entendre la nouvelle offrande de Neuraxis. Maintenant, à mon tour de vous décrire mon immense déception à l'écoute de The Thin Line Between.
Quand j'ai appris que Ian Campbell, emblématique vocaliste de génie, et Steven Henry, guitariste et parmi les fondateurs du groupe, quittaient Neuraxis, j'ai été très inquiet. Mais mon inquiétude s'est dissipée très vite quand j'ai appris le nom des deux remplaçants : Alex Leblanc, vocaliste des excellents Atheretic, et William Seghers qui a fait une énorme prestation sur le fantastique Defiant Indoctrination de Quo Vadis. Les prestations live de Neuraxis ont fini de me convaincre que les deux musiciens avaient parfaitement le niveau pour remplacer ces deux départs.
Alors quand j'ai entendu pour la première fois Darkness Prevails sur le myspace du groupe, je me suis dit qu'ils avaient juste un peu raté un mid-tempo en oubliant les variations de voix et les mélodies habituelles. Malheureusement quand j'ai reçu le promo, je me suis rendu compte que c'était le deuxième meilleur morceau de l'album…
Pour peu que vous ayez déjà écouté les autres albums de Neuraxis (et si tel n'est pas le cas je vous le conseille vivement, ils sont tous excellents), vous n'êtes pas sans savoir que chaque nouvel opus marque une évolution musicale nette, tantôt vers plus de brutalité, tantôt vers plus de mélodie, de technique… Bref, sans surprise, The Thin Line Between marque une rupture avec l'opus précédent, qu'ont-ils bien pu faire cette fois-ci pour nous surprendre ? La réponse est simple : un mauvais album.
D'après Rob Milley lui-même (rendons à César ce qui lui appartient : ces propos sont tirés de l'interview du formidable Tonton de VS) : « On n'avait pas envie d'être plus brutal, mélodique, ou technique… ». L'embêtant quand on fait du death metal (et a fortiori du death mi-technique, mi-mélodique comme Neuraxis), c'est que la brutalité, la technicité et la mélodicité sont les principaux points qui font l'intérêt du style. Résultat, cet album, en plus d'être moins brutal, technique et mélodique que ses prédécesseurs, est en définitive surtout largement moins bon.
Mais encore, sans être brutal ou technique, cet album aurait peut être pu être plus entraînant, plus accrocheur, ou simplement plus agréable à écouter. Mais non, rien n'y fait, les seuls adjectifs que j'arrive à coller à The Thin Line Between sont « mou, plat, soporifique et sans saveur (pour ne pas dire sans intérêt) ». Un constat certes cruel, mais auquel on peut trouver de nombreuses raisons.
En premier lieu, je me demande où passée l'intensité qui était le maître mot des précédentes réalisations de Neuraxis. Cette hargne et cette énergie que l'on retrouvait dans toutes les transitions d'un refrain à l'autre sur Trilateral Progression ne sont plus d'actualité. Oubliez les montées en puissance véloces et mélodiques, les blasts furieux qu'un jeu de cymbale millimétré vient souligner à la perfection, les refrains qui donnent une furieuse envie d'headbanguer. Tout ça a presque complètement disparu dans The Thin Line Between, au profit d'incessants riffs qui, si ils étaient avant des breaks, font maintenant office d'intro, de couplets, de refrains, de breaks et d'outro. Résultat, cet album n'a vraiment aucune intensité, et est désespérément plat et soporifique, à tel point que je passe totalement au travers à chaque écoute. Si avant ces passages plus posés et graves étaient présents, ils n'étaient là que pour faire la transition entre deux lignes mélodiques et plus rapides, et toujours soutenus par les variations vocales de Ian Campbell. Aujourd'hui c'est l'inverse.
Une ou deux fois par morceau, un passage un peu plus inspiré que les autres, qu'il soit mélodique ou technique, vient sauver l'écoute du désastre, avant que des passages communs ou carrément mauvais ne viennent plomber le tout à nouveau. On se surprend parfois à croire que le morceau va être bien après une intro un peu soutenue, ou que l'intensité va monter après une ligne de guitare acoustique, mais non. Je ne me doutais même pas que le groupe puisse tomber dans les bas-fonds de la musicalité avec l'innommable break qui arrive à 2 :30 dans « Dreaming The End », une succession d'accords saccadés que l'on croirait tout droit sorti d'un vulgaire morceau de néo metal ou de metalcore. Il ne manquait plus que les « Jump motherfucker ! » et j'aurais vraiment vomi de dégoût. Je ne me doutais pas que le groupe qui a sorti Trilateral Progression puisse tomber aussi bas.
Mais non content de perdre la hargne, la brutalité et la mélodie, Neuraxis perd aussi en clarté sonore. Très honnêtement, ça fait longtemps que je n'avais pas entendu une production d'un album de death metal aussi ratée. C'est simple, il n'y a aucune notion d'espace dans cette production, où tous les instruments et la voix s'entassent les uns sur les autres en se couvrant mutuellement. La plupart du temps, les guitares – que l'on devine accordées plus bas qu'avant tellement leur son est ignoblement grave (ou alors c'est que la production est vraiment encore plus ratée que je le crois) – couvrent à peu près tout sauf les toms et la grosse caisse, reléguant loin derrière les cymbales, et annihilant toute ligne de basse (instrument que je n'ai pas entendu une seule fois en 47 minutes). Et quand les guitares se font plus mélodiques (ce qui arrive une ou deux fois par morceau), c'est la batterie qui se charge de les couvrir à son tour, avant que le chant ne s'en mêle et ne recouvre joyeusement le tout. Il est vraiment surprenant de voir qu'un groupe qui a bénéficié des services de Yannick St Amand, le meilleur producteur du Canada, ait pu à ce point se vautrer sur la production. C'est bien simple, voici le seul album que je possède qui sonne mieux encodé en mp3, sur myspace, ou écouté depuis une autre pièce que dans des conditions normales d'écoute, en face d'une belle paire d'enceintes. C'est quand même assez incroyable, au point que j'ai cru qu'il y avait un problème sur le promo que Prosthetic Records m'a envoyé.
Heureusement, tout n'est pas non plus à jeter sur ce The Thin Line Between, Alex Leblanc en tête. Soyons clair : non, il n'est pas techniquement aussi bon que Ian Campbell, je dirais même que son manque de variations dans le timbre renforce l'extrême monotonie de l'album. C'est pourtant le seul reproche que l'on peut lui faire. Car oui, il reste un excellent vocaliste, comme nous l'ont déjà prouvé ses prestations au sein de Atheretic et Neuraxis. C'est vraiment le seul musicien qui trouve grâce à mes yeux, le pire étant le batteur, dont le jeu est devenu plus brouillon et largement moins efficace de par sa volonté d'être plus « groovy » (et même ça, c'est raté).
Outre Darkness Prevails qui se laisse écouter, la fin de l'album est un peu meilleure que les morceaux 02 à 06. L'instrumental à la guitare « Standing Despite… » est heureusement réussi, et les morceaux « Oracle » et « Phoenix » qui le suivent sont un peu moins mous et plus mélodiques que les précédents, malgré encore une fois de mauvais riffs parmi d'autres bien plus convaincants. Mais si il y a un morceau qui trouve vraiment grâce à mes yeux, c'est bien « The All And The Nothing ». Comme d'habitude chez Neuraxis, le meilleur est celui qui clôture l'album. Alors ne vous attendez pas à un morceau de la trempe du génialissime « The Apex », car « The All And The Nothing » ne vaut même pas le plus mauvais morceau de Trilateral Progression (si tant est qu'il y ait un mauvais morceau dans cet album). Mais on y retrouve la recette de ce qui fait la magie du groupe : intensité et mélodie. De savoureux riffs de guitares parsèment ce morceau, où même l'alternance vocale est de retour grâce au judicieux guest de Chris Aslop, ex-vocaliste du groupe, présent sur la démo In Silence. Malgré un break central un tantinet ennuyeux, ce morceau arrive à captiver l'attention. Et c'est vraiment ça qui m'horripile : voir que le groupe est encore capable de composer de bons morceaux ! Est-ce compliqué de composer 10 morceaux de cette trempe ? Il faut croire que non, vu que le groupe n'avait jusqu'à présent fait qu'encore mieux. Et pourtant, il n'y a pas grand-chose d'autre à sauver que « The All And The Nothing » dans The Thin Line Between.
Plus j'écoute cet album et plus je me demande où est passé le Neuraxis qui a sorti il y a seulement trois ans un album qui se classe sans peine dans le top 10 des meilleurs albums de death metal de la décennie. Je ne m'attendais certes pas à une redite de Trilateral Progression, mais je ne m'attendais pas non plus à un album aussi mauvais. A trop vouloir marquer la différence avec ses précédentes réalisations, Neuraxis a juste laissé sur le bord de la route tout ce qui fait son charme. On ne demandait pas au groupe de faire plus brutal, plus technique ou plus mélodique que Trilateral Progression, on lui demandait juste de garder cette optique qui a fait évoluer sa musique vers des morceaux toujours plus immédiatement efficaces sans être simplistes à un seul moment. Seulement The Thin Line Between est en définitive tout l'inverse.
C'est marrant, mais quand j'ai écouté les nouveaux morceaux de Descend Into Nothingness il y a un peu plus d'un an, je me disais que c'est à ça que ressemblerait le futur Neuraxis. Étrangement, le départ de Ian Campbell chez l'un a entraîné un désastre, alors que son arrivée chez l'autre a marqué un gain de maturité conséquent dans un groupe pourtant déjà excellent… Et très honnêtement, je ne pense pas que ce soit une coïncidence, les vraies raisons de la médiocrité de The Thin Line Between sont probablement le départ de Steven Henry et de Ian Campbell, qui bien que remplacés par d'excellents musiciens, faisaient partie de l'identité du groupe depuis bien longtemps.
« On n'avait pas envie d'être plus brutal, mélodique, ou technique…etc . On voulait, tout simplement, composer et de la musique que nous serions heureux de jouer. » Voilà la phrase qui résume bien ce The Thin Line Between. Maintenant tant mieux si ils prennent du plaisir à jouer les morceaux de cet album, car moi je n'en prends aucun à les écouter. Et sachez que je n'ai aussi pris aucun plaisir à écrire cette chronique, car Neuraxis étant un groupe que j'adore, j'aurais été vraiment ravi de lui remettre un 9,5/10, si l'album l'avait mérité…
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