The Monolith Deathcult - Trivmvirate
Chronique
The Monolith Deathcult Trivmvirate
Jouer avec le feu : en voilà une saine activité, que ce soit pour chauffer des tisons en prévision d'une bonne vieille séance de torture, en s'amusant avec un lance-flammes pour nettoyer une tranchée ou faire sortir l'ennemi de ses buissons, lui faisant faire dans les deux cas des grands gestes très drôles en hurlant dans une langue si possible inconnue, ou encore pour faire disparaître les traces de ses crimes, si possible contre l'humanité, sinon c'est à la portée du premier venu, ce qui vous en conviendrez enlève beaucoup de charme à la chose.
Jouer avec le feu, cela peut aussi signifier manier la provocation, cas dans lequel les effets sont beaucoup moins visuels mais tout aussi jouissifs, si celle-ci est assumée et maniée avec talent.
Mais dans les deux cas, jouer avec le feu c'est aussi s'exposer au retour de flamme, tel le crétin moyen qui se fait exploser sa bombe artisanale à la tronche : plus de bras, plus de chocolat, bien fait pour ta gueule. Sélection naturelle.
The Monolith Deathcult, voilà un groupe qui a toujours su jouer avec le feu : l'homme derrière les textes du groupe, professeur d'histoire, a donc une connaissance parfaite de tous les jeux impliquant une combustion de son prochain inventés par l'humain, et une intelligence particulièrement affûtée qui leur permet de manier la provocation avec un naturel et une assurance inégalés dans le milieu du metal.
L'élément qui permet au groupe d'afficher cette assurance, c'est la qualité absolument irréprochable de sa musique : si The Apotheosis, leur premier album, était encore très largement marqué par l'influence de Nile, le beaucoup plus personnel The White Crematorium leur a permis de s'imposer comme un groupe absolument unique, à la personnalité fermement et fièrement marquée. Et ce second album datant de 2003, c'est un bien faible euphémisme de dire que ce Triumvirate était pour le moins attendu…
Que c'est-il passé durant ce laps de temps ? Et bien le groupe a décidé de pousser son concept jusqu'au bout et d'assumer son goût pour la provocation jusque sur le plan musical : le changement le plus immédiat, et aussi le plus visible, fut l'intégration d'un préposé aux claviers et samples ; Deuxièmement, leur leader, et aussi chanteur/bassiste Robin a décidé de ne plus cacher, et même revendiquer, son intérêt et donc les influences qui en découlent, pour des groupes que les amateurs de metal extrême peuvent considérer comme indignes, les rigolos en bleu de travail de chez Slipknot en tête.
Le résultat ? Concernant l'intégration de Carsten Altena au synthé, on ne peut que se montrer dubitatif : The White Crematorium était déjà particulièrement imposant et massif sur le plan sonore, avec beaucoup d'arrangements divers (le break au compteur Geiger sur Concrete Sarcophagus, par exemple), l'arrivée d'un nouveau membre passe très vite inaperçue. De plus, les touches d'electro dans le metal extrême ne sont plus spécialement un élément innovant, le groupe en utilisait déjà, et pour le peu que Carsten apporte, en live des bandes feraient aussi bien l'affaire. D'ailleurs, fait qui ne trompe pas, il a déjà été congédié du groupe, sans être remplacé…
Quant à l'intégration d'influences plus accessibles dans l'ensemble ultra-compact qu'était la musique du Monolithe, la rupture avec le passé du groupe qu'elle provoque est pour le moins radicale… Ce disque peut en fait être divisé en trois : un tiers, rapide et brutal, est immédiatement identifiable comme étant la suite directe de The White Crematorium, la musique du groupe se fait alors si dense, avec ces blasts si typiques au groupe, que toute trace de nouveauté est irrémédiablement oubliée. Le second tiers, les parties mid-tempo épiques, semblent directement héritées du dernier morceau, éponyme, du précédent album, mais sont toutefois beaucoup plus présentes, perdant de leur efficacité : là où elles étaient auparavant utilisées pour apporter une rupture ou préparer une relance assassine, elles ont maintenant tendance à faire s'embourber le groupe, comme en témoigne l'interminable morceau d'ouverture, Deus ex Machina.
Le dernier tiers, les nouveaux riffs plus accessibles et moins extrêmes, sont au final excessivement communs et basiques, entendus mille fois partout ailleurs (extrêmement regrettable pour un groupe qui avait su se forger une identité propre avec le précédent opus), et semblent idéalement placés pour… ruiner tout l'impact qu'auraient pu avoir les autres parties, au lieu d'apporter un relief qui les auraient mises en valeur. Ces riffs viennent en effet très souvent interrompre une partie rapide qui jusque-là semblait vouloir s'envoler, lui coupant les ailes pour mieux la faire chuter, servent de base à des couplets qui s'éternisent sur des rythmiques empreintes d'un manque d'imagination à en pleurer de dépit, ou font office de remplissage pour caser tant bien que mal des parties electro totalement vaines.
Pire encore, ces riffs peuvent être considérés comme étant extrêmement opportunistes, ouvrant la musique du groupe à un public moins ciblé : les ignobles parties jumpy et l'immonde break central de Wraath of Baath sont à mes yeux racoleuses, calibrées pour ratisser large. Ne soyons pas naïfs, sûrement n'est-ce pas là le but du groupe qui est sans aucun doute bien au dessus de ce genre de considérations, mais c'est toutefois le genre de réactions qu'entraîneront immanquablement ces ajouts auprès d'une bonne partie de leur (ex- ?) public.
Au final, la multiplication des riffs posés ou accessibles, la très dispensable Kindertoteslied, les deux mid-tempo (ou presque) Demigod et Den Ensomme Nordens Dronning (qui prises indépendamment sont pourtant excellentes) concourent à donner une impression générale de mollesse à cet album, qui coupera nécessairement le groupe de la frange extrémiste de son public.
En décidant de porter son concept à sa musique, The Monolith Deathcult s'est délibérément tiré une balle dans le pied : privé de la base inattaquable qu'était sa musique jusqu'au-boutiste et sans compromis, le groupe semble être devenu l'esclave de sa propre provocation et ne plus chercher à faire réagir que dans le seul but de faire réagir ; et bien soit, jouons le jeu du groupe et réagissons en metalleux fermé, fan frustré d'un groupe qui a changé : cet album est mou, commun, bancal, et est un immense pas en arrière, impardonnable de la part d'un groupe qui semblait destiné à s'imposer au sommet de la hiérarchie du death metal européen.
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