Faust - From Glory To Infinity
Chronique
Faust From Glory To Infinity
Il y a quelques semaines je rencontrais un jeune de ma génération par l'entremise d'une connaissance commune qui m'avouait bien vite écouter du metal, en particulier du death metal, et même plus précisément du death technique. Après une brève marque d'approbation mentale, je lui demandais naïvement quels groupes de death technique il écoutait. Sa première réponse fût Gojira. Deux choses me vinrent alors à l'esprit : la notion de technique est définitivement perdue au sein de cette jeunesse pervertie élevée au modern death, et je dois vraiment fonder ce groupuscule d'activistes anti-Gojira qui aura pour mission première de diffuser du Theory In Practice auprès de tous ceux qui croient encore que Joe Duplantier sait tenir sa guitare à l'endroit. Malgré une baisse immédiate dudit jeune dans mon estime quelque part entre la catégorie punk à chiens et celle des gitans voleurs de poules, il évita pourtant mon invective moralisante en citant tout de suite après Death, laissant donc une lueur d'espoir permettant de croire que sa cause n'était pas définitivement perdue. Tout cela pour dénoncer encore une fois la difficulté que certains ont de cerner ce style bien particulier qu'est le death technique, alors que ce n'est pourtant pas bien dur quand on a le réflexe que chacun devrait avoir en cas de doute : revenir aux fondamentaux.
Si je vous dis death technique italien les plus vieux me répondront Sadist, les plus renseignés Illogicist et les moins regardants Gory Blister. Pourtant il ne viendrait à l'idée de personne de citer Faust, alors qu'ils existent depuis 1992 et que leur première démo sortit l'année suivante (dois-je encore vous rappeler cette incroyable année 1993 ?). Et malgré un EP paru en 2001, il a effectivement fallu attendre 2009 et la sortie de From Glory To Infinity pour entendre parler des italiens, et ce uniquement grâce à la présence à la basse d'un certain Steve DiGiorgio…
Revenir aux fondamentaux, n'est pourtant pas le leitmotiv de ce premier album de Faust, car en vérité les italiens n'ont jamais déserté les sonorités du grand death technique des années 90 qu'est le leur, ils l'ont juste remis au goût du jour. Décrire le style de Faust par le biais de comparaisons s'avère assez délicat, car loin des canons du death technique d'aujourd'hui la musique du groupe serait plutôt à voir comme un death metal très classique enrichi d'un surplus mélodique qui jamais ne nuit à son efficacité. Très loin des compositions aériennes de Sadist, les transalpins ne pratiquent guère que dans l'efficace, la mélodie directe et facilement mémorisable qui frappe l'auditeur sans prendre de détour. Ce souci du riffing classique permet une comparaison facile mais lacunaire avec ce qu'ont pu proposer Death et Quo Vadis au milieu de leurs carrières respectives, car malgré l'omniprésence de la dualité efficacité/mélodie, Faust enfonce rarement complètement le frein pour aérer ses compositions par des breaks. Les riffs renvoient clairement tour à tour aux meilleures heures du heavy metal à l'ancienne (oh la belle harmonisation à la tierce) et aux gimmicks usités du death technique, dont l'excellent « Wet Veils » est à lui seul un archétype. Pourtant les compositions de From Glory To Infinity ne manquent pas de subtilités et on ne s'étonnera pas, au détour d'un break de « Purple Children » que les lignes de guitare évoquent les derniers essais d'Anata, et que le second riff, ultra calme et tout en arpèges, de « Sentimental Worship » soit un moment propice à l'exaltation de la basse du divin Steve DiGiorgio qui plus de 3 ans après le dernier Sadus revient nous prouver qu'il est encore un des bassistes sur lesquels il faut compter dans le metal.
Disons-le tout de suite, si vous aimez le death technique à l'ancienne, lisible et efficace, From Glory To Infinity devrait vous séduire si vous passez outre quelques menus défauts, au rang desquels je citerais en premier lieu – devant même la pochette à gros nichons et les thématiques pas franchement enthousiasmantes – le chant, convaincant et qui passe au final mais qui ressemble beaucoup trop à un raclement de gorge et qui manque parfois singulièrement de puissance. Un autre chanteur apporterait un plus immédiat au groupe et permettrait de faire franchir un autre palier à Faust. Moins gênant maintenant, la production globalement correcte demeure largement améliorable : on n'entend peu voire pas du tout la résonance du Si que joue Steve mais seulement son attaque de la corde (Si, donc, pour ceux qui ne suivent pas). Le son de guitare solo est trop mordant et ressort un peu trop de l'ensemble, tout comme le chant est globalement trop mis en avant. Honnêtement ce sont des défauts mineurs, d'autant plus excusables que les compositions en elles-mêmes sont de très bonne qualité, malgré un « Purple Children » peut être un peu facile et un manque de diversité entre les morceaux (mais au moins, si vous appréciez les extraits en écoute, vous n'aurez pas de mauvaise surprise avec le reste des titres). Tout est bien vite contrebalancé par les qualités indubitables de cet album : l'harmonie du duo de guitares, un juste équilibre entre un style neuf et ancien, des riffs qui font mouche à tous les coups et des envolées de basses rares mais intenses, dans la grande tradition de Steve DiGiorgio. Seul Daray (l'ancienne brute de Vader) ne remplit pas parfaitement son rôle à mes yeux : son jeu massif qu'il a volontairement allégé, bien que parfait sur les passages rapides et expéditifs qui constituent facilement trois quarts de l'album, ne cadre pas tout à fait avec l'optique du disque, et on peut regretter que son style très carré ne se fasse pas plus coulant pendant les breaks plus aérés.
Mais s'il n'y a qu'une seule chose à retenir de From Glory To Infinity c'est sans aucun doute l'outro instrumentale « A Religion-Free World's Dream ». Alors que « Pig god Dog » est un instrumental totalement similaire aux autres titres pourvus pour leur part d'un chant, cette outro est un point final absolument parfait, lumineux et subtil à un album au style très classique. Sur la base d'un riff de guitare tout con qui évolue de la façon la plus naturelle et évidente du monde soutenu par une ligne d'arpèges et un pattern de batterie très simple d'un Daray qui s'essaye avec succès à la fusion malgré sa grande rigidité dans le jeu (n'est pas Sean Reinert qui veut), l'incroyable Steve DiGiorgio délivre une prestation dont tous les superlatifs du monde ne seront pas assez nombreux pour décrire le génie qui en émane. Mieux que « The Philosopher », mieux que « Breaking The Broken » mieux que « Dracula », meilleur encore que « Dead Man's Diary », ce morceau démontre encore une fois l'étendue de son talent pour trouver la note juste au bon moment, son sens du placement incroyable dans les slides, son don pour magnifier un morceau, et si Steve se fait parfois trop discret sur d'autres morceaux, celui-ci oblige à un pardon admiratif. L'alchimie parfaite de « A Relgion-Free World's Dream » évoque immanquablement dans sa coloration « Textures » de Cynic, mais aussi « All That Surrounds: Part I » de Exivious, deux morceaux bien plus proches de Holdsworth que du death metal, cela va sans dire ! Si l'album était mauvais, ce morceau en vaudrait à lui seul l'achat – heureusement il ne l'est définitivement pas.
Les compositions de Faust n'impressionnent pas vraiment par leur technique (à l'exception notable de certaines lignes de basse, vous vous en seriez doutés), mais l'optique ultra mélodique du groupe et les subtilités passagères qui font toute la saveur de From Glory To Infinity suffisent à mes yeux à le ranger sans peine dans la catégorie des bons albums de death technique. Un death technique un peu vieillot, à la Carcariass, mais qui fait tellement de bien à entendre à l'heure où d'autres essayent d'empiler polyrythmies, sweeping et rapidité d'exécution dans un joyeux foutoir pour un résultat bien moins saisissant. Comme je ne peux pas lui mettre 8,25, j'opterai pour la fourchette haute (oui, je suis d'humeur généreuse) car les défauts sont mineurs, et la qualité de « A Religion-Free World's Dream » ainsi que la performance de Steve DiGiorgio suffisent à elles seules à faire pencher la balance du bon côté. Pour un premier album (certes après plus de 17 ans d'existence !) c'est une révélation, et bien que j'espère que le prochain album gommera quelques défauts gênants, vous ne sauriez passer à côté de Faust pour peu que vous soyez au choix amateur de death technique à l'ancienne, fan de Steve DiGiorgio, ou bien que vous cherchiez simplement un album de death metal à la fois efficace et mélodique. On peut désormais rêver d'un sans fau(s)tes. Désolé.
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