Asva - What You Don't Know Is Frontier
Chronique
Asva What You Don't Know Is Frontier
Alors là, on ne blague pas car il n'y a rien de drôle (bon, juste une petite : Asva ? Bien et toi ?). Ce deuxième album des droneux de Asva est dédié à la mémoire du frère de Stuart Dahlquist (leader du groupe ayant œuvré entre autres avec Burning Witch, Sunn O))) ou Goatsnake), Michael, mort dans des conditions tragiques : sa voiture a été percutée par un autre véhicule, contenant une femme qui souhaitait mettre fin à ses jours. Michael est décédé dans l'accident, la femme a survécu. Vous voyez, ce n'est pas franchement rigolo et on imagine le raz-de-marée d'émotions qui a du traverser Stuart. C'est ce dernier qu'il cherche à nous faire partager, par la musique.
What You Don't Know Is Frontier peut être vu comme une compilation de moments et d'ambiances détachables les unes des autres. Si le terrain est directement reconnaissable, un mix drone/doom majoritairement instrumental, le groupe s'amuse à cultiver une pluralité d'atmosphère. Le morceau éponyme instaure le schéma musical qui nous poursuivra durant plus d'une heure : un drone lourd, loin du brouillard des « autres » américains (ceux qui écrivent mal « soleil » là), plus incisif, aussi frontal que rampant, plus doom avec une touche psychédélique, pour employer un terme galvaudé mais significatif. Ce titre morbide élargit l'espace avec un son ample et tendu par des nappes de synthé, une manière d'agrandir le terrain pour laisser pénétrer la suite. « Christopher Colombus » dépeint le voyage de l'explorateur vers ce qui sera l'Amérique. L'ambiance est à rapprocher d'un Ahab bruitiste, qui chavire doucement à en donner le mal de mer. Ça sent la gale et le voyage sans fin jusqu'à l'arrivée d'une batterie tribale et d'une charge des guitares, annonciatrice des premiers pas sur terre et du massacre des espagnoles sur la population locale. Enfin, il y a « A Trap For Judges », où Asva se la joue drone mathématique avec un alliage de sons et de bourrasques inattendu et sanguin. Vingt-trois minutes où tu te manges de la pluie, des os de mammouth et de la basse funèbre sans comprendre ce qu'il t'arrive, pour voir débouler des synthés d'église, comme ça, pour rien, sans rapport évident avec le reste du morceau mais qui te libère du poids au plexus qui te pesait jusque-là. Une chanson à l'image de l'album : nerveuse, longue, climatique, patchwork et pourtant cohérente. Car tout est réfléchi ici et on ressent un lien sous-jacent, une structure globale, qui fait que malgré la noirceur et la lenteur, tu ne lâches pas et ça ne te lâche pas. Je pense à ce recueillement qui règne sous cette surface mouvante, et qui me fait dire que ce disque est avant tout un moyen d'apaiser ses démons.
Mais là n'est pas l'essentiel. Soyons francs, c'est le genre de drone que tu écoutes à petites doses, celui qui demande une concentration constante, un abandon total, qui te laisse éreinté au point que quand tu te l'enfiles, tu prévois l'après, le pyjama, la sieste et le café du réveil. Non, si ce disque est à écouter/posséder/inviter au restaurant, c'est pour « A Game In Hell, Hard Work In Heaven ». Et là, il va falloir développer : ce morceau diffère des autres en ce qu'il est le seul chanté, par une certaine Holly Johnston. Attention, on est loin des chanteuses metal pour kéké, ici c'est du deluxe avec une voix à la fois orientale et élevée comme une transe. Les instruments en profitent pour s'accoupler et former une mélodie qui est un moment de génie, de ceux qui paraissent évident mais original, un assemblage qui vibre directement en toi. L'air est brûlant de religiosité, grâce à ce jeu sur les effets qui alternent lourdeur et envolées. L'emportement final, où plusieurs couches de guitare et une batterie énervée s'emballent, te laisse recroqueviller sur toi-même. Autant le dire, « A Game In Hell, Hard Work In Heaven » m'a obsédé pendant des mois à cause des images qu'il me suggère : une terre où des anges courbent le dos sous un soleil satanique et partent se coucher à l'ombre du mur des lamentations. Merde, cette musique est une larme de Dieu !
Certains penseront que What You Don't Know Is Frontier est un bon disque de drone devenu excellent par une chanson surpassant le reste. Seulement, l'impression d'avoir été transporté pendant un temps raccourcis et la qualité des compositions prouvent que l'album est à écouter entièrement, malgré la possible envie d'aller directement à « A Game In Hell, Hard Work In Heaven ». Surtout que cela reviendrait à ne connaître qu'une partie de l'histoire, un deuil qui mérite notre attention. Ne vous laissez pas tromper et passez le vous du début à la fin, l'expérience en vaut le détour !
| lkea 17 Août 2010 - 1705 lectures |
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