Vous avez quoi de prévu demain? Une nouvelle succession de métro / boulot / dodo? Une session de Joséphine Ange Gardien, une bière et au lit? Parfait comme programme. Oubliez par contre catégoriquement de faire un détour par le Gibert / Fnac / Virgin Megastore du coin, et d'aller acquérir "Magic & Mayhem" d'Amorphis, qui en théorie sort justement demain: c'est un coup à vous niquer la semaine.
Pourquoi tant de haine? Parce que. Parce qu'on ne touche pas impunément à des compos aussi magistrales pour le plaisir, qu'on ne ré-enregistre pas quelques un de ses meilleurs titres avec les moyens actuels quand l'original suffisait amplement, et qu'au fond la démarche a quelque chose de profondément déplaisant. Je ne reviens pas sur le raté d'Arch Enemy avec "The Root of All Evil", chroniqué par mon confrère et non moins ami Dead dans nos colonnes; démarche similaire, résultat identique: achetez les originaux, point barre.
Je vais étayer un peu ma diatribe, quand même. Ce qui rend un album comme
"Tales from the Thousand Lakes" magique, c'est qu'il s'apprécie comme un tout, un voyage avec ses hauts et ses bas, un peu roots sur les bords (cette prod...), et bien que rempli de magnifiques mélodies qui sont ici reproduites à l'identique ce qui en fait vraiment son charme c'est cette ambiance toute particulière qui s'en dégage, ce voyage initiatique au pays des 1000 lacs, glacial, mélancolique, contemplatif... Une seule certitude, cet album se vit en 1994, pas en 2010. Car prenez les mêmes compositions, rejouées à l'identique, plus de 10 ans plus tard: certes, les erreurs de jeunesse musicale et de production sont soigneusement gommées, le nouveau chanteur d'Amorphis a bien plus de coffre que n'en aurait jamais eu Pasi Koskinen, mais une réinterprétation sans surprise ne peut tout simplement pas évoquer le quart du plaisir que procure l'original. Et si j'ai pris l'album de référence d'Amorphis en guise d'exemple, les titres d'Elegy, de l'EP Black Winter Day et de The Karelian Isthmus partagent la même évidence: toute la magie de l'original en est absente. Un simple exemple: "On Rich and Poor", un titre tellement accrocheur qu'on peut pourtant difficilement se louper, a sur ce "Magic & Mayhem" l'accroc majeur de sonner de façon disparate; chaque instrument, bien excellemment mixé et produit, donne l'impression de jouer dans son coin, tandis qu'en repassant l'original la cohérence de la production de l'époque est tout simplement saisissante.
Le groupe ne tente même pas de revisiter sérieusement ces propres titres: là où l'on aurait pu s'attendre à quelques surprises, justifiant un peu plus clairement cette démarche, tout est ici bien trop sage; excepté quelques ajouts de claviers ici et là, et une fin de "Magic & Mayhem" un peu accélérée, tout est rigoureusement identique aux compos d'antan (la magie en moins, je crois que c'est maintenant clair).
Alors, pris comme un bête best of histoire de remplir les bacs et de se faire découvrir à de jeunes oreilles, pourquoi pas. Mais ce "Magic & Mayhem", bien que parfait melting pot des meilleurs titres d'Amorphis, sonne dans le fond et la forme tellement conventionnel et formaté, qu'il peut plaire quelques instants mais pas séduire comme le feraient les albums originaux, et donc rater son but qui est quand même d'ouvrir l'univers d'Amorphis à de nouveaux auditeurs. Alors, si en ce lundi 20 septembre pluvieux et déprimant, vous avez la fièvre acheteuse en rentrant du boulot, faites un petit tour sur n'importe quel site de vente en ligne et prenez pour une misère d'euros les 3 albums + 1 EP dont sont issus les titres ici présents. Ok, ça prend plus de place qu'un seul Cd, mais le plaisir que vous en retirez sera juste incomparable avec cette pâle anthologie de ré-enregistrements sans saveur...
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