La sortie d'un nouveau Blut Aus Nord entraine toujours de grandes attentes, d'autant plus quand celui-ci annonce un renvoi à l'avant-gardisme de la période allant de
The Mystical Beast Of Rebellion à
MoRT. Cette époque signant ce qu'il a fait de mieux à mes yeux, on comprendra que mes écoutes de ce dernier-né, marquant le début d'une trilogie intitulée
777, ont été parcourues d'enthousiasmes… et quelques déceptions.
Déceptions car
777 - Sect(s) est bien ce qu'il promettait : un mélange où se côtoient les tremolos crus de
The Mystical Beast Of Rebellion, le marasme industriel de
The Work Which Transforms God et les dissonances arythmiques de
MoRT. En poussant la dissection, on pourra également remarquer des clins d'œil à l'EP
Thematic Emanation Of Archetypal Multiplicity (la fin ambiant de « Epitome 01 ») ainsi que des moments stellaires évoquant à la fois
Memoria Vetusta II (« Epitome 06 », « Epitome 02 ») et la deuxième partie de la réédition de
The Mystical Beast Of Rebellion au détour de soli hypnotiques. Bien que le disque soit d'une cohérence impressionnante, il subit au départ le jeu du « Tel riff, tel album » assez désagréable pour celui pensant que l'étonnement est un des plaisirs recherchés chez Blut Aus Nord. Surtout que l'essai rappelle sans forcement égaler, notamment lors des passages chaotiques, la faute à un mordant s'émoussant au fur et à mesure des plongées (sur « Epitome 03 » principalement). Enfin, une des sensations possiblement déplaisantes est à chercher dans ce rappel à Deathspell Omega, le tout pouvant se définir en une version primaire, Godfleshienne, de
Paracletus. Pas un problème en soi, cette amorce paraissant d'emblée d'une religiosité autre que celle des poitevins (les chœurs disséminés et cette modernité dans l'interprétation ajoutant du réalisme à ce qui est littérature chez le collègue) mais peut-être jugera-t-on cela dommage quand on sait qui a inspiré qui !
Ceci posé, il s'agit d'un bon Blut Aus Nord, probablement le meilleur depuis
MoRT. Une fois les expectations de nerd mises au placard, il s'impose au-delà du patchwork et l'on (re)découvre une musique à part, évolutive, homogène, aussi vénéneuse qu'hermétique. Un pari fou que celui de mélanger les ambiances raw, urbaines ou terminales développées précédemment et semblant inconciliables ! Une réussite incomplète dans ce tour de force est déjà une énorme victoire :
777 - Sect(s) fascine de bout en bout, écœure puis attrape à l'image de cette production à la fois étouffante, grésillante et limpide. Un rendu sonore irréprochable montrant que si le groupe effectue un retour en arrière, c'est avec l'expérience acquise et une vision tournée vers l'avenir, exemple avec cette boite à rythme naturellement massive écrasant toute concurrence Playskool. Ici repose l'essentiel, ce trouble unique, difficile à décrire autrement que par des expressions pompeuses telles que « démonisme contemporain », « Lynch en vacance à la Géhenne » et le fameux « atmosphère Blutausnordienne » bientôt inscrit au domaine public, de même qu'une grâce morbide dont on avait presque oublié les caresses : « Epitome 02 » où une légèreté s'échappe pour un résultat bizarrement pesant, monumental tel la fumée des fosses communes en feu ; la traître « Epitome 06 » où l'aguerri croira toucher l'absolu de « Procession Of The Dead Clowns » pour mieux se retrouver cul nu par une torpeur insidieuse, son aboutissement se révélant tranquillement mais surement lugubre…
Et puis il y a « Epitome 04 », un titre qui pourrait résumer à lui seul l'ambivalence de
777 - Sect(s), le génie sûr de lui côtoyant le dispensable (dans une moindre mesure, heureusement !). Le bonhomme s'autorise l'ouverture d'une nouvelle porte avec ses relents doom voire sludge n'appelant qu'à dégouliner derrière ce tranchant clinique auquel succèdent une beauté crasseuse, l'image d'un Thou vaincu par la bottine de Blut Aus Nord occupant notre esprit rassuré sur sa capacité à sortir des classiques instantanés. Il n'en est pas de même pour le reste du morceau, les guitares cherchant un second souffle qu'elles ne retrouvent que tardivement. J'ai conscience d'insister sur des défauts minimes et formels alors que l'un des principaux attraits du groupe est sa profondeur symbolique - je m'attarderais probablement sur le ressenti une fois en possession de toutes les clés (le magnifique digipack et quelques mots présents laissent déjà rêveurs…) - mais ce sont ces trous d'air qui font de ce volet une base perfectible malgré sa solidité. En effet, il faut rappeler que ce chapitre ne prendra pleinement son sens qu'une fois replacé dans la totalité qu'il préfigure, l'avis sur la forme ayant peu de chance de changer contrairement à celui sur ce fond à peine dévoilé.
Fidèle à son habitude, Blut Aus Nord laisse des indices sur son œuvre. L'un d'eux est à chercher dans la signification du mot « épitome » désignant à la fois un commencement et un abrégé. Une manière d'assumer la transition, abrégé d'un temps devenu commencement d'un renouveau. Comme
Odinist ? Ah mais c'est que
777 - Sect(s) en est le versant négatif, les Français avançant à pas de chat vers une fêlure qu'ils s'estiment prêts à rouvrir ! Une invitation à retomber dans les malaises ésotériques et psychologiques de la totalité « The Fall » ? Pour quel épilogue ? Une chute différente certainement, une percée dans les ténèbres dont on les croit avoir déjà touché les limites ? En cela, cette introduction est à ne pas rater car une fois mise en relation avec
The Desanctification et
Cosmosophy prévus dans quelques mois, l'hypostase
777 pourrait établir une émotion que beaucoup veulent revivre dans une exaltation déviante, celle d'explorer le monde du Blut Aus Nord créateur, ces terres inhumaines et pourtant si captivantes, si proches, que l'on s'y voit créature.
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