Regard maussade vers la fenêtre. Les arbres dégarnis, l’épais brouillard et le froid glacial du mois de novembre installent le décor austère pour une fin d’automne aux effluves de mélancolie. Place aux notes dépressives. Deux sorties importantes du genre se suivront à une semaine d’intervalle. Le retour espéré des Danois de
Saturnus (chroniqué par maître Dead) mais aussi celui des Norvégiens de Funeral. Les Scandinaves avaient malgré tout refait parler d’eux l’année dernière en ressortant une compilation (
To Mourn Is A Virtue) d’enregistrements inédits (de 1996 à 2004) remasterisés, sorte d’éloge funèbre aux défunts membres Christian Loos et Einar André Fredriksen. Quatre ans après
As The Light Does The Shadow, Funeral n’est plus le même. Le frontman Frode Forsmo quitte le groupe, remplacé à la basse par Rune Gandrud (ex-Mistur) et au chant par Sindre Nedland (In Vain). Comme à son habitude, les soucis de labels retarderont la sortie de leur cinquième album et finalement ce seront les Teutons spécialisés dans le doom, Grau Records (Pantheist, Mourning Beloveth, Fall Of Empyrean…), chargés de présenter l’édifice religieux de Funeral,
Oratorium.
Mené par son batteur et fondateur Anders Eek depuis 1991, Funeral n’aura pas réussi à supporter le poids du suicide de son guitariste pilier Christian Loos ainsi que le départ de Kjetil Ottersen (guitare, claviers et production).
As The Light Does The Shadow possédait incontestablement des passages et idées frissonnants mais embourbés dans des compositions trop brouillonnes, surchargées de riffs et d’arrangements perdus sans la moindre cohésion. Et que dire du chant insupportable de Frode (quid de ses vers divins ? Une expérimentation hasardeuse ?) ? Incompréhensible après le splendide
From These Wounds. Un gâchis…
Oratorium reprend les bases de son aîné mais corrigera ses tares. Les structures luxuriantes des morceaux sont toujours présentes à la différence majeure que le groupe laissera enfin « respirer » ses morceaux, des silences qui permettent à chaque riff ou nappe de clavier de pleinement dévoiler leur force mélodique et émotionnelle. Quant à l’orchestration d’
As The Light Does The Shadow, elle prend ici une part tout autre : « Hate », « Song Of The Knell », l’occulte « From The Orchestral Grave » et « Will You Have Me ? » (aux introductions fortement imprégnées d’un Shape Of Despair)… Funeral a vu les choses en grand, portée par une production puissante, il expose une musique quasi-symphonique « imposante » et cela sans tomber dans le grand guignolesque hermétique. Une sobriété toujours constante. Les riffs « power chord » d’Anders sont désormais utilisées avec d’avantage de subtilité, le contraste avec l’ « innocence » des passages tristes reste plutôt savoureuse et une certaine dynamique se crée malgré une longueur de titres peu accessible (une moyenne de plus de 10 minutes).
Le remplaçant de Frode reste certainement l’atout principal du Funeral de 2012. Impossible pour l’auditeur de ne pas succomber aux lamentations lyriques éthérées du frontman (soutenu par le guitariste Mats Lerberg) dès l’ouverture « Burning With Regret » (le break fatal à 5:40). En adéquation parfaite avec la thématique « religieuse » d’
Oratorium. Son spectre vocal étendu (bien plus grand que celui de son prédécesseur) marque aussi le retour du chant death. Timide certes (voire anecdotique, se comptant sur quelques minutes) et peu guttural, mais qui prouve que Funeral n’oublie pas ses premiers disciples. Au-delà de ça, les riffs mélodiques poignants typiques de Funeral (aux forts relents d’un Katatonia première génération) refont leur apparition, Anders Eek avouera même avoir repris certains riffs de Christian Loos pour lui rendre un dernier hommage (initialement prévus pour leur side-project Fallen). Le bouleversant « Break Me » (le passage à 3:17 ne laisse pas indemne) et « Making The World My Tomb » (2:36) en font vraisemblablement partie. L’empathie antérieure se libère, comme si l’aura de
From These Wounds planait… A moitié. Funeral jongle encore entre riffs du « pauvre » (l’ouverture de « Making The World My Tomb ») et transitions hésitantes mal amenées. L’album demeure trop irrégulier pour crucifier l’auditeur au bout de son 1h15. Oui vous avez bien lu. Une durée trop ambitieuse, certains morceaux auraient pu aisément être raccourcis (« Hate » et « Will You Have Me ? » en tête). En résulte ainsi des sensations atténuées… Frustrant.
Une musique inégale et peu facile d’accès (des longueurs aisément amputables),
Oratorium arrive pourtant à capter notre attention. Ecouté, réécouté depuis trois semaines, les émotions procurées semblent perdurer. Quelques frissons intenses qui ne virent jamais dans le mielleux facile et opportuniste. La faute au timbre touchant du nouveau frontman et à des compositions plus « épurées ». Le chagrin est sincère et bien palpable, comme pour chaque œuvre des Norvégiens. Les défauts d’
As The Light Does The Shadow ne sont donc pas entièrement effacés mais si Funeral continue en ce sens, la renommée du groupe datant de 1995 ne sera plus autant décriée. L’heure est désormais au recueillement.
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