Sigrblot - Blodsband (Blood Religion Manifest)
Chronique
Sigrblot Blodsband (Blood Religion Manifest)
Le Black Metal reste pour beaucoup l'incarnation d'une certaine forme de blasphème, un style qui se doit de bousculer l'ordre et les codes établis de la morale traditionnelle. Les cibles restent toujours plus ou moins les mêmes : adorateurs de la croix, du croissant ou de l'étoile à six branches, tous en prennent pour leur grade et son habillés pour les hivers à venir, par les textes ou par l'imagerie des galettes concernées. Sigrblot ne fait pas exception à la règle, puisant ses inspirations dans les écrits de Savitri Devi, Rosenberg ou Miguel Serrano, provocateur jusque dans l'artwork, exprimant un rejet en bloc du monde moderne et du modèle américain. Le kitsch de certains groupes et l'effusion de symboles mal utilisés et digérés masque bien souvent une cruelle absence de fond. Sigrblot évite cet écueil en restant aussi constant que haineux tout au long de ce "Blodsband".
On connaît bien peu de choses sur le trio Suédois, ses membres ayant choisi un anonymat total. Il est cependant admis, sur les forums comme chez les auditeurs, que les membres de Sigrblot ont officié (et officient toujours ?) chez d'éminent groupes de la scène Scandinave, de Funeral Mist à Watain. Discret, apparaissant épisodiquement au gré de compilations plus ou moins "borderlines", "Blodsband" est le premier véritable album du combo. Thématiques religieuses et ambiance de guerre sainte suintent de chaque composition de cette galette, juste balance entre un Black Metal aggressif et teintes plus folkloriques par la présence (discrète) de claviers et d'instrumentations parfois surprenantes. Une recette que le groupe a continué d'appliquer sur "Weltenfeind", excellent split album partagé avec Absurd et Grand Belial's Key.
"Blodsband" se scinde en deux actes, douze titres pour une cinquantaine de minutes, sans compter "Endtime Communion", titre bonus présent sur l'édition vinyle du disque, mastodonte de plus de seize minutes dont je reparlerai au cours de cette chronique. Mixé par le groupe et enregistré aux Nordland studios, l'album jouit d'un son imposant, osmose parfaite entre la clarté des productions modernes et grain chancelant des guitares de l'époque. Balance entre tradition et modernité qui se retrouve également dans les nombreux samples utilisés par le groupe, qu'ils consistent en des chants religieux (comme sur le hargneux "Crisis of Faith" ou en instruments à cordes quasi-orientaux sur le véloce "Hirdsang"), quand ces derniers ne sont pas joués directement par l'un des musiciens ("Folkstorm"). Le chant, quant à lui,consiste en des hurlements déchirants, haineux, laissant parfois la place à des choeurs, toujours discrets, comme sur "Doende Generations Dom". Rien de très original, certes, mais le travail est perceptible.
Résolument Black Metal, et assez "classique" sur la forme, le feeling développé tout au long des titres de "Blodsband" se fait beaucoup subtil que la machine de guerre que l'on pourrait attendre. Sans parler des concepts développés par le groupe, joyeux pot-pourri d'ésotérisme völkisch et de thèmes plus sulfureux (en témoigne l'excellente reprise de "Commie Scum", du groupe de RAC Fortress), Sigrblot réussit à imposer une présence folklorique et "ancienne" palpable, qui atteint son paroxysme sur le morceau titre de l'opus, alternant entre blast-beats épileptiques et rythmiques très dansantes. Sigrblot signe sur "Blodsband" une certaine prouesse : celle d'accoupler des guitares sèches traditionnelles et des effets sonores avec des riffs en tremolo-picking en évitant de sombrer dans le "pouet pouet slava" (une erreur que reproduisent bon nombre de formations à l'heure actuelle). "Blodsband" reste difficile à assimiler, tant il semble compact : les variations rythmiques n'étant pas forcément légion, les 12 titres se déroulent sans discontinuer, aucun répit n'est accordé à l'auditeur. Ce côté "étouffant" est illustré par "Endtime Communion", seize minutes tout en mid-tempo, saupoudrées d'effets sonores en tous genres, un monolithe qui devient rapidement lassant, et ce malgré la force de certains riffs.
"Blodsband" contentera aussi bien les amateurs de Black Metal véloce, qui tabasse sans se poser de questions, que ceux qui recherchent quelque chose d'un peu plus "poussé" que les thématiques traditionnellement développées dans le genre. Long et imposant, l'album pousse l'auditeur à persévérer dans l'écoute, tant les concepts ont été travaillés et poussés. Difficile à digérer, "Blodsband" est une galette exigeante vers laquelle on reviendra immanquablement - dix ans déjà depuis sa sortie, nul doute que le temps n'aura pas non plus d'emprise réelle sur cette dernière. A l'image de l'artwork, Sigrblot constitue un Jihad sonore à lui seul.
| Sagamore 20 Juillet 2014 - 1757 lectures |
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