Parmi les dizaines de formations que j'apprécie, il y a en finalement peu que j'affectionne par dessus tout, un attachement qui n'est paradoxalement pas toujours lié à la qualité des sorties. Machinae Supremacy en fait partie et en est le parfait exemple car quelques soient les hauts et bas de leur discographie, leur musique m'a toujours parlé en tant que metalleux, guitariste, amateur de science-fiction ou gamer invétéré depuis l'âge de 6 ans. Un mélange subtil et pleinement adapté à mon histoire dont je suis conscient qu'il ne correspond pas à tout le monde. Vu l'engouement suscité par les chroniques de leurs deux précédentes sorties, j'aurais pu (dû?) m'arrêter là mais je n'aurais pas supporté l'idée qu'un des meilleurs albums du groupe, si ce n'est LE meilleur, ne soit pas référencé dans ces colonnes.
Au risque de passer pour un blasé, les claques musicales se font de plus en plus rares en ce qui me concerne. Mes coups de coeur des années passées ne transforment pas toujours l'essai, les retours tant attendus se révèlent des pétards mouillés et les références elles-mêmes ont tendance à stagner ou régresser. Moins metal, plus rock'n roll, j'avoue avoir été assez sceptique quant au virage pris par Machinae Supremacy en 2010. Cependant, après un
"A View from the End of the World" en demi-teinte, on sentait déjà le combo retrouver sa verve sur un
"Rise of a Digital Nation" plus compact et efficace, bien qu'encore loin de sa gloire d'antant. Mais "Phantom Shadow" mes amis, cet album, je l'attendais au moins depuis
">"Redeemer" voire encore plus longtemps sans doute. Plus qu'une claque, c'est un putain de coup de pied au cul dès les premières écoutes et surtout une leçon de savoir faire comme seule la Suède sait en produire.
Ne vous fiez pas à cet artwork de film d'animation japonais, il ne fait qu'illustrer l'histoire contée durant ces 66 minutes. Les titres des morceaux et les interludes suggèrent la mise en situation de différents personnages dans un combat épique et manichéen... Je ne m'aventurerai pas à vous en dire plus au risque de tomber à côté de la plaque. Musicalement, le groupe a su faire le tri dans ses travers pour ne conserver que le meilleur. On se demanderait presque s'ils n'ont pas vendu leur âme au diable tant le fossé est grand avec
"Rise of a Digital Nation". Pour moi, la force de "Phantom Shadow" nait avant tout de cet équilibre entre un power mélodique très traditionnel et cette vision 80's du futur. A défaut de nous surprendre par les structures de ses morceaux, Machinae Supremacy le fait finalement par ses choix artistiques un peu à contre courant des évolutions actuelles. Sous leurs airs de mecs next-gen, nos Suédois semblent assez nostalgiques d'un passé qui ne fait plus recette. Ici l'électronique n'a pas tout écrasé ; au contraire, ce sont les guitares qui règnent en maître. Et croyez-moi, elles n'ont aucune limite : leads interminables, solos déments, mélodies so-swedish, elles offrent un déluge de notes à faire battre le coeur de tous les amoureux transis de la scène de Göteborg. Si l'on peut regretter que le 8 bits soit légèrement passé en arrière-plan, sa présence discrète continue de forger l'âme de leur musique et cette atmosphère de JRPG. Au final, le calcul est bien vu de la part du quintette car les quelques minutes de gloire qui lui sont accordés ici et là renforcent son impact et l'effet de surprise. Quant au chant, Gaz reste fidèle à lui-même : on aime ou on déteste sa voix heavy nasillarde mais elle demeure une partie de l'identité de la formation que j'adore.
J'ai beau l'écouter encore et encore, cet album me met systématiquement sur le cul. Aussi soigné et complexe soit-il, le travail de composition se concentre sur l'essentiel à savoir le groove et ça fonctionne dès les premières minutes. Même si tout n'est pas exempt de défauts (la ballade "Europa", les couplets de "Throne of Games" ou "Renegades" par exemple), le groupe s'arrange toujours pour nous maintenir en haleine et parvient à créer un tout incroyablement varié et cohérent, nous plongeant dans un univers futuriste et fantastique. Il a insufflé une personnalité différente à chaque titre et chacun d'eux comporte son lot de temps forts et d'émotions, allant du refrain génial au solo dantesque en passant par le moment électro qui tue, quand ça n'est pas tout à la fois. "The Villain of This Story" et ses changements de tonalité, le bodomesque "Phantom Battle", "The Second One" qui nous rejoue "Indiscriminate Murder is Counter-Productive", l'électronique de "The Bigger They Are the Harder They Fall", "Versus" et son solo, l'efficace "Beyond Good and Evil"... Rien n'est à jeter et captive jusqu'aux dernières notes de la superbe conclusion "Hubnester Rising".
Contre toute attente, Machinae Supremacy sort de son chapeau la quasi-parfection, pas que je ne les croyais pas capable étant donné leur passé mais certainement pas aussi rapidement. Amateurs de metal mélodique, ne passez pas à côté de cet hommage à tout ce qui fait la beauté du genre : puissant, racé, profond, "Phantom Shadow" est une petite merveille que vous n'êtes pas près d'oublier. Quant à moi, cela faisait bien longtemps que je n'avais pas ressenti autant de choses en écoutant un album. Juste merci.
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