Omnihility - Deathscapes of the Subconscious
Chronique
Omnihility Deathscapes of the Subconscious
Il paraît que le temps qui passe a tendance à embellir les choses. C'est pourtant on ne peut plus faux, regardez Brigitte Bardot. Il y a de ça douze mois, je me disais qu'on vivait la pire année qui soit en matière de brutal death, ou à défaut la pire que j'ai pu connaître en (putain déjà) plus de seize ans à écouter cette musique de barbares qui jouent sur des tempos que les métronomes du commerce n'atteignaient pas il y a encore quelques années. Pas un seul bon album de brutal death en 2013, zéro, quedalle, peau de zob, rien d'écoutable hormis un titre de Necrotic Disgorgement – oui, un seul. Je me disais que c'était sans doute un effet dû à la nostalgie, mais non, du bon brutal death il y en avait un paquet au début des années 2000, et quasiment plus une décennie plus tard, en tout cas rien qui ne puisse satisfaire ceux qui comme moi pensent que la mosh part, le break hardcore et le dernier Origin sont l'exact opposé de la notion de brutalité. La faute au deathcore de chiotte qui a envahi même les bonnes crèmeries comme Unique Leader, au brutal death US qui n'a fait que ralentir et s'alourdir, mais aussi à tous ceux qui ont emboîté le pas du brutal death technique sans avoir de talent et qui ont rendu les bas-fonds du style sans doute encore plus inécoutables que ceux de ses homologues plus traditionnels. Où était passé le bon vieux brutal death classique, linéaire et efficace, descendant direct des Morbid Angel, Suffocation et autres Angelcorpse ? Où allais-je pouvoir dégoter le nouveau Centurian ? Malgré les efforts de l'Italie et de l'Amérique du Sud, la tradition semblait un peu se perdre dans la modernité. Et puis à la plus grande surprise d'un yaourt qui n'attendait plus rien de ce label, c'est encore une fois de Unique Leader qu'est venue la lumière.
Bon, j'exagère un peu, je connaissais déjà Omnihility il y a deux ans, même si je n'ai jamais pris le temps de me procurer leur premier album, me contentant d'écouter les deux titres disponibles, dont l'un était assez banal et le second très bien, quoiqu'un voyant « ceci n'est pas Origin » s'alluma en lettres de feu dans mon esprit dès les premières secondes. Je me contentais alors de classer le groupe de l'Oregon dans la catégorie des (nombreux) clones plus ou moins avoués de quartet du Kansas qui n'avaient pas grand chose à proposer d'autre que ce que leurs aînés avaient pu faire, mais en moins intéressant. Et j'avais complètement tort. Deathscapes of the Subconscious est un album tout à fait personnel et surprenant, non par son originalité mais par sa qualité et surtout sa volonté avouée de s'éloigner de l'image qu'on leur a un peu vite collée à la peau, en choisissant de pratiquer la plupart du temps un brutal death qui suit les préceptes du genre à la lettre. Le reste du temps, Omnihility vire tout à fait dans le brutal death technique catégorie supersonique (on reste très éloigné d'un Severed Savior par exemple), sans toute fois trop en faire.
L'accélération sur « Contemplating The Ineffable », le début de « Last Sands Of Antiquity » ou toutes les parties rapides de « Disseminate » évoquent en effet Origin, que ce soit à cause des intervalles choisis ou simplement parce que le sweeping sur fond de gravity blast fait invariablement penser à la troupe à Paul Ryan et Mike Flores. Mais – et l'objection est de taille – Omnihility n'est pas, comme on aurait pu le craindre, un simple Origin-like comme il en existe beaucoup, et les véritables influences du groupe sont plutôt à aller chercher du côté des grands anciens, Morbid Angel, Suffocation, Centurian, ou même des premiers Hour Of Penance dont ce Deathscapes of the Subconscious est au final bien plus proche que d'un Anthitesis. J'ai longtemps cherché des points de comparaison avec d'autres groupes, car outre l'esprit d'un brutal death technique qui imprègne les passages les plus brutaux de l'album, le reste est parfaitement dans les normes d'un brutal death standard (sans être aucunement péjoratif). Et au final, ce n'est pas chose aisée de trouver des comparaisons parfaitement valables dans un registre aussi classique, aussi me contenterai-je de vous faire remarquer que Omnhility joue du brutal death comme les vieux Hour Of Penance mais en plus nuancé, blaste comme le dernier Antropofagus mais sans l'aspect stop & go, bourre comme Unmerciful mais en plus mélodique, ralentit aussi bien (mais beaucoup moins souvent) qu'a pu le faire Beheaded en à peine moins moderne, et en met autant partout que le nouvel album de Hideous Divinity mais sans le côté artificiel. Et oui, j'ai cité les derniers trucs intéressants sortis par Unique Leader au passage, parce que je suis corporate.
Et bordel, cet album me fait un bien fou. Je suis heureux, à l'heure du pseudo-brutal death qui se traîne à deux à l'heure, des fillettes qui ralentissent toutes les trente secondes pour récupérer et des sous-musiciens qui font du deathcore, qu'un groupe sache encore comment composer un bon titre de brutal death. Du dynamisme, un trémolo et un blast à haut tempo, et il ne suffit de rien d'autre, si ce n'est un sens du riffing, pour faire de « Divine Evisceration » un titre que Centurian ou Chaos Inception auraient pu composer, même si le travail mélodique reste un cran en dessous chez Omnihility. Deathscapes of the Subconscious file droit et sans faute de goût, ne délaissant le brutal death que furtivement pour deux plages d'ambiance à la guitare acoustique que sont les « Ancient Ruins ». Le groupe cherche clairement la pure brutalité sans toutefois abandonner la variation rythmique et l'ouvrage mélodique sur l'autel de la vitesse et du bourrinisme bas du front. Non, Omnihility n'est pas aussi brutal que Origin, tout comme il n'atteint même pas de près l'excellence mélodique d'un Chaos Inception, car le groupe recherche l'épuration d'un brutal death plus simple, plus accessible.
En écoutant les titres disponibles gratuitement vous penserez peut être que Deathscapes of the Subconscious verse complètement dans le brutal death technique, mais pas du tout. Le marketing d'Unique Leader n'est pas né de la dernière pluie, et les deux premiers titres qui ont filtré, « Disseminate » et « Molecular Asphyxation », sont de très loin les plus Origin-like de l'album, et, non sans logique, les deux meilleurs. Plus rapides, plus brutaux mais aussi plus ambitieux que les autres, ils parviennent à transcender l'omniprésente brutalité dans de fulgurantes accélérations qui n'ont rien à envier aux grands noms de la scène brutal death technique. Et c'est peut être là le principal problème de cet album, qui n'est jamais aussi ambitieux et efficace que quand il évoque beaucoup les influences qu'il réfute pourtant avoir.
Mais si le principal défaut de Deathscapes of the Subconscious relève de ce constat abstrait, il possède d'autres failles bien plus concrètes, à commencer par une production honnête mais qui risque d'en rebuter plus d'un. Si la caisse claire trop en avant gênera les non-amateurs de cet artifice de production aujourd'hui très utilisé, c'est surtout un son de guitare inhabituellement grave et couvrant le spectre de la basse qui m'a sauté aux oreilles. Choix matériel, manque de moyen ou résultante d'une attaque de médiator peu orthodoxe, je ne saurais dire, mais c'est un des points facilement améliorables à l'avenir pour Omnihility. Plus inquiétants, le manque de diversité général des compositions – là encore en dehors des moments proches du brutal death technique –, quelques riffs un peu génériques comme le refrain de « Last Sands of Antiquity », et un style globalement monotone qui pourrait sans peine être plus audacieux réduisent drastiquement la durée de vie d'un album dont on aura au final assez vite fait le tour.
D'où une note un peu sévère en comparaison de la qualité de Deathscapes of the Subconscious au sein de la scène brutal death actuelle. J'ai longtemps hésité entre 7,5 et 8, mais s'il est sans problème le meilleur album du genre que j'ai pu écouter en deux ans, il lui manque l'ambition et l'audace d'aller plus loin dans sa démarche, ce qui est d'autant plus dommage que les musiciens en ont les moyens techniques. Pour un album qui essaye d'être le plus brutal possible et qui y arrive sans faire d’esbroufe ou abuser des clichés du brutal death technique, il est presque dommage qu'il se sublime principalement quand il se rapproche de ce style. Si j'ai une nette préférence pour « Disseminate » sur tous les autres titres, la logique d'Omnihility voudrait que les musiciens se dirigent plus vers le style de « Divine Evisceration » afin d'échapper aux comparaisons avec Origin. Or c'est dans ce registre plus conventionnel que les riffs trop faciles et les titres un peu fades se font le plus sentir. Oui, les musiciens de l'Oregon ont une marge de progression, mais ce serait tout de même cracher dans la soupe que de dire que leur second album ne remplit pas son office. Qu'importe les quelques défauts et deux titres acoustiques beaucoup trop sages et un peu inutiles, Deathscapes of the Subconscious est un très bon album de brutal death, ce qui en ces temps de disette en fait déjà une rareté. Écoutez donc le dernier Origin, pour comparer...
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