Le Black Industriel, c'est tout un poème, un univers à part entière, ou la prise de drogues diverses et variées côtoie le spirituel, ou les beats et les nappes industrielles ne sont présentes que pour ouvrir les portes de la perception et repousser les frontières de l'esprit. Un genre très vaste, ou le très bon, le riche, le complexe côtoie le foutage de gueule pur et simple, le tartinage de riffs sur une rythmique aussi épileptique qu'ennuyeuse. Les rois de ces terres mécaniques (leurs créateurs, même) étaient bien entendu les trois Norvégiens de Mysticum. La conjugaison au passé est malheureusement nécessaire, puisque, Flesh vous en a parlé mieux que quiconque, "Planet Satan" a été une déception aussi grande que l'attente qu'elle aura suscité fut longue : Dix-huit ans. Un délai pareil, ça laisse le temps à des générations entières de musiciens de s'approprier l'héritage d'une formation pour le transformer et l'arranger à sa propre sauce. Si la scène hexagonale compte LA pointure du style qu'est Blacklodge, le géant cache pourtant des formations plus secrètes, mais non moins talentueuses : Puritas Virginum, Pavillon Rouge, Division : Cristal... Et Alien Deviant Circus, dont nous parlons aujourd'hui.
Derrière ce nom foutraque se cache Azat Psy Tantra, maître de cérémonie et pseudo-théoricien d'une doctrine mêlant hindouisme, satanisme et philosophes plus ou moins tendancieux. Un tel pot-pourri a donné lieu à des disques plutôt réussis, hypnotiques, de l'assaut frontal qu'était "Satanic Djihad" jusqu'au très ritualiste
"En To Pan Omegas". Les prestations scéniques du combo étaient à l'image de ce joyeux patchwork, la performance n'était pas seulement musicale, elle était physique, et visuelle : body-art extrême, têtes de porcs et saignements côtoyaient un jeu de scène aussi autiste qu'hermétique. Un art qui n'était pas joué, mais bel et bien "vécu", et indéniablement, ce qui m'aura donné l'envie de m'imprégner du travail d'Azat sur album. Le bonhomme aura certes mis moins longtemps à accoucher de son dernier rejeton que les Norvégiens, mais il souffre malheureusement du même syndrome : "Ananta - Abhâva" est une déception.
Non pas que l'album soit dénué de bonnes idées, au contraire ! Le côté ritualiste qui faisait tout le sel des précédents albums d'Azat est conservé, préservé, même magnifié... Mais il est noyé dans l'insupportable longueur des morceaux.
"En To Pan Omegas" possédait déjà une durée colossale (plus d'une heure), mais les titres étaient suffisamment bien découpés pour que l'écoute ne soit pas trop éprouvante pour l'auditeur. "Ananta - Abhâva" est un bloc ultra compact, cinq titres pour une heure dix, un mur que l'auditeur se prend en pleine face. Et croyez moi, au vu du résultat final, il aurait clairement pu être amputé d'une vingtaine de minutes. Poussif, malgré une introduction extrêmement réussie, "AP (nâda)" met pas moins de six minutes à démarrer réellement, pour se traîner péniblement pendant le quart-d'heure restant : le même schéma rythmique, la même voix sans réelle conviction (là ou des titres comme "Jai kaly Maa" étaient proprement déments et équilibrés), l'ouverture d'"Ananta-Abhâva" est malheureusement le résumé parfait de ce qu'est l'intégralité de l'album, un quart d'excellentes idées dilué dans de l'ameublement basique que l'on étire jusqu'à saturation. Et qui dit dilué, dit également saveur atténuée...
Tout n'est pas à jeter dans ce "Ananta - Abhâva". Ce sont les titres les plus courts qui tirent leur épingle du jeu. "Aham Tattva" et ses rafales de kicks massifs, ses alternances entre vélocité des beats et passages plus contemplatifs vient réveiller l'auditeur de sa torpeur; "Mrityu Moksha (vâc)" et son introduction au clavier que n'auraient renié ni Carpenter ni Goblin agit comme rappel des plus belles heures d'Alien Deviant Circus, en convoquant sa facette la plus religieuse, donnant envie de se draper de la tête au pieds, prendre son encensoir et scander les même aphorismes qu'Azat. Pour le reste, on retiendra que "Hiranya - Garbha (shakti)" est ce pourquoi il devrait être interdit, en 2015, de faire durer un sample plus de quatre minutes. Que "Maha Pralaya (pradhamsa-abhava)", titre de clôture, vient secouer un disque mou du genou en équilibrant les parties purement industrielles et le tabassage en règle. Et, pour finir, que la dernière offrande d'Alien Deviant Circus n'est pas aussi convaincante que les précédentes.
Là ou un Blacklodge fait l'effort de se renouveler à chaque nouveau disque, apportant toujours plus de sonorités et d'effets à ses compositions de sorte à surprendre l'auditeur; Alien Deviant Circus reste toujours au même endroit, exactement ou on l'attend. Ce pourrait être une grande qualité si "Ananta - Abhâva" n'était pas aussi long, aussi poussif, noyant les quelques sursauts (pourtant de très bonne facture) qui le tirent vers le haut dans d'interminables nappes qui finiraient par filer mal au crâne à un tube de Doliprane. L'envie ne manquait pas, mais l'ensemble souffre bien trop de son manque d'équilibre et de variété pour être réellement apprécié. En raccourcissant les titres les plus long, on aurait pu tenir entre les mains une véritable leçon du genre. A la place, Necrocosm nous offre une bête qui peine à montrer les crocs. Dommage...
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