Irkallian Oracle - Grave Ekstasis
Chronique
Irkallian Oracle Grave Ekstasis
Groupe à géométrie variable, Irkallian Oracle voit le jour en 2012 à Göteborg. Sur le papier, ce sont six membres qui composent ainsi la formation suédoise bien qu’aucun ne soit nominativement attaché à celle-ci. De fait, malgré quelques pistes plus ou moins probantes, Irkallian Oracle demeure un grand mystère pour la plupart d’entre nous. Une certaine opacité que le groupe se plaît naturellement à cultiver en passant le plus clair de son temps affublé de longues toges brunes, le visage dissimulé sous de larges capuchons.
Un an seulement après sa formation, le groupe accouche de son premier album. Intitulé Grave Ekstasis, celui-ci sort au format cassette sur le label Bolvärk (qui n’avait jamais rien sorti jusque-là et qui n’a encore donné aucune suite depuis). Bien que limité à seulement 300 exemplaires, l’album finit par tomber naturellement entre les mains d’un label déjà réputé pour la qualité de son roster. C’est ainsi que Nuclear War Now! se chargera de sortir en février 2014 la version CD (suivie un mois plus tard par l’édition vinyle) de ce premier album qui a semble-t-il fait grand bruit au sein de l’underground.
Devant ce qui semble être un véritable succès d’estime, sachez néanmoins que l’on n’aborde pas Grave Ekstasis comme on aborde un simple album de Death Metal. Car bien que Suédois, originaires qui plus est de Göteborg (capitale mondiale du Death Mélodique avec In Flames, At The Gates, Dark Tranquility, Arch Enemy...), Irkallian Oracle n’est pas le genre de groupe à se laisser dompter aussi facilement. Bien loin de ce Death Metal FM désormais plus proche de la Pop, Irkallian Oracle produit une musique incroyablement dense et oppressante empruntant pour se faire de sombres et terrifiants détours. La ligne droite est en effet rarement une option pour le mystérieux groupe suédois dont les cinq titres s’allongent ainsi sur un petit peu plus de quarante-trois minutes. Il y a bien cette exception qui confirme la règle avec le très direct "Trans-Abysmal Echoes (Non-Sens)" (un peu plus de deux minutes) mais dans l’ensemble on oscille plutôt entre six et treize minutes pas titre. De quoi décourager les plus bas du front, ceux qui apprécient leur Death Metal exécuté pied au plancher.
Mené par cette idée à la fois terrifiante et insaisissable de l’Irkalla, ce royaume d’en-bas où, dans l’ancienne croyance babylonienne, règne l’impitoyable Ereshkigal, le groupe suédois s’attache à dépeindre et ainsi honorer cette notion d’Enfer sous-terrain. Une vision qui passe dans le cas présent par une musique lente et extrêmement répétitive mettant en exergue des atmosphères ritualistes et oppressantes. Atmosphères d’ailleurs illuminées de petits arrangements discrets mais à l’effet immédiat (tambours, tambourins, cloches etc...). De ces nombreuses séquences que l’on pourrait croire calquées à l’infini (l’aliénant "Ekstasis"), ressort une certaine idée de la folie mais aussi un sentiment de toute-puissance. Celle d’une Déesse tyrannique et intransigeante régnant sans partage et sans merci sur une citadelle remplie de morts. Ces riffs lancinants et entêtants qui n’ont de cesse de tournoyer au-dessus de nos têtes nous rappellent ainsi à notre état d’hommes et femmes fragiles et vulnérables, engeances misérables et damnées sujettes aux pires maladies mentales et à la triste déchéance physique.
Une ambiance obscure et pesante au service d’une vision loin d’être aussi étriquée et redondante qu’il n’y paraît. Car malgré le caractère répétitif que revêt la musique d’Irkallian Oracle, nombreux sont les passages où le groupe s’emballe avec force et véhémence. Son Death Metal occulte change alors de visage pour revêtir quelques atours bien plus agressifs et dynamiques comme par exemple sur "Iconoclasm" (0:00-0:35, 4:13-4:43, 4:56-5:50), "Dispersion" (0:53-1:06, 4:13-4:48) ou encore l’éreintant "Trans-Abysmal Echoes (Non-Sens)". Des séquences qui viennent rompre avec cette aliénante monotonie, tel un simulacre de fraicheur dans cette dense et toujours très oppressante représentation du vide. Car ne vous y trompez pas, mais ces passages se révèleront tout aussi exigeants, rappelant alors le Death Metal organique et boueux d’un Antediluvian ou d’un Portal. L’apaisement ne viendra point, même lorsque ces quelques voix plus lointaines, confortant ainsi cette impression de rituel occulte, viennent prendre le relai de ces growls profonds, monstrueux et inhumains.
Grave Ekstasis ne fera pas l’unanimité. C’est un fait. La "faute" à un Death Metal que beaucoup trouveront trop monotone. A juste titre d’ailleurs. Cependant, à l’image de cet artwork signé David Herrerias (Necrocurse, Nightbringer...), si la musique d’Irkallian Oracle semble décrire une spirale sans fin, jamais le groupe ne se mord la queue, réussissant à insuffler un soupçon de variété à ce qui s’apparente en quelque sorte à une espèce de messe hypnotique. Difficile d’accès, la musique des Suédois nécessitera un nombre d’écoutes conséquent avant que vous puissiez en saisir toutes les subtilités. Un effort nécessaire qui laissera peut-être quelques personnes sur le carreau mais saura récompenser les plus méritants. Courage.
| AxGxB 20 Janvier 2015 - 1138 lectures |
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