Un nouveau disque de Sigh est un événement. Pas seulement pour les fans de Sigh mais également pour les curieux, les amateurs de groupes ayant une patte personnelle. Le gang japonais qui a fêté ses vingt-cinq ans d'existence est une de ces formation que l'on écoute pour tenter et que l'on ré-écoute des années plus tard, histoire de voir comment ils évoluent ou quelles nouveautés sont apportées. Comme j'aurais pu en faire le constat sur ma chronique d'
« In Somniphobia » précédent effort des Tokyoïtes, certains accrochent plutôt à leur Black cru et tordu des débuts alors que d'autres préfèrent les ambiances plus carnavalesques – à rapprocher d'un Mr. Bungle – de leurs dernières productions. Dire que « Graveward » était attendu est donc un doux euphémisme tant le groupe aura su se faire une place de cœur chez beaucoup d'auditeurs. Miraï (très actif chez le réseau social le plus connu du monde) a d'ailleurs entretenu le suspense en proposant au public des versions démos, des ébauches de pochettes, des vieilles photos collectors et autres joyeusetés. Le temps est donc passé et voilà que déboule ce nouveau disque affichant une ambition franchement démesurée.
100 GB de stockage pour l'album entier, plus d'une centaine de pistes enregistrées pour chaque morceau, des guests prestigieux et nombreux (Niklas Kvarforth de Shining, Matt Heafy de Trivium, Fred Leclercq de Dragonforce, Sakis Tolis de Rotting Christ, Metatron de The Meads of Asphodel...), un nouveau guitariste et des hommages musicaux aux films de zombies italiens, à King Diamond, Magma, Frank Zappa, John Carpenter, Stravinsky, Sun Ra, Bela Bartok, The Beach Boys et pour finir, une volonté d'aller explorer la musique ethnique de l'Asie centrale. Vous en conviendrez : le programme est monstrueux. Je suis le genre de mec qui a une confiance absolue en Miraï Kawashima. En fait, il peut annoncer un featuring avec Rihanna ou un enregistrement sur la Station Spatiale Internationale, je pense que je le suivrais. Je sais qu'il y aura dans son nouveau disque au moins quelques choix qui me plairont même si je ne suis pas non plus aveugle au point de lui coller des notes massives à chacun de ses efforts.
Le premier de ces parti pris intelligents est très facile à remarquer dans ce « Graveward ». Alors qu'on est en 2015 et que pratiquement tous les artistes aspirent à obtenir un rendu sonore actuel, Sigh décide d'empester la vieille bande magnétique. Vous pensiez que les derniers Darkthrone sonnaient rétro, laissez-moi vous dire que cet opus est nettement plus vintage que tout ce que j'ai entendu dans les dix dernières années. La batterie est très étouffée et groovy, ce qui nous rappelle le milieu des années quatre-vingt. De même les guitares sonnent comme s'ils elles avaient craché leur venin depuis un bon vieux Vox Vintage Series. La saveur à l'ancienne des claviers Moog est ici à son paroxysme puisque Miraï semble avoir tiré le meilleur de lui-même pour aller chercher ces ambiances sorties des groupes de free-jazz / jazz-rock des années soixante-dix. Pour autant, n'allez pas croire que ce dernier-né de nos japonais favoris est un vulgaire patchwork de sonorités rétro. Non monsieur, les quelques touches d'électronique ou de cuivres (qui sont des vrais instruments d'orchestre et non des synthétiseurs, c'est toujours bon à souligner) sont eux mixés avec une finesse remarquable.
Si on rentre un peu dans le détail des compositions, un deuxième élément frappe tout de suite et c'est à partir de là que je vais modérer un poil mes éloges. Le chant clair fait son apparition chez Sigh. Parfois, pour le meilleur : sur certains passages, notamment le final de « The Trial By The Dead » ou le début de « The Casketburner », on a la furieuse impression de se retrouver nez-à-nez avec une version métallisée de « Mekanïk Destruktïw Kommandöh » et dans ce cas de figure il est impossible de bouder la richesse d'influence que la bande à Miraï a su intégrer dans ses morceaux. De l'autre côté, on est parfois obligé de se faner des lignes de chant clair imbuvables pour ma part. En fait, on dirait du Mercyful Fate et je déteste tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à King Diamond. Nul doute cependant que les amateurs de danois castrés sauront apprécier les refrains de « Kaedit Nos Pestis » ou de « Graveward ». Le chant clair hommage au Heavy est donc pour ma part LE défaut de ce dernier disque mais encore une fois, ce n'est que mon goût personnel et je suis certain qu'au final, il ne choquera pas grand monde.
J'avais parfois critiqué les dernières sorties des vétérans pour une chose : un certain manque de cohérence. Ainsi, des disques comme « Gallows Gallery » ou même
« Hangman's Hymn » pouvaient sembler bâclés, expédiés. Une tendance qui cependant se résorbait nettement sur
« Scenes From Hell » ou
« In Somniphobia » et qui se confirme sur ce « Graveward » clairement très bien construit. Chaque chose à sa place et chaque place a sa chose. Les titres se fondent bien entre-eux, franchement aidés par cette production rétro et l'album offre une progression puisqu'après les deux premiers titres un peu catchy et « faciles », on déroule le tapis rouge à la progression, la complexité et les arrangements.
Pour résumer que dire ? Il y a des choses qui me plaisent beaucoup dans ce Sigh cuvée 2015 et d'autres nettement moins. Cependant, on pourra facilement remarquer l'inventivité de ce nouvel opus prenant assurément plus de risques que les quatre dernières sorties des japonais. Une créativité et des choix qui sont donc à saluer bien-bas. On ajoutera également une fin de disque bien plus inspirée que le début et des clins d’œils musicaux à Magma, Aphex Twin (pour les quelques bidouillages IDM présents) ou Franck Zappa de fort bon goût. Pour le reste, Sigh conserve sa folie, ses bonnes vieilles recettes et les fans devraient apprécier.
7 points auxquels vous rajouterez facilement 1,5 points si vous n'êtes pas du genre allergique au chant Heavy...
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