Pourquoi le metal ne nous lasse jamais ? Parce qu’il regorge de surprises. Ainsi même un style pourtant extrême et radical comme le death metal prouve encore qu’il est toujours à même d’évoluer, de se diversifier et de s’ouvrir à de nouveaux horizons… Et c’est justement des horizons lointains de la Nouvelle-Zélande que nous provient l’une de ces surprenantes entités, à savoir Ulcerate.
On avait laissé Ulcerate sur un
Of Fracture and Failure qui révélait déjà un death metal singulier, mais encore confus et peinant à convaincre sur la longueur. Cependant cet
Everything is Fire amorce des changements significatifs qui posent les bases de la musicalité des néo-zélandais. Si les influences du premier album sont toujours présentes et bien digérées (Gorguts pour les dissonances et Hate Eternal pour l’intensité), le groupe insère désormais de nombreuses plages atmosphériques, lancinantes et dépouillées qui aèrent sa musique et servent cette ambiance menaçante caractéristique tout au long du disque. Au niveau du chant un recentrage stratégique est opéré : exit Ben Read et l’alternance growls/cris, le poste est repris par le bassiste Paul Kelland qui s’exprime uniquement dans un growl amer et inflexible.
Le résultat s’avère être une identité cohérente, un death metal brutal au sens de la dissonance quasi-esthétique et mélodique, et comprenant des alternances de climats évoquant notamment Neurosis et la scène qu’il a engendré. La durée des morceaux s’est allongée, allant de cinq à huit minutes pour des développements plus ambitieux et globalement mieux structurés, de sorte que l’on se retrouve face à une tornade brûlante constituée de blast-beast et de mélodies dissonantes qui, si elle retombe occasionnellement, reste dangereuse tant la pression est maintenue.
L’ouverture « Drown Within » témoigne d’entrée de jeu de cette mutation : une montée en puissance lente et angoissante débouchant sur un monstre d’agressivité et de technique, comportant une emphase jusqu’alors seulement entrevue sur des morceaux comme « Defaeco » lors du précédent effort, confirme le tournant pris par Ulcerate. Même un titre pourtant fiévreux et dévastateur tel que « We Are Nil » se conclut par un final majestueux ne manquant pas de rappeler Isis. Le groupe affine sa maitrise de la composition et le montre sur un impressionnant « Caecus » à l’allure de grand huit musical, à l’entame incroyablement brutale, qui décélère doucement vers une accalmie minimaliste pour revenir progressivement là où il a commencé. Le morceau suivant, « Tyranny », réussit tout aussi bien en appliquant une dynamique asymétrique à son prédécesseur. Bluffant.
Cette formule ne fonctionne cependant pas toujours aussi bien la où les néo-zélandais se font encore un peu trop chaotiques (« Withered and Obsolete » par exemple), ou quand amener l’émotion chez l’auditeur bousculé par tant de virulence, parfois difficilement digeste, reste difficile. Mais là où ce dernier sera instantanément convaincu, c’est sur la prestation stupéfiante du batteur Jamie Saint-Merat, alignant sans discontinuer blast-beast et roulement sur fond d’un jeu de cymbale riche, et s’adaptant aux variations d’intensité en restant toujours captivant et pertinent. Plus qu’un simple accompagnateur (en plus d’assurer à son bébé une production ample et dynamique), il accentue le sentiment d’oppression et la dimension tentaculaire de ce death metal, qui laisse définitivement admiratif sur un titre éponyme quasiment épique avec son envolée en seconde partie, synthétisant brillamment la démarche entreprise sur ce deuxième essai.
Ulcerate commence clairement à partir de cet
Everything is Fire à tracer son sillon, et si cette musique à la fois fine et sévère peine encore par moment à envouter pleinement l’auditeur, le concept de ce death à la fois brutal, psychologique et nuancé est bien posé et exploité de manière intelligente. Une belle surprise en somme !
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