Je ne sais pas comment vous vous souvenez de
Eater of Birds et
Gin. Pour ma part, j'ai en mémoire des disques inclassables et rageurs au possible. Deux œuvres qui m'ont marqué, à une époque où le terme « post-black » n'était pas encore monnaie courante et où chacun des groupes méritant le terme me frappait d'une mandale au goût d'inédit, malgré une parenté de « genre » (il n'en était pas vraiment un à l'époque – comment mettre dans une même case des entités aussi diverses que Altar of Plagues, Wolves in the Throne Room ou encore Krallice ? –, alors qu'il est aujourd'hui synonyme d'une manière de faire à la limite du cliché... Passons). C'est encore le cas de nos jours, le style de Cobalt n'ayant jamais trouvé d'équivalent chez d'autres formations. Américain jusqu'au bout des ongles, il était, et reste, pour moi le seul à mériter pleinement l'étiquette « USBM » qu'on appose souvent pour des origines géographiques et peu pour des raisons d'ambiance, d'atmosphère d'un pays, que la paire Erik Wunder / Philip McSorley avait su capter.
Donc, forcément, quand j'ai appris que l'une de ses têtes pensantes avait décidé de reprendre du service sept ans plus tard, j'étais heureux, me frottant déjà les mains à l'idée de recevoir un album qui remettrait à toute une scène les pendules à l'heure. J'espérais un retour poursuivant la voie tracée par ses deux prédécesseurs, avec la puissance, la hargne, que j'avais déjà appris à apprécier. Tout simplement.
Mais ce n'est pas ce chemin qu'a suivi Cobalt avec
Slow Forever. Il a décidé sur ce double-album de jouer en long et en large, garder son style particulier tout en proposant ce qu'il a de plus mesuré, horizontal. Un choix étonnant, tant la musique perd ici le contraste entre rituel désertique et assaut armé qui faisait le sel d'un disque comme
Eater of Birds. Lent, mou, répétant des motifs qui ne demandent pas à l'être, ce quatrième longue-durée pose déjà problème par ses intentions de départ, très éloigné de ce qui me plaisait chez son créateur. Une impression de retrouver mon Amérique défigurée, le départ de Philip McSorley ayant entraîné ce que je pouvais imaginer de pire : amputé d'une de ses moitiés, Cobalt n'est plus capable que de rouler en chaise, filant droit sans sursaut (jusqu'à une batterie où « feeling » s'écrit au passé), sans intensité.
Il en faut du courage pour s'enquiller les quatre-vingt-trois minutes de
Slow Forever. Plus rock (paraît-il qu'il y a même du Tool ici – alors que j'ai, à mon avis, plus de chances de retrouver mes clés dans ces compositions que des passages me rappelant le groupe de Maynard James Keenan), il traîne ses quelques riffs sans entrain, cherchant à instaurer un rite qui ne prend pas. Tout semble engoncé, entre volonté de trancher avec l'ancienne mouture de Cobalt et un riffing tablant sur les mêmes cordes sudistes sans posséder le groove, l'acidité, d'un morceau comme « Praying Mantis » par exemple. Et que dire de ces interludes à la guitare sèche, sinon qu'ils sont le couperet final à toute forme d'investissement dans ce qui est proposé ici ? Auparavant dur, batailleur, sulfureux, Cobalt est devenu chiant. Peut-être soigné, minutieux même (la production est on-ne-peut-plus adaptée à ce sujet, granuleuse tout en laissant parler chaque instrument), mais unilatéralement chiant.
Mais ce qui fait passer
Slow Forever décidément de l'autre côté de la barrière n'est finalement pas son concept qui n'aurait, seul, inspiré chez moi qu'un ennui passager avant d'aller écouter d'autres artistes, façon « ce n'est pas pour moi mais je respecte ». Non, ce qui me donne le sentiment qu'ici Cobalt fait plus que rater le coche et trahit ce qui était son esprit (oui, un groupe, même présent à seulement 50 %, fait ce qu'il veut et oui, c'est sa création et non la mienne – ce qui n'empêche pas d'avoir un avis sur celle-ci ; c'est même pour le partager qu'on est là, notez) se situe dans sa nouvelle recrue, le débarqué de Lord Mantis et Nachtmystium Charlie Fell. Sa voix est affreuse, stridente pour rien, loin de cette colère congestionnée appelant aux armes d'autrefois, tout en cherchant à la copier. Une horreur à entendre, tant le mimétisme est catastrophique, sonnant faux, tombant dans des intonations hardcore qu'avaient su éviter jusque-là les Ricains, passant de chefs de file à troufions n'ayant jamais quitté leur rocking chair, se rêvant combattants en faisant les déstockages de l'armée. D'extérieur tel qu'on l'avait connu, Cobalt devient au fur et à mesure une ombre de ce qu'il avait été. Une resucée qui a perdu tout ce qui le rendait implacable. Du toc.
Soyons clair : si pour vous le black metal est plus que des apparats, qu'il se doit d'être punk, furieux, entêtant de fièvre, alors
Slow Forever n'est pas black metal. Par contre, si pour vous le post est synonyme de choses peaufinées, précieuses, prout-prout, où l'on passe plus de temps à réfléchir sur ce que l'on entend qu'à véritablement l'apprécier, alors désolé, mais c'est ce qu'est devenu Cobalt. Ne vous faites pas avoir par la pochette : on se situe plus du côté de la contrefaçon Kylo Ren que de l'original Dark Vador.
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