C’est un fait, l’hiver est encore à nos portes pendant encore quelques semaines. Et même si les températures semblent aujourd’hui plus douces et que les nuits raccourcissent à vue d’œil, les arbres sont quant à eux toujours très largement dégarnis, le ciel bas et voilé et l’atmosphère grise et sinistre. Un temps idéal pour écouter un des nombreux disques de Bekëth Nexëhmü, obscur projet suédois devenu aujourd’hui one-man band suite à la défection de Lik (chanteur à temps partiel) qui, rappelons-le, aurait vraisemblablement tenté en 2010 d’étrangler Swartadauþuz, tête pensante et homme à tout faire au sein de cette mystérieuse entité nordique.
Comme l’a très justement précisé Sagamore dans sa chronique de
De Glömdas Ursjälar, Bekëth Nexëhmü compte à son actif un nombre plutôt conséquent de démos en tout genre, la plupart limitées à de ridicules petites quantités (10 exemplaires !) heureusement largement rééditées ces derniers mois par des labels tels que Purity Through Fire, Nordisk Kultur ou encore Mysticism Productions. Parmi toutes ces démos, on trouve néanmoins un album sorti pour la première fois en 2010 au format cassette et depuis réédité dans à peu près tous les formats, notamment dans une version CD proposée en 2012 par Yule Records, petit label italien au moins aussi obscur et confidentiel que Bekëth Nexëhmü lui-même.
Comme vous avez probablement pu le constater en jetant un coup d’œil à la pochette de ce seul et unique album, l’identité visuelle très marquée de la formation suédoise ne date pas vraiment de la dernière chute de neige. Paysages d’hiver en noir et blanc immortalisés à la nuit tombée, logo naïf et tarabiscoté et runes indéchiffrables font effectivement partie du décorum de Bekëth Nexëhmü depuis ses tout premiers balbutiements. De la même manière, ce Black Metal improvisé (vraisemblablement composé/imaginé/crée durant les multiples phases d’enregistrement), primitif, dépouillé et contemplatif pourvoyeurs d’atmosphères saisissantes évoquant le froid, la nature et la solitude n’a pas non plus particulièrement évolué à en juger par ce premier album proposant déjà tout ce qui fait aujourd’hui encore le charme de Bekëth Nexëhmü.
Black Metal lo-fi, celui-ci se caractérise ainsi par une production sommaire et volontairement rachitique. Un son maladif qui aujourd’hui ferait presque peine à entendre s’il ne servait pas ces atmosphères vaporeuses, boisées et enneigées pleines de mystères, de traditions, et de rites anti-cosmiques. Un cadre sonore d’un autre temps, d’une autre époque qui renvoi inévitablement aux premières productions scandinaves du début des années 90. Riffs qui grésillent, batterie saupoudrée de réverb, clavier hypnotique aux sonorités quelque peu datées, chant arraché et lointain, perdu dans ces mystérieuses forêts…
Présenté comme un album totalement improvisé,
De Dunkla Herrarna ne donne pas pour autant le sentiment d’un disque complètement décousu pouvant manquer de cohérence. Pourtant, il n’est pas rare de voir se succéder au sein d’un même morceau des séquences n’ayant aucun lien particulier entre elles. C’est par exemple le cas sur "Vargasonen", avant-dernier titre de l’album, composé de ce qui semble être deux parties bien distinctes se chevauchant par un procédé tout simple de fade-in/fade-out. L’album est ainsi truffé de ce genre de petits détails comme ces claquements de baguettes en guise d’introduction qui en règle général ne durent que trois mesures mais semblent ici interminables (comme si Swartadauþuz réfléchissait à ce qu’il voulait/devait faire par la suite). Tout cela confère naturellement à cet album et plus généralement à la musique de Bekëth Nexëhmü une aura toute particulière. Quelque chose de bancal et insaisissable aussi authentique que terriblement hypnotique.
Avec
De Dunkla Herrarna et contrairement à d’autres démos au rythme plus enlevé (je pense notamment à
De Forna Sederna), le duo suédois (Lik est ici au chant) explore des sonorités essentiellement modérées pour un résultat brumeux et envoutant. On trouve pourtant ici et là quelques passages plus "rapides" que les autres mais l’essentiel est bel et bien tourné vers des rythmes entêtant et parfois même répétitifs (sans que cela soit considéré comme un défaut). Ces répétitions sont le plus souvent nuancées par l’ajout de mélodies simples mais accrocheuses que ce soit à travers ces nombreuses nappes de synthétiseur ou bien à travers cette guitare famélique et grésillante. On notera également que la place donné aux séquences instrumentales (à grand renfort de clavier) n’est pas tout à fait la même. Si leur fonction reste inchangée, c’est-à-dire assurer une atmosphère hivernale contemplative propre à l’univers de Bekëth Nexëhmü, elles sont ici présentées comme des morceaux à part entière et surtout ne durent pas plus de trois ou quatre minutes. Le rythme ne s’en trouve pas ainsi plombé par des passages qui, lorsqu’ils sont trop longs et/ou trop nombreux, ont tendance à vite (m’)ennuyer.
Seul et unique album de la pourtant très fournie discographie de Bekëth Nexëhmü,
De Dunkla Herrarna trouve aisément sa place parmi une tripotée de démos parfois presque aussi longues (
De Svarta Riterna,
De Forna Sederna,
De Glömdas Ursjälar...). Quoi qu’il en soit, peu importe le format puisqu’à chaque fois le résultat semble au rendez-vous. Bekëth Nexëhmü propose depuis sa création et ses tout premiers enregistrements un Black Metal tout à fait personnel, plutôt impressionnant si l’utilisation du terme "improvisé" n’est pas ici galvaudé et avec une capacité à immerger l’auditeur absolument saisissante. Glacé et glaçant.
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